Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Sur le vif

  • Hep taxi, Malmö, vite !

     
     
    Sur le vif - Mardi 09.12.25 - 14.35h
     
     
    Vous n'imaginez pas le nombre de gens, en ville, qui s'agrippent à moi, me saisissent en tremblant par le collet, la lèvre inférieure blanche d'angoisse, habités par un mélange impétueux de violence et de désir, et me supplient de faire quelque chose pour sauver le train de nuit Genève-Malmö. C'est certainement, aujourd'hui, la préoccupation no 1 de nos compatriotes. Une LAME DE FOND. Négliger la pulsion nocturne Genève-Malmö, ce qu'elle recèle d'ivresse dionysiaque, ce parfum bergmanien de fraises sauvages, ce petit jeu pervers de tendresse et de domination, cette résurgence germanique de l'Orient Express, cette chevauchée wagnérienne sur la vague baltique, c'est se hasarder au dernier de nos crimes avant la fin du monde.
     
     
    Pascal Décaillet

  • L'Etat, l'indispensable outil !

     
     
    Sur le vif - Dimanche 07.12.25 - 17.08h
     
     
    Toute ma vie, j'ai aimé et voulu l'Etat. Toute ma vie, je l'ai cherché. L'Etat, et surtout pas des armadas de fonctionnaires. L'Etat, et surtout pas des alignements de guichets. L'Etat, et surtout pas pléthore de circulaires.
     
    Mais l'Etat, quand même. Celui de Philippe le Bel, quand il impose (et de quelle manière !) le pouvoir royal sur l'Ordre des Templiers, qui commençait à prendre trop de place, trop de pouvoir. Celui de Louis XI, quand il prend le contrôle des messageries postales. Celui, surtout, d'Henri de Navarre, quand, devenu Henri IV, il fait son entrée dans Paris, et réconcilie les Français autour de sa personne. Celui, plus tard, de Bismarck, quand il crée les premières lois sociales d'Europe.
     
    L'Etat, en Suisse, a été incarné depuis 177 ans par un parti, un seul : le parti radical. L'autre parti, arrivé plus tard, qui l'a défendu avec force est le parti socialiste. C'est tout. Défendre la famille, aussi respectable soit le projet, ça n'est pas défendre l'Etat. Défendre l'environnement, c'est très bien, mais ça n'a rien à voir avec l'Etat. Défendre l'entreprise, Dieu sait si je suis pour (les PME, notamment), mais ça n'est pas une affaire d'Etat. Défendre le grand capital mondialisé, c'est un acte anti-Etat, anti-frontières, anti-national, que je combats.
     
    Non. L'Etat, c'est autre chose. Disons une volonté citoyenne d'organiser la vie publique, à l'intérieur de frontières définies, dans le système de références, de valeurs et de mémoire d'une nation déterminée. Cette organisation n'est pas un but en soi, l'Etat n'est pas un but en soi. Si j'en prône la nécessité, c'est comme outil (organon, dirait Aristote) pour équilibrer les pulsions individuelles, servir l'intérêt commun, protéger les plus faibles contre les requins. L'Etat, c'est l'anti-jungle. Ce rôle, il doit, de toutes ses forces, l'assumer face au crétinisme ultra-libéral qui galope en Europe depuis la chute du Mur. L'Etat c'est une régulation cadastrale des forces de domination des chefs de clans.
     
    L'Etat radical, celui de 1848. c'est cela. L'Etat fazyste de 1846, c'est cela. Les hussards noirs de la Troisième République. si magnifiquement décrits par Péguy (L'Argent, Cahiers de la Quinzaine), c'est cela. L'extraordinaire passage (1959-1973) du socialiste bâlois Hans-Peter Tschudi aux affaires, avec trois révisions réussies de l'AVS en quatorze ans, c'est cela. Les huit mois de Pierre Mendès France au pouvoir (juin 54 - février 55), c'est cela. La génuflexion de Willy Brandt à Varsovie, il y a jour pour jour 55 ans (7 décembre 1970), c'est cela. On est quand même dans un autre système de valeurs que la défense paroxystique des marchés boursiers et des dividendes.
     
    L'Etat n'est qu'un outil. Mais je n'en connais nul autre pour réguler les passions contraires, et imposer l'intérêt général sur les ferments de dispersion qui se multiplient. C'est pourquoi j'aime et je veux l'Etat. C'est pourquoi j'inscris mon horizon politique entre la rigueur rationnelle des légistes radicaux et l'ouverture sociale de la seule gauche à laquelle je puisse faire référence : celle qui, depuis la Révolution française, se bat pour la justice, pour l'éducation, pour la santé. Pas la gauche libertaire, ni surtout mondialiste. Non, la gauche nationale, structurée autour des intérêts supérieurs du pays. Pas la gauche de la haine des riches, qu'on vient de voir à l’œuvre avec un succès que, pour être poli, je qualifierais de modéré. Mais la gauche du travail, de la défense des ouvriers, des plus fragiles, des plus faibles d'entre nous.
     
    Pour organiser la solidarité, il faut la rigueur et la précision de l'Etat. Encore faut-il, comme on l'a vu récemment, qu'il vise juste et sache cibler ses bénéficiaires avec une autre lucidité que celle des automatismes.
     
     
    Pascal Décaillet

  • La pantalonnade de Vernier déshonore la Suisse

     
     
    Sur le vif - Dimanche 30.11.25 - 15.33h
     
     
     
    Si j'exerce, avec tant de passion, le métier de journaliste politique depuis quarante ans, c'est parce que tout ce qui touche à la Cité, à l'organisation collective des humains, à l'Etat, m'est viscéralement attaché.
     
    J'ai eu vingt ans le 20 juin 1978, c'était l'âge à l'époque pour voter, et mon tout premier vote fut, en septembre suivant, un OUI immense, indivisible, à la création du nouveau Canton du Jura. J'avais fait mon armée l'année précédente, à dix-neuf ans, il y avait un sérieux contingent de Jurassiens autour de moi, ils chantaient la Rauracienne pendant les marches, ils m'avaient convaincu. Depuis, en 47 ans, je n'ai jamais manqué un seul vote. Même en cette année 2005 où ma santé avait été atteinte au point de m'imposer, pendant près d'un an, un "traitement lourd". Je m'en tiendrai à ces deux mots. Ceux qui sont passés, ou passent par là, voient où je veux en venir. Je leur dis, en passant, mon invisible présence à leurs côtés.
     
    Tout ça, pour quoi ? Pour vous dire ma colère. La pantalonnade de Vernier, deuxième consécutive du genre, déshonore cette grande et respectée Commune, deuxième de notre Canton en nombre d'habitants, cinquième ou sixième de Suisse romande. Elle déshonore Genève, République et Canton, qui s'apprête à fêter l'Escalade. Elle déshonore la Suisse. Elle bafoue la confiance que nous, citoyennes et citoyens, plaçons en nos pairs, pour qu'ils exercent avec rigueur et dignité leurs droits civiques.
     
    Elle remet en cause, désolé si je brise un tabou en l'écrivant, une autre confiance : celle qui fut récemment accordée à une partie de la population genevoise, lorsque le corps électoral fut élargi. J'étais contre, mais je suis un démocrate : jusqu'à aujourd'hui, j'ai pris acte de cette décision majoritaire du peuple. A partir de ce dimanche 30 novembre 2025, je considère - et le dis - qu'il n'est pas tabou d'envisager un retour sur cet élargissement. La démocratie directe, par voie d'initiative, serait un outil pour y parvenir.
     
    La pantalonnade de Vernier déshonore la Suisse, mon pays, que j'ai servi près de 500 jours sous les drapeaux, quarante ans en animant le débat politique, partout où j'étais, radio, puis télévision. Je ne suis pas allé à Berne pendant des années, je n'ai pas lancé Forum il y a vingt-cinq ans, puis Genève à Chaud il y a vingt ans, pour qu'une bande de communautaristes jouent avec le feu, avec la confiance que nous leur témoignons, avec les institutions de ce pays que j'aime, que nous aimons tous.
     
    Les sanctions devront être exemplaires. Les leçons politiques, à la hauteur de l'exigence républicaine. Les libertaires communautaristes, n'ayant jamais rien compris à l'Etat ni à la République, aux idéologies flasques et sociétales, peuvent aujourd'hui se rhabiller. Nous reconstruirons la confiance, sans eux.
     
     
    Pascal Décaillet