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Sur le vif - Page 5

  • Le PLR : fidèle à ses valeurs, fidèle à ses erreurs

     
     
    Sur le vif - Samedi 18.10.25 - 16.06h
     
     
    En approuvant tout à l'heure, par 330 OUI contre 104 NON (ce qui n'est pas rien) et 9 abstentions, les Bilatérales III, le PLR suisse confirme sa ligne en faveur du libre-échange avec l'Union européenne, et notamment du principe de libre-circulation des personnes. Une ligne ancienne, fondatrice, celle de Delamuraz lors du combat épique du 6 décembre 1992, dont j'avais couvert, de Berne, toute la campagne, dans toute la Suisse, tout au long de l'année.
     
    Le PLR est fidèle à lui-même. A lui au moins, on n'adressera pas le grief de ductilité marécageuse ou de choix dans le sens du vent. Cette fidélité à ses valeurs de toujours doit être saluée.
     
    Pour autant, je ne voterai pas, le jour venu, cet Accord. Je suis pour les échanges et l'amitié avec nos voisins européens. Mais je suis contre le dogme du libre-échange, tel qu'on nous l'impose depuis 35 ans en Europe.
     
    Point 2 : je suis contre tout risque d'inféodation de mon pays à des juges étrangers, fussent-ils nommés par euphémisme des "arbitres".
     
    Point 3 : je ne veux pas de surpopulation de la Suisse, Übervölkerung, et en cela j'accueille avec bienveillance l'initiative de l'UDC sur les dix millions d'habitants. J'avais déjà voté OUI à Ecopop, je ne veux pas d'une Suisse qui étouffe. Je veux une croissance à taille humaine, au service de l'humain, respectant l'environnement. Maîtrisée, et non subie.
     
    La bataille à droite, celle des élections fédérales 2027, est lancée. Elle oppose deux grandes tendances, parfaitement respectables l'une comme l'autre, mais dont il n'est pas question de taire l'antagonisme. La tendance PLR, qui veut continuer dans la voie du libéralisme, avec tout ce que ce dernier peut représenter comme abdication de l'Etat, affaiblissement des services publics, renoncement à contrôler les flux migratoires. En face, la tendance UDC, qui veut maîtriser l'immigration, contrôler la croissance, commercer avec nos amis européens sans que cela soit lié à la moindre abdication de notre souveraineté. Ni politique, ni judiciaire.
     
    Entre ces deux tendances, j'ai fait mon choix. Depuis longtemps.
     
    En résumé, le PLR mérite notre respect pour sa cohérence et sa fidélité à ses idées. Mais à mes yeux, il a tort dans la question des Bilatérales. Je lui préfère une droite populaire, souverainiste, nationale, sociale et joyeuse.
    C'est valable en Suisse. Et c'est valable à Genève.
     
     
    Pascal Décaillet

  • La langue, ce répit entre deux massacres

     
     
    Sur le vif - Vendredi 17.10.25 - 18.48h
     
     
    La question centrale est celle de la langue. Grecque, allemande, hébraïque, arabe, copte, arménienne. La langue.
     
    Le chemin de paix, long et difficile, passe par le silence. Et il passe par la langue. Les ennemis ne se parlent pas, ils s'entretuent. Les émissaires osent quelques syllabes, mais que valent-elles ? Seuls deux humains habités, de l'intérieur, par la lumière de la paix, ont une chance, peut-être, d'avancer un peu. Défricher le macabre. Se frayer un chemin dans les ruines. Laisser poindre la mémoire, des deux côtés, celle des souffrances, celle des rancunes, celle des désirs cachés de vengeance. Il faut que cela, cette infection des âmes, puisse émerger.
     
    Et c'est là que commence le travail de la langue. On dit des négociateurs qu'ils "parlementent". Ca veut dire qu'ils parlent ? Ou ça veut dire qu'ils mentent ?
     
    Celui qui vient négocier pour rouler l'autre, le roublard, ne fait rien avancer. Il n'est pas un homme de paix, il n'est pas sur le chemin.
     
    Il faut installer un contact par le miracle de la langue. C'est le terrain, le seul, où peut poindre, peut-être, une étincelle de lumière. Lisez à tout prix "Saint-Germain ou la négociation", publié le 19 juin 1958 par Francis Walder, qui lui vaudra le Goncourt. C'est l'espoir, par les lumières infinies de la langue, de décrocher en 1570 une paix, en pleines Guerres de Religion, deux ans avant la Saint-Barthélémy. Catholiques et Huguenots se rencontrent, négocient dur et ferme, autour de quelques places fortes, et des conditions d'exercice de la Religion réformée en France. C'est un livre époustouflant d'intelligence. Et c'est un livre sur la langue. Autour de la langue. Ce répit entre deux massacres.
     
    Car la langue, c'est la vie. Et la guerre, c'est la mort.
     
    Car le chemin vers la langue, pour paraphraser le sublime titre de Heidegger, "Unterwegs zur Sprache", c'est le chemin vers la vie. Et la duperie du roublard, c'est le chemin vers le retour de la mort.
     
    L'Orient compliqué est terre de langues, de signes, de syllabes mêlées, d'invitations à la prière, de papyrus, de parchemins, de codes cryptés, de rituels, de prescriptions alimentaires, de tombeaux. Se promener dans la Vieille Ville de Jérusalem, "Trois fois sainte", et mille fois habitées de lumières et de signaux qui s'entrechoquent, c'est cheminer dans la langue. L'hébreu. Le grec byzantin. Le géorgien. L'arménien. L'arabe. Le copte. Le syriaque.
     
    Habiter une langue, c'est déjà habiter toutes les langues du monde.
     
     
    Pascal Décaillet
     

  • Israël-Palestine : communauté d'appartenance à l'espèce humaine

     
     
    Sur le vif - Jeudi 16.10.25 - 11.02h
     
     
    Par pitié, qu'on ne vienne pas parler de "paix" ! Il n'y a nulle paix au Proche-Orient, tout au plus un cessez-le-feu, dont certes personne ne se plaindra, mais qui n'a rien à voir avec la paix.
     
    Le cessez-le-feu est un arrêt sur images. Un moratoire. Une mise au congélateur. Dans les pires moments de la guerre à l'Est, entre le 22 juin 1941 et le 8 mai 1945, il y a eu, entre Soviétiques et Allemands, notamment l'hiver, des cessez-le-feu. Mais il n'y a jamais eu une seule seconde de paix.
     
    Même le 11 novembre 1918 n'est pas la paix. C'est un armistice. Les armes se taisent. La paix, c'est Versailles, sept mois plus tard, mauvais exemple d'ailleurs, traité totalement raté, arrogance de Clemenceau, conditions matérielles de vie hallucinantes imposées au peuple allemand, l'ardoise se paiera 22 ans plus tard.
     
    Sharm-El-Sheikh, ça n'a strictement rien à voir avec la paix. Un shérif matamore, gonflé d'orgueil et d'ego, débarque dans l'Orient compliqué avec sa vision de Far-West. Il "tord le bras" à Netanyahou avec de mirobolantes promesses financières. La Bourse de Tel-Aviv pulvérise ses records. Des chefs d'Etat inutiles font le voyage de la mer Rouge, juste pour se pavaner. On signe un papier. Et puis, piscine, brève plongée dans les eaux poissonneuses, et tout ce beau monde occidental, nourri de bonne conscience anglo-saxonne et de moraline yankee, reprend l'avion. C'était juste pour la photo. Juste pour le film. Juste pour la carte de visite. Juste pour le marketing.
     
    Dans ce cirque d'images, où est la paix ? Nulle part. Le chemin de paix, c'est un long, un patient, un discret, un silencieux pèlerinage des coeurs. Le mot "réconciliation", "Versöhnung" en allemand (où s'invite le mot "fils", et avec lui l'idée de filiation), exige un travail sur soi-même, puis une lente et pudique approche de l'autre, l'ennemi d'hier, pour qu'il devienne peut-être, si Dieu le veut, l'ami de demain. En écrivant ces lignes, je pense à Willy Brandt, Varsovie, 7 décembre 1970, premier voyage d'un Chancelier allemand en Pologne, génuflexion soudaine devant le Mémorial du Ghetto, public époustouflé, silence, immobilité, mémoire, recueillement.
     
    Pour le peuple palestinien, celui de Gaza comme celui de Cisjordanie, ou de Jérusalem-Est, rien n'est réglé. Aucune garantie politique n'a été donnée par Israël. Aucun projet de vie, de communauté d'existence, entre deux peuples séparés et pourtant mêlés, différents et néanmoins fondus dans la seule matrice qui vaille, qui devrait valoir : la communauté d'appartenance à l'espèce humaine.
     
     
    Pascal Décaillet