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Sur le vif - Page 5

  • Gaza : notre silence n'est plus possible

     
     
    Sur le vif - Samedi 03.05.25 - 11.46h
     
     
    Je me suis rendu maintes fois au Proche-Orient, la première fois en famille en 1966, puis plusieurs fois en reportage. J'ai couvert à Jérusalem, en 1998, les 50 ans de l'Etat d'Israël. Et à Ramallah, en 2004, au milieu d'une foule immense, les funérailles de Yasser Arafat. Je m'y suis rendu à d'autres reprises. L'Orient compliqué me fascine. La Vieille Ville de Jérusalem, avec son foisonnement de langues, de cultes, est pour moi l'un des ombilics du monde.
     
    Je l'ai toujours dit, je suis un ami des deux peuples. Un ami du peuple israélien. Un ami du peuple palestinien. Personne au monde, jamais, ne me fera dévier de cette ligne, cette double amitié, symétrique. Je reste, plus que jamais, un partisan des deux Etats, et je le dis aujourd'hui, justement parce que cette perspective paraît au-delà de l'utopie.
     
    Ma solidarité avec Israël est totale, suite aux attentats terroristes du 7 octobre.
     
    Mais la disproportion de la répression à Gaza, le massacre de civils, l'ampleur des morts et des blessés, exigent que les choses soient dites.
     
    Dire les choses, condamner le massacre, encore et toujours recommencé, ça n'est en aucun cas lâcher Israël. Ni dénier à ce peuple son droit à l'existence. C'est condamner un certain gouvernement, mené par un certain Premier ministre, à la tête d'un certain clan, conduisant une certaine politique. Beaucoup d'Israéliens, d'ailleurs, le font. Ils ont du courage.
     
    Il n'y a là, de la part de celui qui condamne le massacre, strictement rien d'ethnique, rien de religieux. L'affaire est politique. Elle est territoriale. Elle est une affaire de dominants, face à des dominés. De colons, face à des colonisés. Dire cela, ça n'est pas être un ennemi d'Israël, encore moins de son peuple. C'est analyser les rapports de forces. C'est un exercice de lucidité, même pas de morale, domaine que, pour ma part, j'évite toujours dans mes analyses et mes approches.
     
    Il se trouve que je suis, par ma naissance, un citoyen suisse. J'aime mon pays. En politique étrangère, là où saigne le monde, la Suisse doit montrer les voies de la connaissance, de la culture, de la nuance dans la complexité, du dialogue et de la paix. Elle avait permis cette approche, avec intelligence et discrétion, en accueillant les pourparlers France-FLN, dans les dernières années de la guerre d'Algérie, en prélude aux Accords d’Évian de 1962. Une période que j'ai eu l'occasion d'étudier de très près.
     
    Mais, tout en demeurant soucieuse de maintenir le contact avec tous, la Suisse officielle doit dire les choses. Elle avait condamné, à juste titre, les attentats du 7 octobre. Tout autant, sur les horreurs commises à Gaza, elle doit se réveiller. Elle doit parler. Elle doit oser dire sa condamnation du massacre.
     
    Notre actuel ministre des Affaires étrangères, M. Cassis, est beaucoup trop lié, dans cette affaire, à ses préférences pour l'une des parties en conflit, Israël. Sur Gaza, son silence n'est plus possible. Le silence du Conseil fédéral n'est plus possible. Le silence de la Suisse n'est plus possible. Notre silence, à tous, donc en conscience individuelle à chacun de nous, n'est plus possible.
     
     
    Pascal Décaillet

  • L'Histoire, école d'incertitude et de fragilité

     
     
    Sur le vif - Mardi 15.04.25 - 16.09h
     
     
    Je ne peux pas vivre aussi intensément dans les témoignages du passé, sans m'interroger constamment, en parallèle, sur la nature même de la démarche historique. Nous en parlerons d'ailleurs ce soir à GAC, avec Maryam Yunus Ebener, Jacques Berchtold et Laure Lugon Zugravu.
     
    Je ne parle ici que pour moi-même, au nom de mon expérience, sans avoir nullement l'intention de donner, après tant d'autres, ma propre définition de l'Histoire.
     
    Je veux simplement parler d'une école de liberté. Intellectuelle, mais pas seulement. Je suis plongé à fond, vous le savez, dans l'Histoire allemande, de 1522 (traduction de la Bible par Luther, acte fondateur de la littérature allemande moderne) à nos jours. C'est un chemin, c'est une expérience de vie.
     
    Plus j'avance, plus je suis pris de vertige. Face à l'immensité du champ. Mais aussi, par mon intuition de fils conducteurs qui, tels un leitmotiv chez Wagner (ou mieux encore, chez Richard Strauss), mêleraient des histoires d'apparences disparates. Redécouverte de la poésie grecque au 18ème siècle, à l'époque de Hölderlin. Histoire musicale, évolution des styles, importance du monde des sons dans l'identité même des Allemagnes.
     
    Et plus que tout, l'Histoire de la langue allemande elle-même, infiniment plurielle, dialectale, comme une variation du jeune Beethoven. La langue allemande, celle de Luther, celle des Frères Grimm, celle de Brecht, celle de Heiner Müller, celle de Christa Wolf. Je vais plus loin : nul ne peut prétendre, sauf à choisir l'assèchement, à une Histoire allemande, sans passer en profondeur par l'Histoire de la langue allemande. La langue, la poésie, la musique, sont VITALES dans le destin allemand lui-même.
     
    Tout cela, pour esquisser quoi ? Mon vertige, face à un sujet que je me suis moi-même assigné et pour lequel je me suis de passion. Mais aussi, pour dire une chose : la connaissance historique, même définie par Thucydide, il y a 25 siècles, comme une "acquisition pour l'éternité" (premières lignes de sa Guerre du Péloponnèse), ne peut que frapper par sa fragilité. Le long de toute une vie, sur un même sujet (pour moi, l'Histoire allemande), l'image qu'on se fait d'une époque, d'un thème, va sans cesse se corrigeant, s'affinant, parfois même se contrariant elle-même. Il faut accepter de se laisser surprendre, contredire, malmener, par ces irruptions fragmentaires du réel. Ces poussières de vérité.
     
    Il y a, dans ce chemin de vertige, une école de l'incertitude. Un appel à toujours tout remettre en question. A commencer par son propre savoir. C'est cette fragilité-là, je pense, qui devrait à elle-seule justifier le maintien d'un enseignement solide de l'Histoire à l'école. Sur le mode de l'initiation. Sur des sentiers trop escarpés, il n'est pas inutile de s'accompagner d'un guide.
     
     
    Pascal Décaillet
     

  • Natacha, l'avenir de Genève

     
     
    Sur le vif - Dimanche 13.04.25 - 14.48h
     
     
    Elle était partie seule, contre une machine, c'était perdu d'avance. Le savait-elle ? Je pense que oui. Natacha Buffet-Desfayes a été, n'en déplaise au triomphalisme de la gauche, la révélation de cette campagne. Par son courage. Sa détermination. Son sang-froid, incroyable, qui toujours affichait le sourire face à l'adversité.
     
    Seule, face à la machine. Seule, face des alliés encombrants. Seule, face à trois décennies de réseaux de clientélisme qui, une fois encore, ont porté leurs fruits.
     
    Seule, elle s'est battue. Contre la gauche. Contre la machine. Contre les réseaux. Contre l'inéluctable.
     
    Dans les débats, elle s'est concentrée sur le fond. Elle n'a attaqué personne. Jamais un seul coup sous la ceinture. Elle est arrivée, avec les lumières pragmatiques, modernes, de son radicalisme ancré dans 177 ans d'Histoire de notre Suisse moderne. Elle représente l'avenir.
     
    Elle s'est battue pour des valeurs. Sa campagne restera un exemple de rigueur, de maîtrise de soi, d'amabilité avec tous, et de passion républicaine.
     
    Elle est l'avenir de son parti. L'avenir de la députation PLR au Grand Conseil. Elle sera, le jour venu, dans d'autres combats, l'avenir de Genève.
     
     
    Pascal Décaillet