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Liberté - Page 8

  • Dans dix mille ans

     

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 24.09.25

     

    J’ai eu la chance de me rendre maintes fois au Proche-Orient, la première fois en 1966 (jusqu’à la Mosquées des Omeyyades, à Damas), puis la plupart du temps pour mon métier. Jérusalem est pour moi une ville de lumières, de chiffres et de lettres, de codes, de prières, de mélange de civilisations. La langue hébraïque, bien sûr. Mais aussi, l’araméen, le copte, le grec orthodoxe, le byzantin, l’arménien, le géorgien. Forêt de signes.

     

    Chaque fois que je m’y suis rendu, je m’y suis senti au cœur du monde. Le judaïsme, dans toute la complexité de son Histoire. Le christianisme, incroyablement présent, dans ses versions orientales. Et puis, l’Islam. Jamais, une seule seconde, dans ma vie, je n’ai tenté d’ériger ces trois immenses courants en opposition les uns avec les autres.

     

    Il y a la guerre, bien sûr, pour la possession de territoires. Le contrôle de l’eau, denrée infiniment plus rare que chez nous. Mais je suis habité par l’idée que les grands courants spirituels convergent quelque part. En se promenant dans Jérusalem, « trois fois Sainte », du Mur des lamentations à l’Esplanade des Mosquées, de la Porte de Damas au Saint-Sépulcre, le premier sentiment qui vous envahit, d’une puissance inouïe, n’est pas celui de la différence. Mais celui de l’unité.

     

    On continuera longtemps, je le crains, à se battre pour le contrôle de territoires. Un jour, l’unité triomphera. Un jour, peut-être. Dans dix-mille ans.

     

    Pascal Décaillet

  • Proche-Orient : la passion de comprendre

     

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 24.09.25

     

    La semaine dernière, j’ai évoqué ici l’extrême violence dans la tonalité du débat politique français. J’ai fait allusion, notamment, au rôle irresponsable joué par les chaînes privées parisiennes, TOUTES TENDANCES CONFONDUES, dans la polarisation des échanges. Soyons clairs : il n’est absolument plus possible, en France, de poser sereinement, par exemple, les termes complexes de l’équation Israël-Palestine, sans sombrer, après quelques secondes, dans un torrent d’insultes, surgies d’un camp comme de l’autre. La France a importé chez elle la haine du conflit, comme si la situation, sur place, n’était pas assez dramatique. Comme si l’horreur, celle de Gaza, allait s’arranger en instillant, autour d’un conflit extérieur à la France, un parfum de guerre civile, au pays des Guerres de religion et de l’Affaire Dreyfus. En s’étripant autour du Proche-Orient, ce sont leurs propres fantômes que réveillent nos amis Français : la question coloniale, l’antisémitisme, et même Vichy.

     

    Nous, les Suisses, sommes mieux armés que la France pour aspirer à poser sereinement les éléments du conflit entre Israël et les Palestiniens. Nous n’avons pas eu de colonies, Nous n’avons pas opprimé le monde arabe. Nous n’avons, d’un autre côté, pas eu les poussées d’antisémitisme de la France au moment de l’Affaire Dreyfus (1894-1906), même si l’analyse de la presse suisse de l’époque (j’ai travaillé sur ce sujet, pour ma Série RSR de 1994 sur l’Affaire) laisse poindre des positions plus tranchées, d’un côté comme de l’autre, que vous ne l’imagineriez. Nous avons, en Suisse, la chance de pouvoir parler à toutes les parties en guerre, Israël comme les Palestiniens. Nous avons cette qualité d’ouverture qui nous avait été reconnue, dans les dernières années de la Guerre d’Algérie, par la France et le FLN, pour pouvoir accueillir chez nous des négociations secrètes, alors que les armes, en Algérie, parlaient encore.

     

    Poser sereinement les termes du débat. Parler au gouvernement d’Israël, y compris pour lui dire tout net notre condamnation sans appel de son action à Gaza. Parler aux Palestiniens. Être reconnus, par l’un et l’autre camp, comme un pays de dialogue, de sérénité dans les débats, de sérieux dans notre connaissance, en profondeur, du Proche-Orient. Pour cela, il nous faut des diplomates connaissant à fond le monde arabe, la complexité de son Histoire, ses grandes figures, de Nasser à Bourguiba, de Abdel Kader (1808-1883) aux pères de l’indépendance algérienne de 1962. Il nous faut des diplomates parlant arabe, dans toutes les saveurs de cette langue fascinante. Il nous en faut d’autres parlant persan, et connaissant l’Iran avec une autre profondeur historique et culturelle que les caricatures de la propagande américaine. Bref, il nous faut de l’ouverture, de l’amitié avec les deux peuples en conflit, celui d’Israël et celui de Palestine. Il nous faut la patience de comprendre. Tout le contraire des hurlements de haine, sur les chaînes privées parisiennes.

     

    Pascal Décaillet

  • Palestine : la voix de la France a parlé

     
     
    Sur le vif - Mardi 23.09.25 - 06.45h
     
     
     
    Il m’est parfaitement égal qu’Emmanuel Macron soit, par ailleurs, un Président qui laisse à désirer.
     
    Il m’est égal qu’en politique intérieure, il soit en chute vertigineuse.
     
    Il m’est égal qu’en matière ukrainienne, européenne, il fasse fausse route.
     
    Il m’est égal que ses options libérales cassent la cohésion sociale française.
     
    Il m’est égal qu’il ait écrit lui-même son discours, ou qu’il fût aidé par un tiers.
     
    Tout cela m’est égal. Macron n’est pas de Gaulle. Il n’est pas Mendès France.
     
    Mais il l’a fait. Hier, lundi 22 septembre 2025, à 21.21h, AU NOM DE LA FRANCE, il a reconnu l’Etat de Palestine.
     
    J’attends ce moment depuis ma jeunesse. J’y pensais en 1988, lorsque je suis allé voir Arafat, pour le Journal de Genève, à la tribune de l’Assemblée Générale des Nations-Unies, décentralisée à Genève.
     
    J’y pensais en novembre 2004, lorsque, producteur responsable de Forum, à la RSR, je suis allé présenter l’émission en direct de Ramallah, au milieu d’une foule immense, pour les funérailles d’Arafat.
     
    Je n’aime pas la politique de Macron. Mais j’ai aimé ce discours-là, celui d’hier soir. Il reposait sur un équilibre parfait d’affection pour le peuple d’Israël et pour celui de Palestine. Pas une seule seconde le droit d’Israël à l’existence pleine et entière, depuis 1948, n’a été mis en cause. C’est exactement ma position, vous le savez. Jamais je ne jouerai l’un de ces deux peuples contre l’autre.
     
    Ce discours restera. Comme reste celui de Charles de Gaulle à Brazzaville, en 44, qui reconnaît, bien avant la décolonisation, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Ou celui du même homme à Phnom-Penh, en 66, qui appelle les Américains à se retirer du Vietnam. Comme reste Mendès France, quand il reconnaît la Tunisie.
     
    Hier, Emmanuel Macron a porté haut et fort la voix de la France que nous aimons : celle de la liberté des peuples.
     
    Qu’il fût, à peine ses mots prononcés, immédiatement vilipendé par les coqs de combat d’une certaine chaîne privée parisienne totalement derrière Israël, détestant le monde arabe, n’a aucune importance. Hier, Macron a parlé en faveur de l’émancipation d’un peuple en immense souffrance. Et ces mots, comme on dit dans une liturgie qui résonne en mon âme depuis l’enfance, furent justes et bons.
     
     
    Pascal Décaillet