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Liberté - Page 9

  • Le peuple

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 23.04.25

     

    La politique, ce sont des idées. Mais ce sont aussi des personnes, qui les incarnent. Alors, quand on est journaliste politique, on passe son temps à brasser les idées, en compagnie de ces hommes et femmes qui les portent. On est toujours, au fond, comme en géométrie descriptive, à chercher la courbe idéale, entre l’abscisse et l’ordonnée : les idées, les personnes.

     

    Pour ma part, vous le savez, je prône l’absolue supériorité des idées. Je milite pour un maximum de démocratie directe sur les thèmes (votations, initiatives, référendums, etc.), et un minimum de combats de personnes (élections).

     

    Oui, mais voilà, il suffit qu’un enjeu électoral se pointe à l’horizon, pour que se réveille en moi, avec toute la férocité d’un démon, le besoin de rencontrer, physiquement, un maximum de candidats. Et de les présenter au public. Je ne m’en suis pas privé, pendant ces trois mois de campagne municipale.

     

    Sauf élection complémentaire, jamais à exclure, nous devrions être tranquilles, à Genève, jusqu’à l’automne 2027 (élections fédérales), à nous concentrer sur des thèmes, plutôt qu’à élire des gens. Je m’en réjouis infiniment. Le seul patron, en Suisse, le seul héros qui vaille, ce ne sont ni les élus, ni les candidats. Mais le corps électoral, qui actionne le suffrage universel. En un mot comme en mille, le peuple.

     

    Pascal Décaillet

     

  • L'Histoire à l'école, impératif de civilisation

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 23.04.25

     

    La démarche historique est un chemin de connaissance. Elle implique, de la part du pèlerin qui tente l’aventure, une pulsion permanente de mouvement vers le sujet de son étude. On dit qu’il faut « acquérir des connaissances » : l’expression est trop rêche, trop austère, elle suinte trop le bachotage, pour embrasser une réalité tellement plus essentielle, plus séduisante, au point qu’elle peut devenir mode de vie. Oh, qu’il faille connaître à fond la chronologie, les dates essentielles, le contexte, c’est certain. Mais tout cela n’est qu’un cadre. A l’intérieur, il faut cheminer vers l’essentiel : les témoignages humains, les fragments de réel qui, telle une mosaïque brisée, exigent la patience de la reconstitution. Alors oui, l’Histoire est chemin. Oui, elle est pèlerinage. Oui, elle implique chez celui qui avance un travail non seulement sur l’objet de connaissance, mais sur lui-même, ses préjugés, ses antécédents. La démarche historique est, avant toute chose, une aventure humaine.

     

    Il faut aussi se méfier du mot « archives », qui effraye le grand public. On imagine des salles immenses, avec des kilomètres de rayonnages, un huissier sévère, en blouse, qui vous amène votre commande avec des gants, et de patients étudiants, doctorants ou professeurs, qui passent leurs journées à se pencher sur des documents. Cela existe, évidemment. Mais un film familial, des bouffées de nostalgie sur des vacances en Italie dans les années 60, des monnaies, des timbres-poste (ah, la passion philatélique, qui fut mienne, enfant !), des tessons archéologiques, des vases à figures rouges dans un musée étrusque en Toscane ou à la Villa Giulia de Rome, une friche industrielle en ex-DDR ou dans la Ruhr, tout cela nous parle.

     

    Tout cela nourrit nos imaginaires. Tout cela donne vie à nos dialogues intérieurs avec le passé. Pour ma part, la seule vue d’une Trabant, ou d’une Wartburg, fabrication Eisenach, à l’ombre du château où Luther s’est enfermé deux ans pour traduire la Bible (1520-1522), suffit à réveiller mon imaginaire, m’emplir de bonheur. Fragments de vie, oui, poussières de réel, tout cela est archives, tout cela est mémoire, réinvention, vie retrouvée.

     

    Le chemin vers l’Histoire doit impérativement demeurer l’un des actes fondateurs de l’enseignement, tous niveaux confondus. Non pour bourrer des têtes. Mais comme école de la nuance. Ecole du témoignage. Promenade dans la polyphonie, celle de toutes ces voix multiples, contradictoires, qui viennent à vous. C’est une école de la lutte contre les préjugés, les pensées trop formatées : les nôtres, à chacun d’entre nous ! Une école de doute par rapport à soi-même, comme sujet cheminant vers un domaine du passé, ou d’ailleurs aussi du présent. Tout cela constitue, non un code, mais tout au moins une méthode. Ce chemin, sur tous les sujets d’étude imaginables, doit impérativement demeurer, dans nos écoles, comme une pratique, une ascèse. Et non comme un fatras à enfourner pour réussir un examen. L’éveil à l’Histoire n’est pas une obligation scolaire, c’est un impératif de civilisation.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Le tragique de l'Histoire

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 16.04.25

     

    La sauvagerie arbitraire de la Maison Blanche, sur les tarifs douaniers, déroute et désoriente la Vieille Europe. Mais elle a au moins un avantage : elle nous rappelle que l’Histoire est tragique, que le monde n’a rien de gentil, que les relations entre Etats se fondent sur des rapports de forces. C’est un peu pénible à encaisser, pour un esprit qui n’aurait pas l’habitude, aurait été abreuvé dès l’enfance par l’idée d’une communauté humaine fraternelle et planétaire, ou éduqué par le mythe de la fin de l’Histoire.

     

    Oui, le monde est dur, impitoyable. Il l’a toujours été, il le sera toujours. Dès que surgit un danger majeur, on l’a vu avec le Covid, chaque nation se referme, c’est chacun pour soi. Et toutes les belles paroles, tous les contes de fées sur « l’organisation multilatérale du monde », sur la « Genève internationale », tout cela s’effondre, se consume, disparaît en fumée. Ainsi va la vie, la vraie vie, qui est dure, cruelle.

     

    Aux enfants, dans les écoles, par pitié, pas de balivernes ! Le tragique de l’Histoire doit leur être enseigné, dans toute sa vérité. Ils doivent apprendre l’Histoire des guerres, des Traités, des propagandes. Ils doivent être initiés au décryptage des discours du pouvoir. La vertu première qu’on doit leur enseigner est celle de la lucidité. Ainsi, ils deviendront des citoyennes et citoyens libres. Et non des moutons.

     

    Pascal Décaillet