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Sur le vif - Page 5

  • Une Cité ! Pas une Jérusalem Céleste !

     
    Sur le vif - Dimanche 10.11.24 - 10.49h
     
     
    Ce que chaque peuple, chaque nation, selon son génie propre, doit constamment réinventer, c'est une ambition collective.
     
    Le libéralisme, à commencer par le pire de tous, celui qui sévit depuis la chute du Mur, c'est justement la négation de cette dimension commune. Il ne faudrait prôner que l'aventure individuelle, l'enrichissement personnel. Mais comment une telle vision, juste bonne pour l'Italie affairiste d'un Berlusconi ou la New York des boursicoteurs, a-t-elle pu s'imposer dans notre vieux continent, pétri d'autres valeurs que celles de ces zombies ?
     
    Nous avons été façonnés par la Grèce et par Rome, par les grands Ordres chrétiens, puis par la Réforme (Luther, le voici, le grand Européen, en tout cas l'un des plus grands des Allemands !), puis par les Lumières, puis par la Révolution française, puis (ne vous en déplaise) par le Rhénan Karl Marx.
     
    Nous, Européens continentaux, n'avons strictement rien à voir avec les délires individualistes, ni le libre-échange anglo-saxon, ni la sauvagerie du "Marche ou crève !". Nous avons, dans notre hérédité comme dans nos rêves d'avenir, d'autres horizons que le culte du Veau d'or, cette folie du profit immédiat.
     
    Toute ma vie, j'ai refusé le libéralisme. Je crois en la citoyenneté. Je crois en la politique. Je crois en la dialectique (au sens hégélien, mais aussi marxiste) des antagonismes, ce choc des idées qui permet d'avancer. Et de construire, ensemble, tout en s'engueulant fraternellement, une Cité.
     
    Une Cité ! Pas une Jérusalem céleste.
     
    Pascal Décaillet

  • Le blé en herbe

     
    Sur le vif - Jeudi 07.11.24 - 16.30h
     
     
    Il y a des jours, comme ça, où la Ville de Genève pulvérise ses propres records. En novembre. Par de petits jeudis de brume où valsent les lapins.
     
    Dans son communiqué, à l'instant, l'exécutif de la Ville demande un crédit substantiel pour "végétaliser la toiture"...... de 63 abribus !
     
    Prétexte : ces temples de l'attente "se situent dans la zone où la canopée représente moins de 10% de couverture".
     
    En Ville, on prohibe la viande, mais on divinise l'herbe. Pour mieux la fumer.
     
     
    Pascal Décaillet

  • L'enfance, le feu dans la terre, la musique et les mots

     
    Sur le vif - Mardi 05.11.24 - 10.12h
     
     
    Les nombreuses visites d'usines, dans mon enfance et mon adolescence, ainsi que les innombrables visites de chantiers du génie civil, routes, ponts, tunnels, bâtiments, tout cela m'a forgé au même titre que l'école. J'aimais l'école, mais je m'instruisais tout autant, parfois plus, en observant le réel.
     
    Ma mère, Gisèle Décaillet-Rausis (1920-2010), aimait les livres et les langues, elle m'a transmis cette passion. Mon père, Paul Décaillet (1920-2007), ingénieur, était un homme du concret. Jusqu'à l'âge de 13 ans, je voulais faire son métier. Je voulais devenir ingénieur, non en génie civil comme lui, mais en mécanique, et aller faire ma vie professionnelle en Allemagne, dans une usine. La lecture du Grand Meaulnes, à l'âge de 13 ans, recommandée par M. Buchetti, mon prof de français, a constitué pour moi un tel choc qu'elle m'a précipité dans une autre galaxie. La même année, Wagner, Nuremberg, tout Beethoven, Mozart : un être en formation est un métal en fusion, sensible à tous les feux.
     
    L'industrie, donc. L'été 1968, nous sommes montés au Cap Nord, en famille, en partant de Genève, un matin avant l'aube, dans la Mercedes-Benz 280 S blanche de mon père. Voyage inoubliable. Dès l'Allemagne, visites d'usines avec mon père. Puis, visite détaillée, en bateau, du port de Hambourg. Puis, bateau de Kiel à Oslo, sur une Baltique mouvementée. Puis, toute la Norvège, à travers les fjords, jusqu'au Cap Nord. Retour par un bout de Finlande, en Laponie, puis toute la Suède, avant de rentrer par le Danemark et, à nouveau, toute la traversée de l'Allemagne.
     
    Rien qu'en Suède, deux moments industriels fondateurs de ma mémoire. D'abord, nous avons visité en famille les mines de fer de Kiruna, celles dont Churchill et Hitler se disputaient le minerai, en avril 1940, en tentant de contrôler le port norvégien de Narvik. Pour Churchill Premier Lord, un désastre, Un de plus, 25 ans après les Dardanelles. Ces heures, passées dans l'incroyable réseau de tunnels de Kiruna, que nous parcourions en petit train, étaient totalement fascinantes. Enfant, impressionnable, réceptif à tout, je me suis dit : "Je veux travailler plus tard dans ce domaine". Quelques jours plus tard, avec mon père, nous avons visité les usines Atlas Copco, à Stockholm : mon père envisageait, pour son entreprise, d'acquérir un Jumbo, un perforateur de tunnels. Nous avons eu droit à une visite privée du site minier ! Là aussi, pour le gamin que j'étais, fascination.
     
    Nous sommes tous le produit de milliers d'expériences. Ce qui m'a formé, ce sont les langues, la poésie, la musique, les atlas de géographie, les dictionnaires. Mais aussi, et avec quelle puissance, les visites de chantiers et d'usines. J'ai fini par basculer dans un univers plus proche de celui de ma mère. Mais une autre partie de moi, héritée de mon père, m'a toujours attiré vers le concret, le travail du métal, la sidérurgie, le feu dans le rocher. La passion d'entreprendre.
     
    Et si cet univers était, au fond, infiniment plus proche du travail des mots, ou du son, que ce que je voulais à tout prix, enfant, opposer ?
     
    Et si mes deux passions d'enfance n'étaient que deux versions d'un même tropisme, indicible, fondamental ?
     
     
    Pascal Décaillet