Liberté - Page 4
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Le club d'initiés c'est bien, l'élan du peuple c'est mieux !
Sur le vif - Dimanche 18.05.25 - 16.35hLe chiffre du jour, à Genève, historiquement bas, ce sont les 28,2%, seulement de participation. Il s'agissait de panneaux solaires, de lieu d'imposition des contribuables, tout cela nous en avons débattu à GAC, et j'y reviens ce soir, en direct 19h dans le GRAND GAC, avec huit invités, pour tirer les leçons de ces votations.Le seul thème éditorial à traiter, selon moi, ne concerne ni les panneaux solaires, ni le lieu d'imposition, mais bel et bien ce 28,2% de citoyens aptes au vote mais n'ayant pas jugé bon de se mobiliser. Il est vrai que nous avons été maintes fois sollicités lors des interminables municipales de ce printemps. Nous le serons encore le 28 septembre, pour une complémentaire, et d'autres scrutins.Je passe ma vie à organiser des débats sur les sujets d'apparence les plus austères. A traduire en langage clair les libellés les plus alambiqués des brochures, à dire à mes concitoyens : "Ca n'est pas technique, rien n'est purement technique, tout est politique, ça vous concerne !". Mes confrères et consœurs, presse écrite, radio, TV, s'efforcent aussi d'aller dans ce sens. Malgré cela, ce soir, 28,2%.On pourra toujours dire que 28,2% du corps électoral, c'est déjà infiniment mieux que les seuls 100 membres du Grand Conseil. Et c'est parfaitement exact. C'est d'ailleurs mon discours, vous le savez, depuis des décennies : je suis un partisan absolu, inconditionnel, de notre démocratie directe suisse.Mais quand même. Tout le monde est certes libre, et doit à tout prix le demeurer, d'actionner la voix populaire, par des référendums, des initiatives. Il n'empêche qu'un minimum de discernement en amont, de la part de ceux qui veulent affronter le peuple, s'impose.Je vais être plus clair encore. Ce soir, je ne dis pas bravo à l'UDC, qui a réussi à braquer quatre votants sur cinq contre son initiative "J'y vis, j'y paie". Ce parti, d'ordinaire, est nettement mieux inspiré, notamment au niveau fédéral, pour sentir les besoins profonds, méprisés pas les élites, de notre peuple. Et à l'inverse, je dis bravo aux Verts libéraux : avec leur initiative, certes refusée, ils ont empoigné un thème, lancé la floraison d'une idée, et finalement permis l'éclosion d'un contreprojet qui, ce soir , casse la baraque, avec 84% de oui.J'invite enfin l'UDC genevoise à concentrer ses combats de démocratie directe sur l'ADN de ses sujets, souveraineté, neutralité, droits populaires, contrôle des flux migratoires, plutôt que s'aventurer sur des thèmes dont elle a moins étudié le terrain.Pour ma part, ayant obtenu le droit de vote le jour de mes vingt ans, le 20 juin 1978, ayant voté une première fois, en septembre de la même année, pour dire OUI, du fond du coeur, à la République et Canton du Jura, ayant voté toute ma vie, je fais, ce soir, partie des 28,2% qui ont pris la décision. J'en suis honoré. Je ne jette pas la pierre aux autres. Mais il serait tout de même dommage que l'exercice des droits démocratiques se ramène à un seul club d'initiés (oh, j'en fais partie !). La citoyenneté, conquête majeure de la Révolution française, mérite mieux que ces 28,2%.Pascal Décaillet -
Le Tigre, Munich, la fin du Faust
Sur le vif - Vendredi 16.05.25 - 10.34hEn me penchant ce matin sur l'Histoire et la structure musicologique de la Huitième symphonie en mi bémol majeur de Mahler, que j'ai écoutée hier soir sur Stingray Classica, je découvre qu'à la Première, à Munich le 12 septembre 1910, aux côtés de Schönberg, Webern, Bruno Walter, bref les plus grands esprits musicaux de l'époque, il y avait un certain... Georges Clemenceau !A cette époque-là, le Tigre, 68 ans, a déjà été une première fois (1906-1909), évidemment moins fracassante que son second passage de 1917 à 1920, Président du Conseil. Que fait-il à Munich ? Quel est son rapport à la musique ? Sa présence est-elle simplement protocolaire, ou relève-t-elle d'un intérêt pour l’œuvre de Mahler ? Quelle peut être sa réception de l'éblouissante seconde partie, en allemand (la première, Veni Creator Spiritus, est en latin), qui se réfère à la fin du Faust (1808), de Goethe ?J'ai toujours pensé, ayant lu toutes ses biographies, que Clemenceau, parfait anglophone (il avait vécu aux Etats-Unis, comme jeune médecin), ignorait tout de la culture germanique. Par sa germanophobie, j'ai toujours expliqué son intransigeance coupable (la suite l'a montré) face à l'Allemagne "vaincue", à Versailles, en 1919.La réalité de ses appétences culturelles est peut-être plus complexe.Les chemins de l'Histoire sont truffés de surprises. De questions. De doutes. De remises en cause d'une idée préconçue. C'est leur puissance. Et c'est leur charme.Pascal Décaillet -
Brûlante d'actualité
Commentaire publié dans GHI - Mercredi 14.05.26
Rerum Novarum, l’Encyclique de 1891, est un écrit politique. Au sens le plus large, le plus noble, celui de la Cité. Elle est, au fond, une réflexion sur ce qui nous lie. Que vous en partagiez ou non les fondements spirituels, que vous soyez ou non habités par la foi, peu importe : je vous invite, comme citoyens, à prendre connaissance de ce texte, parce qu’il articule une réflexion, en profondeur, sur la nature même du travail, sa finalité. C’est cela qui compte. A l’époque de la Révolution industrielle, mais tout autant aujourd’hui, en mai 2025.
Au fond, si ce texte nous parle tant, c’est parce qu’il pourrait être d’aujourd’hui. Toute la pensée de Léon XIII tente de définir ce que doit être le travail, dans une vie humaine. Elle en reconnaît la nécessité, et même la haute valeur, possiblement libératrice, mais insiste pour que toute activité professionnelle, y compris dans les fonctions les plus modestes, soit émancipatrice. Plutôt que dévorante, aliénante. C’est cela, l’essentiel à retenir.
Et cela qui brûle d’actualité. Nous avons tous à mener une réflexion sur notre relation avec le profit. Sur les errances du capitalisme, du libéralisme sauvage. Sur la robotisation. Sur notre inféodation à des monstres technologiques planétaires. En cela, le choix d’un prénom est évidemment tout, sauf gratuit : le nouveau Pape nous donne, par ce seul acte symbolique, des pistes majeures. A nous tous de nous en emparer.
Pascal Décaillet