Commentaire publié dans GHI - Mercredi 25.0.25
Dans les temps de grande tension mondiale que nous traversons, avec les bruits de bottes qui se multiplient, la Suisse doit, plus que jamais, s’occuper d’elle-même. Elle l’a fait lors de la dernière guerre, et ma foi, n’en déplaise aux grands moralistes qui ont cru bon de nous faire la leçon dans les années 1990, elle a eu parfaitement raison. Au cœur de ce continent européen que nous aimons passionnément, dont nous parlons quatre langues, dont nous avons partagé l’Histoire, les remous confessionnels du seizième siècle, les échos de la Révolution française, puis la grande aventure industrielle, nous demeurons ce que nous avons toujours été : un tout petit pays, peu doté en ressources naturelles, très fragile dans ses équilibres, et à la prospérité beaucoup plus récente qu’on ne l’imagine. Mon père, ingénieur, né en 1920, m’a mille fois raconté le Valais d’avant la guerre, c’était un autre monde, tellement précaire économiquement. Les belles années, pour la Suisse, ne sont venues qu’après la guerre, et pas avant le début des années cinquante.
Dans ces conditions, la survie de notre pays est indissociable de quelques constantes. D’abord, une économie forte, centrée sur nos intérêts vitaux : une agriculture travaillant au maximum à notre autonomie alimentaire, avec des circuits courts, respectueux de l’environnement, et visant, tout simplement, à nourrir le peuple suisse. Et puis, je me bats dans ce sens depuis tant d’années, il nous faut une industrie vivante, réinventée, soutenue par l’Etat, dont les produits doivent servir en priorité la population de notre pays. Notre rapport à l’énergie, enfin, doit se concentrer totalement sur les nécessités intérieures, en matière notamment de chauffage, de mobilité, de qualité du réseau sur l’ensemble du pays. Je vous tiens là un discours d’économie de guerre ? Oui, je l’admets. Lorsque vient à poindre un vent mauvais, chaque nation, on l’a vu avec le Covid, se recroqueville sur elle-même. Et elle a mille fois raison.
Oui, la Suisse doit, en absolue priorité, s’occuper d’elle-même. La solidarité, la cohésion sociale, le respect des plus faibles, loin d’être des luxes pour philanthropes, sont parties intégrantes de notre destin national. En politique étrangère, aucune décision, aucune parole ministérielle à Berne, ne doit viser autre chose que les intérêts supérieurs du peuple suisse. Ces derniers impliquent, dans un conflit aussi terrible et passionnel que celui du Proche-Orient, de demeurer en contact avec TOUTES LES PARTIES PRENANTES. Sans en exclure aucune. Je suis allé maintes fois dans cette région du monde, pour mon métier : la Suisse est appréciée de tous les belligérants, parce que nous les écoutons, sans les juger à l’emporte-pièce. Demeurons ce précieux interlocuteur, soucieux de connaissance, d’Histoire, passionné par les langues du monde. Ami de tous les peuples. Mais notre politique, c’est au service du peuple suisse que nous devons la mener, et de lui-seul.
Pascal Décaillet