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Liberté - Page 2

  • Lisez Marx

     
     
    Sur le vif - Vendredi 27.06.25 - 08.27h
     
     
    J’ai lu Marx, très tôt dans ma vie, en Allemagne. Il m’a beaucoup impressionné, influencé. Il a déterminé, parmi tant d’autres lectures, mon rapport à l’Etat. En matière industrielle, passion très ancienne chez moi (mon père était ingénieur), il dit que le peuple doit posséder, donc contrôler, les moyens de production des secteurs stratégiques, vitaux. Le peuple, et pas le système capitaliste de la société anonyme, par actions, aux mains des boursicoteurs et des spéculateurs. J’ai toujours été d’accord avec ce principe.
     
    Cela s’applique à la métallurgie. À la production d’énergie. À l’industrie d’armement. À la composition des matériaux et des outils de construction et de génie civil. À la production de ciment, de béton. À la sidérurgie. À la chimie productrice de médicaments. Ce dernier, fleuron de notre savoir-faire, a pris en Suisse, ces dernières décennies, des proportions démoniaques de course au profit mondialisé. Je ne l’accepte pas. La santé des gens doit être arrachée à la tyrannie du marché.
     
    Ces secteurs sont d’intérêt public premier. Ils doivent être au service du peuple de chaque communauté humaine concernée, l’unité de référence étant évidemment la nation.
     
    La nation. Qui, ces dernières décennies, depuis la chute du Mur, a cherché à la dissoudre, au profit d’une globalisation mondialisée ? Qui, si ce n’est les libéraux, les libre-échangistes, les internationalistes, les spéculateurs planétaires ?
     
    La folie libérale des quatre dernières décennies a voulu privatiser des secteurs qui n’ont pas à l’être, comme le marché de l’électricité. On a vu le résultat. Avec Pierre-Yves Maillard, j’ai toujours été violemment opposé à cette privatisation, à une époque (années 90) où même une partie de la gauche, d’inspiration blairienne, la soutenait.
     
    Je vous invite à lire Karl Marx. Je ne vous invite pas à le suivre partout, surtout dans le principe de lutte des classes. Mais lisez-le, si possible en allemand. Lisez-le, dès ses papiers de jeunesse, comme journaliste, dans la Rheinische Zeitung. Il explique et décortique les mouvements sociaux des années 1840 avec la lucidité, de causes et d’effets, d’un Thucydide, autre auteur que j’ai eu ja chance de lire très jeune, là aussi dans la langue.
     
    N’oubliez jamais que c’est un Rhénan. Le théâtre premier de sa vie fut le développement des prodigieux gisements de charbon de la Ruhr, grâce aux investissements de propriétaires prussiens, lorgnant vers l’Ouest allemand depuis la grande bataille libératrice de Leipzig, contre Napoléon, en octobre 1813, la Völkerschlacht.
     
    Marx grandit dans une Rhénanie devenue prussienne, mais il n’est pas Prussien, au sens de Kleist, de Fichte ou de Kant, il est de tradition rhénane !
     
    Je ne vous demande pas de partager ses idées. Je vous invite à le lire.
     
     
    Pascal Décaillet

  • Le parc du silence

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 25.06.25

     

    Weimar, en Thuringe, est l’une de mes villes préférées au monde. Ils y ont tous vécu, Goethe, Schiller, Bach, Wieland. Luther y a prêché. Thomas Mann y situe, en 1939, son merveilleux roman « Lotte in Weimar », où la vraie Charlotte qui avait inspiré l’héroïne du Werther, en 1774, retourne en 1816, pour tenter d’apercevoir l’immense écrivain qui l’avait aimée, 42 ans plus tôt.

     

    C’est un peu une ville-musée, presque exagérément à mon goût, avec un véritable culte des noms de rues, des porches de maisons, pour rappeler que tel ou tel de ces immortels créateurs avait vécu là, séjourné. Il circule même, dans Weimar, d’excellents pastiches de cette dévotion, sous la forme d’écriteaux : « Hier hat Goethe nie gewohnt ».

     

    Mais enfin, pour y avoir fait deux séjours décisifs, à plus de vingt ans d’intervalle, j’aime Weimar. Comme j’aime, avec passion, toute l’ex-DDR. Cette ville passionnante, demeurée calme et modeste, abrite, près de l’extraordinaire musée du Bauhaus, et aussi du cimetière militaire soviétique, un parc public, d’une troublante beauté.

     

    Il règne, dans ce parc, une mélancolie presque angoissante, entre la majesté d’arbres séculaires et sublimes, et des ruines antiques reconstituées au dix-huitième. Des centaines d’étudiants y lisent, dans l’herbe. Mais surtout, c’est le parc du silence. Les Allemands respectent les lieux de culture et de mémoire. Et j’aime cela, passionnément.

     

    Pascal Décaillet

  • D'abord, la Suisse ! D'abord, notre peuple !

     

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 25.0.25

     

    Dans les temps de grande tension mondiale que nous traversons, avec les bruits de bottes qui se multiplient, la Suisse doit, plus que jamais, s’occuper d’elle-même. Elle l’a fait lors de la dernière guerre, et ma foi, n’en déplaise aux grands moralistes qui ont cru bon de nous faire la leçon dans les années 1990, elle a eu parfaitement raison. Au cœur de ce continent européen que nous aimons passionnément, dont nous parlons quatre langues, dont nous avons partagé l’Histoire, les remous confessionnels du seizième siècle, les échos de la Révolution française, puis la grande aventure industrielle, nous demeurons ce que nous avons toujours été : un tout petit pays, peu doté en ressources naturelles, très fragile dans ses équilibres, et à la prospérité beaucoup plus récente qu’on ne l’imagine. Mon père, ingénieur, né en 1920, m’a mille fois raconté le Valais d’avant la guerre, c’était un autre monde, tellement précaire économiquement. Les belles années, pour la Suisse, ne sont venues qu’après la guerre, et pas avant le début des années cinquante.

     

    Dans ces conditions, la survie de notre pays est indissociable de quelques constantes. D’abord, une économie forte, centrée sur nos intérêts vitaux : une agriculture travaillant au maximum à notre autonomie alimentaire, avec des circuits courts, respectueux de l’environnement, et visant, tout simplement, à nourrir le peuple suisse. Et puis, je me bats dans ce sens depuis tant d’années, il  nous faut une industrie vivante, réinventée, soutenue par l’Etat, dont les produits doivent servir en priorité la population de notre pays. Notre rapport à l’énergie, enfin, doit se concentrer totalement sur les nécessités intérieures, en matière notamment de chauffage, de mobilité, de qualité du réseau sur l’ensemble du pays. Je vous tiens là un discours d’économie de guerre ? Oui, je l’admets. Lorsque vient à poindre un vent mauvais, chaque nation, on l’a vu avec le Covid, se recroqueville sur elle-même. Et elle a mille fois raison.

     

    Oui, la Suisse doit, en absolue priorité, s’occuper d’elle-même. La solidarité, la cohésion sociale, le respect des plus faibles, loin d’être des luxes pour philanthropes, sont parties intégrantes de notre destin national. En politique étrangère, aucune décision, aucune parole ministérielle à Berne, ne doit viser autre chose que les intérêts supérieurs du peuple suisse. Ces derniers impliquent, dans un conflit aussi terrible et passionnel que celui du Proche-Orient, de demeurer en contact avec TOUTES LES PARTIES PRENANTES. Sans en exclure aucune. Je suis allé maintes fois dans cette région du monde, pour mon métier : la Suisse est appréciée de tous les belligérants, parce que nous les écoutons, sans les juger à l’emporte-pièce. Demeurons ce précieux interlocuteur, soucieux de connaissance, d’Histoire, passionné par les langues du monde. Ami de tous les peuples. Mais notre politique, c’est au service du peuple suisse que nous devons la mener, et de lui-seul.

     

    Pascal Décaillet