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Liberté - Page 6

  • Le retour des cendres, ça vous parle ?

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 21.05.25

     

    Il y a, en chacun d’entre nous, une part d’intimité qui doit être sacrée. On peut appeler ça « la vie privée », au respect de laquelle je suis infiniment attaché. Mais il est des tréfonds qui vont plus loin encore. A chacun d’entre nous de tenter d’en prendre la mesure, pour lui-même. Je n’ai, à cet égard, aucune leçon à donner, aucune autorité, aucune recette, aucune approche préfabriquée, qui serait calquée sur une grille de lecture, religion, psychanalyse, que sais-je ? Chacun de nous doit bien sentir, quelque part en lui, la possibilité d’un gouffre. Face à soi-même, la fragilité d’un vertige. Dans la vie consciente, éveillée, on oublie tout ça, on rayonne, on séduit, on tente d’aller vers l’autre. Et puis, le surgissement d’un rêve, et l’autre vie qui se rappelle à nous. Chacun de nous chemine, sur la ligne de crête, entre ces deux mondes, d’un côté la vie sociale, de l’autre les ébullitions intérieures. Chacun de nous fait ce qu’il peut.

     

    Et puis, quoi ? Et puis, comme le chante Mouloudji, dans l’un de ses plus beaux textes, « Faut vivre ! ». Le temps qui nous est imparti, après tout, n’est pas infini. Vivre, oui, mais quelle vie ? Accomplir une fonction sociale, se réaliser à fond dans un métier qui nous passionne, y affûter ses compétences, les élargir. Tout cela, oui, bien sûr. Mais l’autre vie ? Celle qui nous lance des appels, ces figures qui reviennent, ces vieux rêves auxquels on avait cru renoncer, et qui soudain surgissent ? Tout cette glaise de notre passé, celle qui nous a façonnés, celle qu’on a reniée, celle qu’on n’a pas voulu voir, celle qu’on a voulu oublier, on se défend comme on peut : « Faut vivre ! ».

     

    Un homme, une femme, c’est une vie consciente et une vie refoulée, c’est un passé, des ruptures, des cicatrices. Des maladies aussi, parfois. On les a combattues, de toutes ses forces. Et, si on a eu la chance de gagner, alors on oublie tout, les souffrances, on se demande même on si l’a bien vécue, cette guerre féroce pour la guérison. On ne retient que la légèreté du salut. « Faut vivre ! », alors on oublie. J’ai eu la chance de le voir, Mouloudji, avec quelques amis, dans un cabaret parisien, près de la Bastille, en 1988. Me traverse encore, comme une lave de mémoire, mon émotion, l’écoutant interpréter cette chanson, « Faut vivre ! ».

     

    Alors, la part d’intimité, en chacun de nous ? Bien sûr que je plaide avec passion pour elle, et pour son absolu respect par les tiers. Mais mes mots sont inutiles, chacun sait très bien, au fond, ce qu’il doit à cette petite musique intérieure. Un gouffre ? Un vertige ? Une perte d’équilibre ? Une boîte noire ? Ou alors, peut-être, un retour des cendres. Un cérémonial du souvenir. Une liturgie, dans une langue que seule aurait parlée notre vie ancestrale, et que l’univers de la raison, de la démonstration, de la nécessité sociale, nous aurait fait oublier. Voyez, je donne des mots, et déjà mes paroles sont vaines. Envolées, avec le vent. « Faut vivre ! » : alors vivons, le plus intensément possible. Le temps de vivre est déjà si court, non ?

     

    Pascal Décaillet

  • Portugal, Pologne, Roumanie: la patience du curseur !

     
     
    Sur le vif - Lundi 19.05.25 - 16.33h
     
     
     
    Le Portugal, la Pologne, la Roumanie ont voté hier, les uns pour des législatives, les autres pour la présidentielle. Ces trois pays sont suffisamment éloignés les uns des autres, surtout le premier, qui constitue la pointe occidentale du continent, pour que nous repoussions toute tentation de tisser des liens entre ces trois scrutins.
     
    Chacun a son Histoire, passionnante dans les trois cas, sa langue, ses dialectes, sa littérature, ses marques du passé, ses douleurs de mémoire, ses cicatrices. Chaque nation doit être étudiée en soi, à l'écart de toute aspiration à une interprétation universelle, ou mondialiste. Il faut d'abord entrer dans sa langue, sa pensée. Vous savez qu'infatigablement, pour les Allemagnes, je m'efforce à cette approche, où l'immersion dans la culture poétique et musicale notamment, occupe une place tout aussi importante que la passion pour la politique et l'économie.
     
    Dans ces trois nations qui viennent de voter, toutefois, la droite souverainiste et nationale progresse. Mais là aussi, même si la tentation est infinie de voir la percée du parti contestataire, au Portugal, comme une résurgence des décennies salazariennes d'avant le 25 avril 1974 (ah, cette date, les Œillets, je m'en souviens comme si c'était hier !), il nous faut demeurer parfaitement froids, analytiques, dans l'ascèse de lucidité, plutôt que jouer aux éternels colleurs d'étiquettes. Place de ce pays dans l'Union européenne (j'étais à Porto, avec Delamuraz, le 1er mai 1992, pour la signature de l'Accord EEE, qui sera refusé par le 6 décembre de la même année par le peuple et les cantons suisses). Mais aussi, difficultés de l'économie, emploi des jeunes, et tant de clefs d'interprétation autochtones tellement plus pertinentes que les approches globales.
     
    Ce soir à GAC, avec quatre invités, nous nous pencherons sur les élections dans ces trois pays. Au Portugal, le bipartisme est culbuté. En Roumanie, le candidat de la droite nationale progresse, sans pour autant s'imposer. En Pologne, le Maire libéral de Varsovie prend l'avantage, en vue du second tour du 1er juin, sur le candidat protestataire.
     
    Bref, complexe. Multiforme. Exigeant finesse d'approche, et surtout respect des identités nationales de chacun de ces trois pays, pour tenter quelques éclairages.
     
    Une dernière remarque : les pays d'Europe où la droite nationale et souverainiste progresse le plus, ne sont ni le Portugal, ni la Pologne, ni même la Roumanie. Mais trois pays signataires du Traité de Rome (mars 1957), pierre angulaire de l'Europe communautaire : la France, l'Allemagne, l'Italie. Preuve que l'évolution du curseur, partout sur le continent, vers le retour à la nation souveraine, n'est absolument pas l'apanage de tel Etat bananier ou périphérique : elle s'exerce partout, à commencer chez ceux qui, si longtemps, à coups d'anathèmes, ont cru bon de prôner avec arrogance la Raison triomphante contre la résurgence, comme dans la Prusse de 1807, sous occupation française, des récits nationaux et des tellurismes du coeur.
     
     
    Pascal Décaillet

  • Le club d'initiés c'est bien, l'élan du peuple c'est mieux !

     
     
    Sur le vif - Dimanche 18.05.25 - 16.35h
     
     
     
    Le chiffre du jour, à Genève, historiquement bas, ce sont les 28,2%, seulement de participation. Il s'agissait de panneaux solaires, de lieu d'imposition des contribuables, tout cela nous en avons débattu à GAC, et j'y reviens ce soir, en direct 19h dans le GRAND GAC, avec huit invités, pour tirer les leçons de ces votations.
     
    Le seul thème éditorial à traiter, selon moi, ne concerne ni les panneaux solaires, ni le lieu d'imposition, mais bel et bien ce 28,2% de citoyens aptes au vote mais n'ayant pas jugé bon de se mobiliser. Il est vrai que nous avons été maintes fois sollicités lors des interminables municipales de ce printemps. Nous le serons encore le 28 septembre, pour une complémentaire, et d'autres scrutins.
     
    Je passe ma vie à organiser des débats sur les sujets d'apparence les plus austères. A traduire en langage clair les libellés les plus alambiqués des brochures, à dire à mes concitoyens : "Ca n'est pas technique, rien n'est purement technique, tout est politique, ça vous concerne !". Mes confrères et consœurs, presse écrite, radio, TV, s'efforcent aussi d'aller dans ce sens. Malgré cela, ce soir, 28,2%.
     
    On pourra toujours dire que 28,2% du corps électoral, c'est déjà infiniment mieux que les seuls 100 membres du Grand Conseil. Et c'est parfaitement exact. C'est d'ailleurs mon discours, vous le savez, depuis des décennies : je suis un partisan absolu, inconditionnel, de notre démocratie directe suisse.
     
    Mais quand même. Tout le monde est certes libre, et doit à tout prix le demeurer, d'actionner la voix populaire, par des référendums, des initiatives. Il n'empêche qu'un minimum de discernement en amont, de la part de ceux qui veulent affronter le peuple, s'impose.
     
    Je vais être plus clair encore. Ce soir, je ne dis pas bravo à l'UDC, qui a réussi à braquer quatre votants sur cinq contre son initiative "J'y vis, j'y paie". Ce parti, d'ordinaire, est nettement mieux inspiré, notamment au niveau fédéral, pour sentir les besoins profonds, méprisés pas les élites, de notre peuple. Et à l'inverse, je dis bravo aux Verts libéraux : avec leur initiative, certes refusée, ils ont empoigné un thème, lancé la floraison d'une idée, et finalement permis l'éclosion d'un contreprojet qui, ce soir , casse la baraque, avec 84% de oui.
     
    J'invite enfin l'UDC genevoise à concentrer ses combats de démocratie directe sur l'ADN de ses sujets, souveraineté, neutralité, droits populaires, contrôle des flux migratoires, plutôt que s'aventurer sur des thèmes dont elle a moins étudié le terrain.
     
    Pour ma part, ayant obtenu le droit de vote le jour de mes vingt ans, le 20 juin 1978, ayant voté une première fois, en septembre de la même année, pour dire OUI, du fond du coeur, à la République et Canton du Jura, ayant voté toute ma vie, je fais, ce soir, partie des 28,2% qui ont pris la décision. J'en suis honoré. Je ne jette pas la pierre aux autres. Mais il serait tout de même dommage que l'exercice des droits démocratiques se ramène à un seul club d'initiés (oh, j'en fais partie !). La citoyenneté, conquête majeure de la Révolution française, mérite mieux que ces 28,2%.
     
     
    Pascal Décaillet