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Conservateur, lucide et en parfaite santé : mais oui, c'est possible !

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 Sur le vif - Lundi 19.10.15 - 14.42h

 

« Vote de la peur », « vote du repli » : encore et toujours, nos belles âmes éditoriales des lendemains d’élections se complaisent dans ce vocabulaire, qui voudrait faire des vainqueurs des citoyens atteints de pathologie. Ils auraient voté, non en adultes, non en connaissance de cause, mais à leur corps défendant : en vertu, au sens médical, de réflexes immunitaires, par conjuration d’une crainte profonde. L’électeur conservateur, en Suisse, ne glisserait pas son bulletin en adulte sain et vacciné, en fonction d’une analyse de la situation, d’une vision de la politique. Non, il n’agirait qu’avec l’infinie faiblesse d’un être apeuré. Le corps électoral aurait « paniqué » face à la vague de migrations, « cédé aux sirènes », perdu les nerfs.

 

Pitoyable analyse. Celle d’une génération d’éditorialistes qui, au moins depuis 1992, veut absolument nous décrire la montée du sentiment conservateur, en Suisse, comme l’atteinte du corps national par une fébrilité maligne, dans tous les sens de cet adjectif, celui de la santé, celui de la possession diabolique. Pour contrer ce phénomène, ils ont tout essayé, depuis un quart de siècle, tous les exorcismes, ils ont diabolisé, démonisé, ostracisé, rien n’y fait : le phénomène demeure, prend de l’ampleur.

 

Ils ont tort. Voter pour une Suisse souveraine, indépendante, régulant ses flux migratoires (et non fermant ses frontières, comme ils l’affirment de façon mensongère et caricaturale), une Suisse préservant son corps social en luttant contre la sous-enchère salariale, une Suisse soucieuse de la qualité de son agriculture, celle de ses paysages, respectant ses animaux, une Suisse qui ne dénature pas son Plateau en construisant tous azimuts, ne relève en rien d’une maladie. Mais d’une série de constats, procèdant de l’exercice civique et de celui de la raison. Il n’y a là nulle fièvre, nulle éruption, seulement un choix politique assumé, articulé autour de l’attachement au pays, oui le patriotisme, le souci d’en préserver les beautés et les équilibres, celui d’un corps social sain et solidaire, dans une démographie dont nous puissions demeurer les maîtres, ce dernier point n’étant pas synonyme de fermeture, mais simplement de contrôle des flux.

 

On a vu ces thèmes dans l’initiative des Alpes (toujours pas appliquée, vingt ans après), et dans le oui au texte de Franz Weber. Et puis aussi, bien sûr, le 9 février 2014. Régulièrement, le corps électoral nous délivre des signaux, que d’aucuns, hélas, refusent de lire. A bien des égards, cette montée du « conservatisme », depuis 1992, en rappelle une autre : l’ascension, dans la résistance, du courant catholique-conservateur, ou catholique-social, ou chrétien-social, de 1848 à 1891, soit entre la toute-puissance radicale née du Sonderbund et l’arrivée, enfin, du Lucernois Joseph Zemp, premier « PDC » (avant la lettre !) au Conseil fédéral, le 17 décembre 1891, l’année de Rerum Novarum, l’Encyclique de Léon XIII sur la Doctrine sociale.

 

Dans les cantons protestants aussi, des courants émergeaient, contestant non le Progrès en tant que tel, mais la foi des radicaux, presque dogmatique, dans une industrialisation trop rapide du pays, effrénée même parfois, à partir du moment où les capitaux s’ouvraient. Aux yeux de beaucoup de nos compatriotes, entre 1848 et 1891, tout allait trop vite, l’Argent-Roi et le profit prenaient trop de place, défigurant la Suisse, il fallait revenir à des valeurs plus solides, fondatrices du pays profond.

 

La victoire historique de l’UDC, hier, et avec elle le glissement à droite sous la Coupole fédérale, ne sont pas une Révolution, mais un sérieux et tangible déplacement du curseur. Pour quatre ans. Il aura des conséquences sur  la mise en application du 9 février 2014, sur l’affirmation de notre souveraineté politique, sur nos tonalités dans les négociations internationales, sur la réforme de nos assurances sociales, sur notre politique énergétique (on va soudain se sentir beaucoup moins pressé de sortir du nucléaire), sur notre soutien et notre valorisation de l’agriculture suisse. Au sein de la famille de droite, particulièrement dans le binôme UDC-PLR, le rapport de forces ne sera pas le même que dans la législature précédente. Sur la question centrale des bilatérales, il faudra bien que certains fassent des concessions. Disons, de part et d’autre. Allez oui, disons cela.

 

 

Pascal Décaillet

 

 

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