Sur le vif - Vendredi 01.08.25 - 10.56h
En ce jour de Fête nationale, l'heure n'est pas à la niaiserie consensuelle, sur l'Alpe ou sur la prairie. Elle est à la colère.
Ce qui nous retombe sur la tête, avec la décision de Trump sur les droits de douane, il faut aller le chercher à la racine. Et la racine n'est pas à Washington, elle est chez nous. Dans la dérive, depuis quarante ans, de notre économie vers un libre-échange extatique, érigé en dogme, et une foi béate, de l'ordre du Veau d'Or, dans le "Marché", comme si ce dernier devait être adoré au-dessus des nations, des Républiques, des Contrats sociaux passés entre les humains.
Rien ne sert de fulminer contre l'actuel shériff de la Maison-Blanche, qui annonçait depuis des années un retour au protectionnisme, et qui doit tenter de colmater (avant les élections de mi-mandat, dans quinze mois), la dette inimaginable de son pays.
Rien ne sert, entre citoyens suisses responsables que nous sommes, de s'en prendre à un quelconque autre qu'à nous-mêmes. Parce que nous aimons la Suisse, parce que nous sommes patriotes, nous devons nous appliquer avec rigueur le principe de responsabilité. Ce qui nous intéresse, c'est la Suisse, le peuple suisse, notre souveraineté, notre force d'invention économique, la puissance de notre agriculture et celle de notre industrie.
Alors, dans la crise, nous devons nous regarder nous-mêmes. Et reconnaître l'immensité, depuis quatre décennies, au moins depuis la chute du Mur, de notre dérive vers des modèles où se perd toute notion "d'économie nationale", au profit de liens monstrueux, déracinés, multinationaux, planétaires, au service du seul bénéfice financier de quelques-uns. En grec, cela porte un nom : cela s'appelle une oligarchie.
Prenez les pharmas. Des entreprises typiquement suisses, notamment du côté de Bâle, imprégnées de deux siècles de génie industriel, chimique, polytechnique suisse, sont devenues des monstres mondiaux. Elles appartiennent à des actionnaires de plus en plus avides de profit titanesque à court terme. Entreprises touchant à la santé publique, valeur première pour les humains que nous sommes, elles échappent à tout contrôle d'Etat, toute dimension de politique économique suisse, toute défense des intérêts des assurés suisses. Elles ne songent, à Berne, qu'à infiltrer le pouvoir politique, par un lobbyisme qui dépasse tout entendement.
Un dernier point. La tyrannie, depuis trop longtemps, de l'exportation, véritable vache sacrée, dans notre modèle économique suisse. Elle se justifie dans des marchés d'excellence, spécifiques, comme l'horlogerie. Mais, par défaut total de vision d'Etat, donc par libéralisme béat, on a laissé l'industrie des médicaments, le secteur bancaire, dériver vers des facilités mondiales, au point de perdre tout ancrage avec la Suisse, les valeurs suisses, le peuple suisse, à commencer par les plus déshérités.
Alors évidemment, quand on a tant investi dans l'exportation, tant sanctifié un marché américain qu'on tenait pour "ami", pour "sûr", la désillusion, aujourd'hui, est dévastatrice. On tenait l'ordre libéral, le château de cartes multilatéral, la "Genève internationâââle", pour éternels. On s'est juste heurté au tragique de l’Histoire.
Au plus haut niveau économique et financier de notre pays, on a vu faux. On s'est trompé. On s'est accroché, notamment le PLR, à un ordre libéral sanctifié. Dans ce parti, comme d'ailleurs à l'UDC, il est temps que la droite patriote, populaire, protectionniste, joyeuse, s'affranchisse de la vision libérale, et retrouve des fondements simples, autour du travail, du sens commun, des valeurs républicaines.
En ce 1er Août de colère, je veux voir une occasion de renouer avec la lucidité, la simplicité, le bon-sens, les valeurs de cohésion, de solidarité qui fondent notre magnifique pays. Il faudra, c'est certain, établir ce nouvel ordre sur des valeurs d'Etat et de partage. Tenez, une piste, absolument prioritaire : reprendre le contrôle populaire sur la production de médicaments. En l'arrachant aux forces du profit.
A tous, citoyennes et citoyens de ce pays que nous aimons, j'adresse mes voeux pour une Fête nationale simple, amicale, souriante, fraternelle et patriote.
La Fêtes des coeurs, à la fois colériques et passionnés.
Pascal Décaillet