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Sur le vif - Page 9

  • Pas d'argent des contribuables pour la "Genève internationale" !

     
     
    Sur le vif - Mercredi 12.02.25 - 14.24h
     
     
     
    En aucun cas il n'appartient à l'Etat de Genève de voler au secours, avec l'argent des contribuables, de la "Genève internationale".
     
    La "Genève internationale" n'est pas un but en soi. Elle est un outil - un organon, au sens grec - de l'éventuelle volonté des nations du monde de collaborer. Certaines organisations ont leur utilité. D'autres, pas du tout. On a pu mesurer l'effrayante vanité de la SDN lorsque, dans les années trente, a commencé à poindre l'odeur de la poudre. Notre chorégraphie de beaux diplomates, dignes des lignes les plus puissantes de "Belle du Seigneur", s'est soudain évaporée dans le tragique de l'Histoire.
     
    Nous entrons - pour un temps - dans un nouvel ordre du monde, où tout ce réseau de relations "multilatérales" est appelé à se défaire. C'est ainsi. C'est la volonté des nations. Pas seulement celle de Trump. Le phénomène va beaucoup plus loin, il faut prendre la mesure de l'exaspération montante, dans les couches profondes des peuples, face à ces "machins" dont nul ne saisit l'utilité.
     
    Nous entrons dans un ordre où les nations reviennent, souveraines, exerçant de l'une à l'autre des relations bilatérales, sans besoin de se noyer dans la mélasse d'un mondialisme insipide, juste là pour flatter les égos, les diplomates, le personnel international, et les politiques genevois qui se prennent pour des ministres du monde.
     
    Le Conseil d'Etat genevois n'a pas à utiliser les deniers des contribuables pour entretenir un outil de plus en plus défaillant, correspondant à une illusion d'ordre mondial dont les esprits, Dieu merci, sont en train de revenir.
     
    Le Conseil d'Etat genevois ferait mieux de consacrer toute son énergie aux habitants de notre Canton, à la vivacité de son économie, à sa cohésion sociale. Un peu moins de cocktails internationaux, avec langue anglaise et ronds-de-jambes. Un peu plus de patriotisme économique, de soutien à nos PME, nos petits entrepreneurs, de vision pour relancer notre industrie, de solidarité avec nos agriculteurs.
     
     
    Pascal Décaillet

  • Soudain la vie

     
    Sur le vif - Jeudi 06.02.25 - 22.55h
     
     
    Milieu de journée, autoroute de contournement. Stratus genevois, ce linceul de moiteur glauque, immuable depuis la Toussaint. France Musique. Sélection no 3 sur ma FM, vous savez ce vieux truc caduc dont plus personne ne veut. Émission sur le grand pianiste espagnol Ricardo Viñes, à l’occasion des 150 ans de sa naissance (5 février 1875). Et soudain, dans cette brume uniforme, humide et glaciale, les « Nuits dans les jardins d’Espagne », de Manuel de Falla. Puis, sa « Danse du feu ». Et des archives sonores de Ricardo Viñes, vieilles d’un siècle, intactes comme l’irruption d’une présence. Et soudain, l’Espagne. Et soudain, la chaleur, soudain la vie.
     
     
    Pascal Décaillet

  • René Ledrappier (1933-2025), l'homme qui m'a ouvert toutes les fenêtres

     
    Sur le vif - Vendredi 17.01.25 - 17.04h
     
     
    René Ledrappier est mort, j'ai appris hier la nouvelle par son fils aîné Bertrand, mon très vieil ami d'école (septembre 1965), elle m'a littéralement soufflé. Ma première pensée va à lui, Bertrand, mais aussi à ses frères et soeurs, Laurence, Claude, Bruno, leurs conjoints, enfants, et tous les proches. Je suis sous le coup, je m'en veux de ne pas l'avoir revu depuis longtemps, le ressac de la mémoire ne fait que commencer à s'emparer de moi. C'est quelque chose, la mémoire.
     
    René Ledrappier était né le même jour que ma mère, mais treize ans après elle, le 8 septembre 1933. C'est le jour de la Nativité de la Vierge. Il est décédé avant-hier, 15 janvier 2025, et laisse ceux qui l'ont connu, et admiré, face à l'immensité du souvenir.
     
    Je me souviens de sa première apparition dans ma vie, comme si c'était hier. Septembre 1965, j'avais sept ans, j'entrais dans une école, l'Institut Florimont, dont je ne suis sorti qu'à dix-sept ans et demi, en avril 1976, lors de l'obtention de ma Maturité fédérale, type A, latin-grec. Bertrand, quelques semaines après, passait son Bac C (maths et physique, hyper-poussés). Onze ans dans la même école !
     
    Septembre 65, oui, je vois cet homme grand, mince, élancé, père de Bertrand mon camarade de classe, mais beaucoup plus jeune que mes parents à moi. Il aborde ma mère, avec douceur et courtoisie. "Je vois que vous faites les trajets à pied, nous sommes voisins, je suis professeur au secondaire ici même, j'ai une voiture, je véhicule volontiers votre fils, si ça peut vous arranger". Quelque chose commençait, une fenêtre s'ouvrait. J'ignorais encore, à sept ans, l'intensité du vent.
     
    Monsieur Ledrappier a été, de 1969 à 1973, mon prof de maths, pour les quatre premières années de l'école secondaire. Il était d'une intelligence éclatante, il nous a tous marqués, à un point que nul ne peut imaginer. Il avait de la tenue, du verbe, du courage, il était comme ces hussards noirs dont parle si bien Péguy dans ses Cahiers de la Quinzaine, mais flamboyant comme un Mousquetaire. Début novembre 1970, il s'était absenté pour un jour, le temps de se rendre à Colombey-les-Deux-Eglises, pour les funérailles de Charles de Gaulle. Quand on est un garçon de douze ans, ça marque.
     
    René Ledrappier, fils d'un officier de l'armée française mort au combat, dans sa colonne de chars, face aux Panzers de la Wehrmacht, lors de la foudroyante offensive allemande de mai 40, était un homme hors-normes. Âpre et généreux, gaulliste de l'aile sociale, passionné viscéral de musique, notamment de Haendel, grand lecteur, inconditionnel de Malraux, il avait la passion solaire et indivisible, il avait quelque chose des grands Romantiques allemands. Pour l'avoir connu comme enfant, puis comme ado, puis comme adulte, tout cet univers m'a imprégné, accompagné, angoissé parfois, mais tellement enrichi. Mon premier sentiment, en écrivant ces lignes, est celui de la reconnaissance. Comme pour le Père Collomb, le lumineux aumônier du primaire. Comme pour Rolf Kühn, exceptionnel prof d'allemand, qui m'a initié à Kleist avant même l'âge de quinze ans. Comme pour le grand Bernhard Boeschenstein, mon prof de littérature allemande moderne à l'Uni.
     
    Gratitude, oui. Pour les fenêtres innombrables qu'il m'a ouvertes. Pour l'exemple de rigueur qu'il fut. Pour son courage. Pour son panache. Pour son rapport au verbe et à la musique. Pour son exigence d'intelligence. Pour sa sensibilité, lorsqu'il nous lisait Victor Hugo, ou Malraux.
     
    Oui, toute mon immense sympathie pour les siens. Et pour moi, la puissance intacte de son souvenir. Pour toujours.
     
     
    Pascal Décaillet