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Liberté

  • Le tragique de l'Histoire

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 16.04.25

     

    La sauvagerie arbitraire de la Maison Blanche, sur les tarifs douaniers, déroute et désoriente la Vieille Europe. Mais elle a au moins un avantage : elle nous rappelle que l’Histoire est tragique, que le monde n’a rien de gentil, que les relations entre Etats se fondent sur des rapports de forces. C’est un peu pénible à encaisser, pour un esprit qui n’aurait pas l’habitude, aurait été abreuvé dès l’enfance par l’idée d’une communauté humaine fraternelle et planétaire, ou éduqué par le mythe de la fin de l’Histoire.

     

    Oui, le monde est dur, impitoyable. Il l’a toujours été, il le sera toujours. Dès que surgit un danger majeur, on l’a vu avec le Covid, chaque nation se referme, c’est chacun pour soi. Et toutes les belles paroles, tous les contes de fées sur « l’organisation multilatérale du monde », sur la « Genève internationale », tout cela s’effondre, se consume, disparaît en fumée. Ainsi va la vie, la vraie vie, qui est dure, cruelle.

     

    Aux enfants, dans les écoles, par pitié, pas de balivernes ! Le tragique de l’Histoire doit leur être enseigné, dans toute sa vérité. Ils doivent apprendre l’Histoire des guerres, des Traités, des propagandes. Ils doivent être initiés au décryptage des discours du pouvoir. La vertu première qu’on doit leur enseigner est celle de la lucidité. Ainsi, ils deviendront des citoyennes et citoyens libres. Et non des moutons.

     

    Pascal Décaillet

     

  • La SSR doit réactiver la FM !

     

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 16.04.25

     

    Les chiffres sont là. Et ils sont accablants. Les pertes des radios RTS, en audience, depuis l’abandon de la FM, au 1er janvier 2025, sont phénoménales. Des dizaines de milliers d’auditeurs fidèles jusqu’au 31 décembre 2024, peu enclins à se recycler de façon obligatoire en achetant des appareils « DAB+ », ont gardé leurs récepteurs FM, et ils écoutent les radios privées régionales. Ou, comme votre serviteur, France Inter, France Culture, et surtout l’indispensable France Musique. Ils y gagnent de belles émissions, mais ils perdent quelque chose d’absolument essentiel : la proximité, le pays, la vision supra-cantonale, les enjeux nationaux suisses, bref le lien entre nos compatriotes. Spécialiste, depuis quarante ans, de politique suisse, ancien correspondant à Berne, ancien chef de la rubrique Nationale, je me suis battu toute ma vie pour ce lien. C’est dire si cette décision scélérate de la SSR, abandonner la FM, me révulse. Les responsables, au plus haut niveau, de cette mesure mortifère, doivent être sanctionnés avec sévérité.

     

    Car la FM, entendez la transmission par la bande hertzienne, fonctionne parfaitement. C’est une toile magnifique, patiemment tissée depuis des décennies, sur l’ensemble de notre pays, avec son relief compliqué. Les antennes sont là. C’est une technique légère, volatile, souple, adaptable à tous les terrains, qui garantit notre indépendance en cas de conflit. La FM a fait ses preuves. Dans nos appartements, nos jardins, nos promenades, et surtout nos voitures. J’écoutais, toute ma vie, la RSR au volant, je me suis très vite habitué, j’écoute désormais France Musique, je m’en porte très bien. Et si moi, drogué d’info suisse, ancien producteur des Matinales, du 12.30h et surtout de Forum, je m’accoutume si vite, imaginez la masse des gens moins viscéralement concernés. Je le dis à la SSR : ceux qui vous ont quittés ne reviendront plus. Vous avez cassé un lien qui n’est pas seulement médiatique, mais politique, culturel, national, un lien des tripes, un lien du cœur !

     

    La SSR doit reconnaître son erreur. Virer la bande de modernistes qui a contribué à cet abandon. Et réactiver au plus vite la FM. L’enjeu n’est pas technique, et ne doit en aucun cas être laissé aux mains des technocrates. Non, l’enjeu est citoyen, et il est national. Quand je suis arrivé à Berne, comme correspondant parlementaire, il y a 35 ans, nous avons créé, avec mes collègues, la revue de presse alémanique, en direct le matin, sur la RSR. Je me levais avant cinq heures, je me rendais à pied à la gare de Berne, j’allais au kiosque où une gentille dame ne préparait tous les matins un paquet ficelé avec les journaux tout frais, NZZ, Tages Anzeiger, Blick, Berner Zeitung, Bund, Basler Zeitung, Weltwoche, Wochenzeitung, etc. Puis, toujours à pied, j’arrivais au Palais fédéral. Deux heures pour décortiquer. Et enfin, en direct, j’amenais à mes compatriotes romands la vision alémanique du monde. Tisser des liens à l’intérieur du pays. Il faut virer les technocrates. Et refaire, infatigablement, ce lien. C’est cela, notre mission.

     

    Pascal Décaillet

     

  • L'Histoire, école d'incertitude et de fragilité

     
     
    Sur le vif - Mardi 15.04.25 - 16.09h
     
     
    Je ne peux pas vivre aussi intensément dans les témoignages du passé, sans m'interroger constamment, en parallèle, sur la nature même de la démarche historique. Nous en parlerons d'ailleurs ce soir à GAC, avec Maryam Yunus Ebener, Jacques Berchtold et Laure Lugon Zugravu.
     
    Je ne parle ici que pour moi-même, au nom de mon expérience, sans avoir nullement l'intention de donner, après tant d'autres, ma propre définition de l'Histoire.
     
    Je veux simplement parler d'une école de liberté. Intellectuelle, mais pas seulement. Je suis plongé à fond, vous le savez, dans l'Histoire allemande, de 1522 (traduction de la Bible par Luther, acte fondateur de la littérature allemande moderne) à nos jours. C'est un chemin, c'est une expérience de vie.
     
    Plus j'avance, plus je suis pris de vertige. Face à l'immensité du champ. Mais aussi, par mon intuition de fils conducteurs qui, tels un leitmotiv chez Wagner (ou mieux encore, chez Richard Strauss), mêleraient des histoires d'apparences disparates. Redécouverte de la poésie grecque au 18ème siècle, à l'époque de Hölderlin. Histoire musicale, évolution des styles, importance du monde des sons dans l'identité même des Allemagnes.
     
    Et plus que tout, l'Histoire de la langue allemande elle-même, infiniment plurielle, dialectale, comme une variation du jeune Beethoven. La langue allemande, celle de Luther, celle des Frères Grimm, celle de Brecht, celle de Heiner Müller, celle de Christa Wolf. Je vais plus loin : nul ne peut prétendre, sauf à choisir l'assèchement, à une Histoire allemande, sans passer en profondeur par l'Histoire de la langue allemande. La langue, la poésie, la musique, sont VITALES dans le destin allemand lui-même.
     
    Tout cela, pour esquisser quoi ? Mon vertige, face à un sujet que je me suis moi-même assigné et pour lequel je me suis de passion. Mais aussi, pour dire une chose : la connaissance historique, même définie par Thucydide, il y a 25 siècles, comme une "acquisition pour l'éternité" (premières lignes de sa Guerre du Péloponnèse), ne peut que frapper par sa fragilité. Le long de toute une vie, sur un même sujet (pour moi, l'Histoire allemande), l'image qu'on se fait d'une époque, d'un thème, va sans cesse se corrigeant, s'affinant, parfois même se contrariant elle-même. Il faut accepter de se laisser surprendre, contredire, malmener, par ces irruptions fragmentaires du réel. Ces poussières de vérité.
     
    Il y a, dans ce chemin de vertige, une école de l'incertitude. Un appel à toujours tout remettre en question. A commencer par son propre savoir. C'est cette fragilité-là, je pense, qui devrait à elle-seule justifier le maintien d'un enseignement solide de l'Histoire à l'école. Sur le mode de l'initiation. Sur des sentiers trop escarpés, il n'est pas inutile de s'accompagner d'un guide.
     
     
    Pascal Décaillet