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Liberté - Page 12

  • La gauche colleuse d'étiquettes

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 09.04.25

     

    Longtemps, j’ai admiré la gauche. Celle de Jaurès. Celle qui défendait les ouvriers. Celle qui luttait contre les enfants dans les mines, les journées de travail interminables, l’absence de protection sociale. Celle qui s’est battue, comme une folle, pour les premières conventions collectives, puis les grandes lois sociales. La gauche allemande, dès l’époque bismarckienne, qui s’impose, par son sérieux, son pragmatisme, comme partenaire incontournable dans la naissance de l’Etat social allemand, modèle européen, jusqu’à aujourd’hui. La gauche française, celle des ministres communistes du gouvernement provisoire de Charles de Gaulle, entre août 44 et janvier 46, celle qui contribue, sur les décombres de la guerre, à créer la Sécurité sociale. Celle de Mendès France, en 54-55. Et puis, notre gauche suisse, celle des socialistes, au gouvernement fédéral dès 1943, celle qui œuvrera pour la création de l’AVS, en 1947.

     

    Oui, cette gauche-là est admirable, la gauche des pays miniers, en Belgique, dans la Ruhr, en Silésie germano-polonaise. La gauche de Willy Brandt (1969-1974), l’immense Chancelier de l’Ostpolitik et de la génuflexion de Varsovie, en décembre 1970. Ces gens-là, communistes ou socialistes, étaient remarquables, ils croyaient aux lendemains qui chantent. Ils avaient le sens du combat, de la dureté de l’Histoire, ils en connaissaient le tragique, ils savaient que toute conquête était fragile, que chaque génération devrait recommencer.

     

    C’était le temps où la gauche s’occupait des ouvriers. Celle d’aujourd’hui, hélas, passe son temps à coller des étiquettes. A dénigrer ses adversaires politiques. A les qualifier, plutôt que les combattre sur le fond. Elle s’imagine que cette guerre de la communication, fondée sur un étiquetage scélérat collé en permanence à l’adversaire, va lui amener des voix. Elle se trompe, totalement.

     

    Un exemple : en passant son temps à traiter de « fascistes » les mouvements patriotiques et souverainistes qui montent en Europe (RN, AfD, UDC, etc.), en ramenant tout au logiciel des années trente, la gauche est persuadée qu’elle va disqualifier l’adversaire. Tout au contraire, elle se met elle-même hors-jeu. Les gens ne sont pas incultes. Ils savent que la comparaison, un siècle après, est vaine, caduque. Ils en mesurent toute la part d’enflure. Ils sont très renseignés sur ce qui s’est passé en Italie, de 1922 à 1943 (puis de 43 à 45), ou en Allemagne de 1933 à 1945. Ils sont parfaitement conscients de l’hyperbole de la comparaison avec aujourd’hui. Ils ne sont pas dupes, une seule seconde, de la guerre des étiquettes lancée par la gauche. Ils continueront à voter pour les partis frappés d’infamie, et à se détourner d’une gauche moraliste, bavarde, jeteuse d’opprobres.

     

    Dans la bataille, rien ne sert d’étiqueter l’ennemi. Il faut le combattre. Si la gauche veut reconquérir ses terres perdues, elle doit recommencer à défendre, concrètement et infatigablement, les plus précaires dans nos sociétés, Elle sera autrement crédible qu’en collant des étiquettes à ses concurrents politiques.

     

    Pascal Décaillet

  • L'autre chute

     
     
    Sur le vif - Lundi 07.04.25 - 13.08h
     
     
     
    Les bourses ne sont pas les seules à dégringoler : la chute des audiences des radios RTS, depuis la fin de la FM au 1er janvier 2025, confirmée par l'étude Mediapulse Radio Data, publiée aujourd'hui, est vertigineuse. Cette décision, qui est celle de la SSR, est la plus catastrophique depuis des décennies.
     
    Deux spécialistes de l'audiovisuel, Roger Schawinski et votre serviteur, avaient pourtant tiré la sonnette d'alarme, pour ma part pendant des années. Nos arguments : la FM est un système de diffusion génial, léger, concurrentiel, capable de tenir encore de longues années. Il garantit notre indépendance technique, beaucoup plus que certains prestataires du DAB+.
     
    Les responsables de ce pataquès ? Tout au plus, on les mettra dans un placard doré. Pour attendre leur retraite, avec poste bidon, au titre ronflant. Et salaire de ministre.
     
    Ils feront quoi ? Réponse : ils ne feront rien ! Un micro, ils ne savent même pas ce que c'est. La passion radiophonique, ils s'en contrefoutent. L'essence même d'une production radio, avec un chef qui donne l'exemple, une mini-équipe de choc, avec esprit commando et la folie de monter des coups, tout cela est à des milliers de lieues marines de leur entendement.
     
    Ils sont juste là pour engraisser l'Appareil. Qui le leur rend, reconnaissons-le, avec une admirable constance.
     
    Ils sont des généraux d'état-major, assoupis. Leurs galons, ils ne les ont jamais conquis sur le terrain, ni dans des batailles. Mais dans leur infinie patience à blanchir sous le harnais.
     
    Eh bien, qu'ils blanchissent ! Quant à nous, gens du métier, vivons nos passions. En remettant passionnément, jour après jour, l'ouvrage sur le métier. Sans jamais céder à nulle fatigue. Sans nous lasser. Que notre désir, pour reprendre le si beau mot de René Char, demeure désir.
     
     
    Pascal Décaillet
     

  • Nous étions donc à ce point des vassaux ?

     
     
    Sur le vif - Dimanche 06.04.25 - 15.09h
     
     
     
    Le choc des tarifs douaniers, décrétés avec un arbitraire ubuesque par Trump, déboussole la Suisse. A vrai dire, il en révèle davantage sur nous, nos orientations économiques depuis la Seconde Guerre mondiale. Et surtout, notre absence cruelle, hallucinante, de politique économique cohérente, depuis la chute du Mur et le fléau ultra-libéral qui déferle sur l'Europe.
     
    Prenez un entrepreneur. Leçon no 1 : diversifier sa clientèle. De façon à survivre, même si un très gros partenaire vous laisse tomber. Pour cela, il faut apprendre à compter sur soi-même, et soi-même seulement, sur sa propre capacité de réinvention en cas de coup dur. C'est valable pour toute entreprise. C'est valable aussi pour une nation.
     
    Soyons clairs. La Suisse a fondé sa prospérité sur les exportations. Ca lui a plutôt bien réussi. Mais les temps changent, et le trumpisme économique n'est certainement pas une parenthèse. Nous entrons dans une ère de protectionnisme. Elle était prévisible depuis des années, déjà d'ailleurs sous Biden. La Suisse ne s'y est absolument pas préparée. Nos conseillers fédéraux responsables de l'économie, infiltrés jusqu'à la moelle par l'idéologie du libre-échange, n'ont rien vu venir. Ou plutôt, rien voulu voir venir. Leur responsabilité, dans cette impéritie, est écrasante.
     
    La Suisse a besoin d'une politique économique. Jusqu'ici, elle n'en avait pas ! Au nom de la liberté des entreprises, elle s'interdisait même d'en avoir ! C'est une absurdité. Liberté d'entreprendre oui, mais dans des cadres nationaux, où la politique économique doit être définie en fonction des intérêts supérieurs de chaque peuple, et non pour huiler, encore et toujours, la machine financière mondialisée.
     
    La Suisse, Trump ou pas Trump, doit réorienter son économie vers son propre marché intérieur. Et cesser de sacraliser l'exportation, en faisant à Berne tous les caprices de son puissant lobby. Elle devait le faire depuis des années. Nos gouvernants se sont accrochés aux ultimes profits que pouvait encore générer un ultra-libéralisme destructeur de cohésions sociales.
     
    Enfin, où est la "neutralité", quand un immense client, Outre-Atlantique, au demeurant la première puissance impérialiste du monde, est capable, par une chiquenaude mentale de son Président, de désorienter à ce point nos esprits ? Nous étions à ce point vassal, dominion, et finalement sujet de l'Oncle Sam ?
     
     
    Pascal Décaillet