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Sur le vif - Dimanche 22.06.25 - 15.10h1D'abord, un grand bravo au conseiller national valaisan Jean-Luc Addor, qui prend la présidence centrale du Syndicat des douaniers. C'est un événement beaucoup plus important qu'on ne l'imagine, dans notre Histoire sociale suisse.Nul doute que cet homme sérieux, très compétent, et d'envergure nationale, y fera un excellent boulot. Mais surtout, il est tellement important de dégager le monde syndical suisse de l'emprise totale de la gauche, ces cinquante dernières années. Au point que, pour accéder au poste de premier syndicaliste du pays, la présidence de la puissante USS, il faut être socialiste. C'est le cas de l'actuel titulaire, en l'occurrence l'un des politiciens les plus doués de ces dernières décennies, Pierre-Yves Maillard.Il fut un temps, notamment en Valais, mais pas seulement, où le syndicalisme chrétien, ancré dans la Doctrine sociale de Léon XIII (1891), mais aussi dans la magnifique tradition du Sillon, de Marc Sangnier, pouvait, dans certains secteurs, comme la métallurgie, rivaliser avec les syndicats de gauche. Mais depuis un demi-siècle, la gauche, par un réseau savant d'intérêts composés, de financements croisés, et de barbichettes solidement tenues, domine le monde syndical suisse. Désolé, mais ça n'est absolument pas normal.S'il faut que les syndicats existent (la question, encore une fois désolé, n'est pas taboue à mes yeux), alors ils doivent refléter l'ensemble des sensibilités politiques. Rongée, depuis 35 ans, par le mirage ultra-libéral, la droite suisse a complètement laissé tomber la question sociale. Elle a tort, immensément. La cohésion sociale de notre pays, ses équilibres internes, le respect des plus faibles, loin d'être un luxe, sont une nécessité vitale pour la survie de la Suisse.Reste le signal, magnifique, donné à l'interne de l'UDC. Il est temps que le premier parti de Suisse rompe avec l'image de suppôt des milliardaires zurichois. Et s'affirme comme le parti du peuple, des modestes, des faibles, des fragiles, et surtout de la solidarité nationale. Des valeurs de gauche ? Pas seulement ! Des valeurs suisses, tout simplement.Et puis, rêvons. Si Jean-Luc Addor devient président du Syndicat des douaniers, alors pourquoi pas, un jour, un homme de la trempe populaire et joyeuse d'un Lionel Dugerdil ne deviendrait-il pas président central de l'USP ? Il en a, largement, le tempérament de combattant.La solidarité est l'affaire de tous les Suisses. La gauche s'en occupe, c'est bien. Il est temps que la droite souverainiste et patriote (des libéraux, mondialistes et libre-échangistes, je n'attends rien) s'en empare. Joyeusement, oui. Mais fermement.Pascal Décaillet
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Oui à la culture !
Commentaire publié dans GHI - Mercredi 18.06.25
1% du budget cantonal pour la culture. La gauche, alliée à une floraison d’associations culturelles, lance cette initiative. 1%, seulement ? C’est déjà mieux que le statu quo ! L’idée est d’ancrer dans la Constitution cantonale l’impératif de défendre la culture, avec les budgets nécessaires, mais défendre aussi les artistes eux-mêmes, tous domaines confondus. On sait à quel point la vie de tant d’entre eux est précaire, entre deux contrats, deux cachets, séparés par des vides qui creusent des trous dans leur prévoyance retraite. Pour ma part, je voterai OUI, le jour venu, à cette initiative.
Reste une question : pourquoi la gauche ? Pourquoi elle-seule, PS, Verts, Parti du Travail (admirable, une fois de plus), se mobilise-t-elle pour la culture, pour la dignité de vie des artistes ? Ce sujet n’intéresse pas la droite ? Dans les concerts, les théâtres, à l’opéra, dans les expos, les musées, on les croise pourtant, en quantité, les gens de droite, souvent fort cultivés d’ailleurs. Le sort des artistes ne les intéresse pas ?
A droite, quelques personnes, dont l’excellente Natacha Buffet-Desfayes, défendent avec passion la culture. C’est bien. Mais c’est insuffisant. La culture n’appartient pas à la gauche, ni à personne d’ailleurs. Elle rayonne sur chacune de nos âmes. Genève est une ville et un canton de culture, c’est magnifique. Mais ceux qui la produisent ont le droit de vivre décemment. Et pas seulement d’être applaudis, lorsque tombe le rideau.
Pascal Décaillet
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Le concert de coassements, sous la lune
Commentaire publié dans GHI - Mercredi 18.06.25
Le Marais. Ainsi surnommait-on, sous la Convention, en pleine Révolution française, le groupe des modérés. « Le Marais », ou « Le Marais poitevin », ou « La Plaine ». Ceux-là n’étaient pas des surexcités, ni des assoiffés de sang. Dans un monde politique d’une extrême violence, où finir sa carrière sur l’échafaud était quasiment la règle, les gens du Marais étaient considérés comme des gentils. Mais la Révolution française, cet immense événement de l’Histoire humaine, qui rompt avec le régime féodal et prétend établir le pouvoir par le peuple, qu’avait-elle à faire, au fond, des « gentils » ? Ses plus grandes figures, jusqu’à Robespierre, ont été d’infâmes guillotineurs avant que d’être eux-mêmes raccourcis devant la foule. La violence engendrait la violence. Le sang en appelait à la continuation du sang.
Des assassins, oui, ces immenses figures. Mais, désolé si le paradoxe heurte les âmes sensibles, aujourd’hui si promptes à tout moraliser, les mêmes furent en même temps de grands législateurs, sans compter, au moment exceptionnel de la levée en masse et des Soldats de l’An II, de grands défenseurs de la Nation, alors que les emperruqués royalistes, exilés à Mayence, prenaient le parti de l’envahisseur. L’Europe entière était coalisée contre la France, avec pour but, explicite, de la forcer à revenir en arrière, restaurer les privilèges féodaux, la domination de la noblesse et du Clergé. Si les soldats de la Révolution, héroïques, n’avaient pas versé leur sang sur les champs de bataille de l’Europe, la Contre-Révolution, en France, aurait pu s’imposer.
Eh oui, c’est compliqué, la politique. C’est compliqué, l’Histoire. Et ça n’a rien à voir avec la morale. Ni avec la bienséance. Ni avec le convenable de la bonne petite pensée bourgeoise. Si vous vous intéressez aux guerres, aux Révolutions, aux mouvement sociaux, un seul conseil : gardez la tête absolument froide. N’entrez pas dans le jeu des gentils et des méchants. Tentez d’établir, sur la base de mille lectures, de mille avis, mille témoignages contradictoires, la chaîne de causes et de conséquences. Expliquez le monde, ne le jugez pas.
J’en reviens au Marais. Dans la France macronienne comme dans la démocratie chrétienne suisse, ci-devant rebaptisée « Centre », que vaut cette prétention à bâtir des majorités à partir du point d’équilibre entre les deux antagonismes naturels que sont la gauche et la droite ? Que vaut-elle, si ce n’est la valeur vénale d’un vœu pieu ? Or, on ne fait pas de politique avec de la piété. Ni avec de l’eau bénite. Ni avec des chuchotements de sacristie. Mais en définissant, au plus près, les impératifs commun à une nation : cohésion sociale, solidarité, redistribution, sécurité publique, défense nationale, souveraineté alimentaire, agriculture et industrie fortes, maîtrise de l’énergie, contrôle des moyens de production par le peuple, via l’Etat. Dans tous ces domaines, je ne suis pas sûr que l’attirante tiédeur du Marais soit de meilleur conseil qu’un concert de coassements, sous la lune.
Pascal Décaillet