Sur le vif - Mardi 19.05.15 - 16.03h
Je m’intéresse de près à la politique française depuis décembre 1965, la première élection du Président du suffrage universel, avec notamment le duel du second tour, entre de Gaulle et Mitterrand. J’avais sept ans et demi, mais je me souviens de tout. Puissance de ces images en noir-blanc sur un gamin de l’époque, intensité dramaturgique, tous les ingrédients étaient là pour nous capter. Enfant, j’ai complètement marché dans la combine.
J’ai donc tout suivi. Je vous récite par cœur, quand vous voulez, la liste des Premiers ministres, et même celle des ministres principaux de chaque cabinet. Eh bien croyez-moi, je n’ai, en un demi-siècle, jamais vu une pareille bande de criseux que dans le ministère Valls. A croire que perdre son sang-froid devant des caméras fait partie du contrat d’engagement. Tout ministre n’ayant pas passé une bordée à un quidam, en direct devant des millions de spectateurs, se verrait amputé de quelques points, sur son permis de gouvernement.
Je dis bien : des petits criseux. Pas des sales tronches, comme le furent des Sanguinetti, des Pasqua, des Robert-André Vivien. Qu’un homme ou une femme soit haut en couleurs, sanguin, colérique, aucun problème, il ne s’agit pas d’aligner les pisse-froid. Mais vous l’avez vue, la crise de Manuel Valls lui-même, à l’Assemblée, face à une députée dont on pense ce qu’on voudra, mais qui, jusqu’à nouvel ordre, était parfaitement légitime à l’interpeller, ça fait partie de la mission de contrôle du Parlement. Et le locataire de Matignon, au Palais-Bourbon, n’a pas à faire la loi, comme dans son bureau.
Vous l’aviez vue, la ministre Verte, cela devait être sous Ayrault, alliant l’arrogance à la perte totale de sang-froid, parce qu’un député lui avait dit « Madame LE ministre » ? Elle aurait pu esquiver, jouer, ridiculiser l’importun, si elle avait eu un embryon de faconde et de répartie. En lieu et place, cette triste personne n’a servi à l’élu légitime que la seule sauce rhétorique et sémantique dont les ministres français semblent aujourd'hui capables : celle de la MORALE. Ils ne font plus de politique : ils nous assènent, nuit et jour, l’insoutenable pesanteur de leur MORALE. Et ils ont de qui tenir : le Premier d’entre eux, à Matignon, ne sait faire que cela. Menacer, engueuler le monde entier, circonscrire aux écrivains et aux penseurs le champ de ce qu’ils ont le droit de dire et de penser. A cet égard, l’une des pires équipes depuis la guerre.
Et puis, vous la voyez, de temps en temps, Mme Taubira, dont aimerait qu’elle garde ses Sceaux avec un peu plus de vigilance, chaque fois que, sur un plateau TV, un audacieux a l’insupportable culot de ne pas être d’accord avec elle ? Dernier épisode en date, la manière dont elle a traité le politologue Dominique Reynié. Mais enfin, ces ministres, pour qui se prennent-ils ? Qu’ils fassent leur boulot, le mieux possible, au service du pays, mais qu’ils s’abstiennent d’asperger de leur MORALE et de leurs leçons toute personne s’aventurant à les contrarier. Pitoyable comportement, le ton étant hélas donné au plus haut niveau de ce gouvernement, celui de Matignon.
Pascal Décaillet