Sur le vif - Page 10
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A Vincent Mangeat, quelques mots, pour la route
Sur le vif - Jeudi 13.03.25 - 18.28hMon tout premier commentaire, à la RSR, il y a 35 ans (j'étais correspondant parlementaire à Berne), n'a pas porté sur un sujet politique. Il a consisté à dire le plus grand bien de l'architecte Vincent Mangeat. Au sujet, je crois, de son projet pour l'Exposition universelle de Séville. On m'avait confié, pour la toute première fois, la grande case éditoriale de la Matinale, qu'on appelait à l'époque "le billet d'actualité", à 07.20h. L'entrée dans la cour des grands !Le grand architecte m'en avait remercié, dans un style qui m'était apparu à la fois simple, exquis, d'une humanité vraie, profonde, sans fard. Pour être franc, on m'avait rarement écrit quelque chose d'aussi beau, tout au moins dans le registre demeurant profane aux choses de l'amour.En 35 ans, plusieurs fois, Vincent Mangeat m'a écrit. Toujours cette bouleversante simplicité de la vie qui va, nulle emphase, la précision des mots justes. Je ne lui ai pas toujours répondu, foutu métier, foutue passion journalistique, toujours à 100 à l'heure, toujours à remettre l'essentiel à demain. Dire, ce soir, que je m'en veux, relève de l'euphémisme.Dans ce correspondant dont les missives surgissaient, hors du temps, j'ai trouvé la plénitude d'un âme humaine. La délicatesse du monde sensible. Dans son sens le plus fort, l'humanité.Aujourd'hui que le grand architecte nous a quittés, je veux dire mon immense sympathie à l'ensemble de sa famille, ses proches, ses amis. Grégoire, Alia, et tous les autres, sans exception. Il me semble qu'une âme est passée, furtivement, s'adressant parfois à moi, sur le chemin. Là où se trouve aujourd'hui cette âme, je veux juste lui dire merci.Pascal Décaillet -
Un ordre du monde se meurt : il n'appartient pas à Genève de le ressusciter !
Sur le vif - Lundi 10.03.25 - 15.43hLa "Genève internationale" n'est pas un but en soi. Elle est l'instrument d'une éventuelle volonté des nations du monde d'avoir chez nous des instances de discussion.Nous entrons dans une ère - on peut s'en réjouir ou le déplorer - où cette volonté faiblit. La toile multilatérale, ce vieux rêve wilsonien de 1919, s'était déjà fracassé sur la montée des nationalismes dans les années trente. Il a repris du poil de la bête dès 1946, sur les décombres de la Seconde Guerre mondiale. Aujourd'hui, il s'essouffle.Il n'appartient en aucune manière à nos autorités cantonales genevoises, encore moins municipales (dans ce second cas, ça tutoie le ridicule), de se donner comme mission sacrée d'inverser la vapeur.Que Genève accueille des lieux de rencontres internationales, c'est fort bien. Mais notre Canton, encore moins la Ville, n'ont pas à s'activer pour condamner le retour aux relations bilatérales, ni tenter de rétablir un ordre du monde qui n'a plus lieu d'être aujourd'hui.On notera, en passant, le nombre hallucinant de guerres, dans le monde, depuis 1945. On s'échinera vainement à en trouver une seule - je dis bien une - que le ballet des diplomates multilatéraux, à Genève ou ailleurs, ait réussi à empêcher.Pascal Décaillet -
Le monde, tel qu'il est
Sur le vif - Samedi 08.03.25 - 11.02h
Les 800 milliards de l'Union européenne, c'est du vent. Il n'existe, concrètement, ni ces milliards, ni Europe politique, ni Défense européenne.
Les milliards, d'abord. L'Europe est endettée jusqu'au cou. Et cette fois, ça n'est pas la Grèce ! La France, pays fondateur en 1957, est exsangue financièrement. L'Allemagne, fondatrice aussi, si elle a des milliards, doit les investir impérativement dans la relance de son industrie et la rénovation de ses infrastructures. Les réseaux routiers et ferroviaires, en Allemagne, naguère si exemplaires, périclitent à en donner le vertige, je puis en témoigner pour me rendre si souvent dans ce pays, depuis l'enfance.
Le pire, c'est la France. Défait, sur le continent, de façon irréversible, il y a 85 ans, ce voisin que nous aimons ne s'est jamais relevé de cette catastrophe, qui n'était pas seulement militaire, mais morale. Bien sûr, il y a toute la geste gaullienne, et Dieu sait si j'y ai adhéré, cette illusion de pouvoir reconquis, cette "place à la table des vainqueurs" en 45, qui est une fiction totale. Sur le continent européen, la France est stratégiquement déclassée. Quant à sa "dissuasion nucléaire", joyau du Général, que vaut-elle VRAIMENT aujourd'hui, hors des belles paroles ?
Macron ? Il a ruiné le pays. Il l'a endetté pour des générations. Le joyau nucléaire, il veut maintenant le "partager" avec ses voisins européens ! Tant qu'il y est, il pourrait faire une visite officielle à Peennemünde, sur la Baltique, un 14 juillet, et y lancer quelques feux d'artifice. Cet homme est dangereux pour la France, il ne l'aime pas, il aime l'Europe. L'idée même de nation, lancée par la Révolution et défendue superbement par les Soldats de l'An II, sur tous les champs de bataille d'Europe, face aux puissances coalisées qui voulaient rétablir de force l'Ancien Régime en France, lui est étrangère. Il manque de culture historique. Le tragique de l'Histoire ne l'habite pas.
Alors, il détourne les attentions, De la stratégie, il a au moins retenu le principe de diversion, cher à Hannibal. La fosse des Mariannes de la dette, il tente de la faire oublier en brandissant au peuple un Grand Satan à l'Est. En nous annonçant pour dans 72 heures, comme en 81, l'arrivée des chars russes sur les Champs-Élysées. Nul n'y croit. Le roi est nu. Le roi parle encore, il n'en finit plus de parler. Pendant ce temps, d'autres agissent. La France est affaiblie. L'Europe politique est une fiction. Celle de la Défense, une chimère. Seules existent les nations. C'est tragique. C'est le monde, tel qu'il est, non tel qu'on aurait voulu qu'il fût.
Pascal Décaillet