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Sur le vif - Page 5

  • Berset au Conseil de l'Europe : chronique d'une hystérie médiatique

     
    Sur le vif - Jeudi 27.06.24 - 14.41h
     
     
    Il y a un moment où il faut dire les choses. L'élection d'Alain Berset au poste de Secrétaire général du Conseil de l'Europe est le prototype de sujet n'intéressant qu'un tout petit monde de journalistes, et en aucun cas le grand public de notre pays.
     
    Qui, avant l'épisode Berset, avait-il été mis au courant, ne serait-ce qu'une fois dans sa vie, de l'existence d'un "Secrétaire général du Conseil de l'Europe" ? Qui, parmi nous, aurait-il été capable de mentionner le nom du titulaire de ce poste ?
     
    Les Suisses ne connaissent même pas le Conseil de l'Europe, sauf pour les décisions de la CEDH. Ils confondent cette instance avec l'Union européenne. Ils n'ont strictement aucune idée de ce que fabrique, toute la journée, un apparatchik aussi évanescent que le "Secrétaire général du Conseil de l'Europe".
     
    Je n'ai rien contre Alain Berset. Après le Conseil fédéral, il a souhaité accéder à cette charge, fort bien, chacun est libre. Mais un tel tintamarre autour d'une reconversion où le grisâtre le dispute à l'illisible !
     
    Le type-même de sujet qui a éclos dans le sérail des journalistes fédéraux, à Berne. Je le connais par coeur, en ayant fait partie moi-même, ayant sans doute succombé aux mêmes travers que je dénonce ici : focalisation hystérique sur des sujets d'initiés, n'intéressant absolument pas les couches profondes de la population suisse.
     
    De tous les médias touchés par le phénomène, la RTS a culminé en paroxysme : pendant des semaines, des jours, puis à chaque flash de chaque heure, elle nous a pompé l'air avec l'élection d'Alain Berset au Conseil de l'Europe.
     
    C'est l'exemple parfait du sujet mariné dans un palais des glaces, entre journalistes de la génération Berset, les mêmes qui se pâmaient devant chaque décision du ministre pendant la crise Covid, y compris lors des crises d'autoritarisme auxquels le Fribourgeois, au demeurant le meilleur des hommes, n'a pas échappé.
     
     
    Pascal Décaillet

  • François Lachat : cinq secondes, inoubliables

     
    Sur le vif - Lundi 24.06.24 - 15.34h
     
     
    Cinq secondes, peut-être six. C'était, hier soir au19.30h RTS, l'intervention de François Lachat, dans la belle émission spéciale de Jennifer Covo à Delémont, pour marquer les 50 ans du plébiscite de 1974.
     
    Cinq secondes, c'est court. Mais cet admirable père fondateur, tellement attachant, premier Président du gouvernement jurassien, aujourd'hui octogénaire, a été, une fois de plus, bouleversant.
     
    Cinq secondes, pour laisser sortir toute l'intensité de son émotion. Et la nôtre. Et la mienne.
     
    Le même François Lachat, dans l'après-midi du vote historique du 24 septembre 1978, proclamant les résultats devant la foule, avait simplement dit "Citoyennes, citoyens, victoire !". La simplicité révolutionnaire de ces trois mots, sur le moment, m'avait profondément touché.
     
    Le peuple et les Cantons de la Suisse, ce jour-là, venaient d'accueillir le Jura comme 23ème Canton de la Confédération.
     
    J'avais vingt ans et trois mois. A l'époque, le droit de vote était à vingt ans. Le tout premier vote de ma vie, ce fut, ce jour-là, pour dire OUI, du fond du coeur, à la République et Canton du Jura. L'année précédente, 1977, j'avais fait mon service militaire, il y avait des Jurassiens dans la compagnie, ils chantaient la Rauracienne pendant les marches. Ils avaient conquis mon coeur.
     
    Oui, c'était une belle émission de Jennifer Covo. Avec la Conseillère fédérale jurassienne, rayonnante au milieu des siens. Avec la foule, joyeuse. Et avec ces cinq secondes d'un grand Jurassien, et d'un grand compatriote suisse. Cinq secondes, inoubliables.
     
     
    Pascal Décaillet
     

  • "Chroniqueur" : un mot dévoyé par les coqs parisiens

     
    Sur le vif - Dimanche 23.06.24 - 17.37h
     
     
    Loin de moi l'idée d'entamer une carrière d'étrangleur, mais je veux, une fois pour toutes, tordre le cou à cette scandaleuse distorsion d'un mot, depuis quelques années, sur les chaînes privées françaises : le mot "chroniqueur".
     
    François Mauriac, dans le Figaro, puis dans l'Express, était un chroniqueur. Dans une colonne plutôt brève, appelée "Bloc-Notes", il déboulait, croquait un sujet de son choix, brillait par sa plume, sa cruauté, et même un humour qui n'apparaît pas, en première lecture, dans ses romans. Il était en décalage avec le reste du journal, il faisait un court numéro, étincelait, puis tirait sa révérence. On aimait on non, c'était Mauriac. Et surtout, c'était une chronique.
     
    De même, la chronique radio, dense, limitée dans le temps (plus elle est courte, ciselée, meilleure elle est), vous offre l'irruption d'une voix, un timbre, un tempérament. On surgit, à 07.20h du matin par exemple, on ne s'éternise surtout pas, on s'éclipse. Cela aussi, c'est une chronique.
     
    J'en viens au dévoiement du terme, aujourd'hui. Ce que les surexcités parisiens des chaînes privées, toutes orientations politiques confondues (donc celles de la droite dure, comme les autres, j'insiste sur ce point), ont le culot d'appeler "chroniqueurs", n'a strictement plus rien à voir avec la sublime intervention d'un soliste dans un concerto ou une symphonie, celle que l'on retiendra plus que le concert lui-même.
     
    Non, les prétendus "chroniqueurs" à la mode parisienne ne sont que des meutes, toujours recommencées, d'impénitents bavards. Leur existence précède l'essence de l'émission, c'est très Saint-Germain au fond : par nature, il sont là, le thème suit. L'émission, on la construit autour d'eux, et non autour de la primauté d'un sujet. La bande de bavards est là, par définition, elle fait tapisserie. Et aura son mot à dire sur absolument tous les sujets du monde, l'important étant qu'elle ramène sa fraise, loin de toute idée de pertinence, ne parlons pas de compétence, ce sont là des mots d'un autre âge.
     
    Dans ces émissions, on ne se fatigue même plus à inviter des politiques, un de droite, un de gauche, par exemple, dans l'idée de construire le débat démocratique sur l'antagonisme sémantique entre leurs positions. Non, on reste en famille. Entre "chroniqueurs". C'est moins fatiguant à préparer. Moins onéreux en frais de téléphone. Et tellement plus confortable, en termes de consanguinité.
     
    Ce qui arrive à la France, ces jours, dans sa crise démocratique majeure, la vitrine recommencée de ces "chroniqueurs", gladiateurs d'un soir avec une bonne dose de ketchup, en est, à bien des égards, responsable. Voilà des années que le débat démocratique, compétent et bien posé, a cédé la place à des combats de coqs stériles. Il ne faut pas trop s'étonner, si l'image même de la politique, au sens le plus noble, celui d'Aristote, s'en trouve, pour longtemps, dévastée.
     
     
    Pascal Décaillet