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Liberté - Page 3

  • Delamuraz-Blocher : souvenirs émus

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 05.11.25

     

    Correspondant parlementaire à Berne pour la RSR en 1992, j’avais couvert à fond, dans toute la Suisse, la « campagne du siècle », autour de la votation historique du 6 décembre sur l’Espace économique européen. Une campagne titanesque, inoubliable. Deux Suisses, l’une face à l’autre : celle des partisans, valorisant l’Europe de Bruxelles, plutôt représentés en Suisse romande (disons en Suisse de l’Ouest), dans les villes, dans la plaine. Face à elle, les opposants, plutôt en Suisse alémanique et au Tessin, plutôt dans les campagnes, plutôt en montagne. J’accumule les « plutôt », parce qu’une lecture fine de la carte exige patience et nuances : il nous a bien fallu un an, à la RSR et dans les autres médias, pour affiner notre analyse, découvrir des lignes de fracture plus subtiles, en fonction de l’Histoire de chaque canton.

     

    Mais enfin, le dimanche 6 décembre 1922, sur le coup de 15.22h, ce fut NON. Peuple et cantons. Mon premier commentaire à chaud, à la RSR, fut empreint de tristesse. J’étais triste. La Suisse romande était triste. Il fallait s’incliner, mais c’était dur. Il faut le reconnaître : dans l’équipe des journalistes parlementaires romands, au Palais fédéral, tous médias confondus, nous étions très majoritairement favorables à l’EEE. Nous avions suivi toute l’Histoire en amont de la votation, les longues et difficiles négociations, puis la signature de l’Accord à Porto en mai 1992, puis la campagne, homérique, passionnante. Pour ma part, je confesse, 33 ans après, avoir été un peu sous l’emprise de Jean-Pascal Delamuraz, son intelligence si vive et percutante, son charme, son humour, et surtout son incomparable courage dans le combat. Delamuraz, face à Blocher : deux géants, deux tempéraments, deux guerriers de premier ordre. C’est un honneur que d’avoir couvert une telle campagne. Elle était vraiment celle du siècle.

     

    Lorsque nous sommes allés à Porto, en mai 1992, dans le printemps ensoleillé du Portugal, pour couvrir la signature de l’Accord, nous étions persuadés que la ratification populaire, déjà entrevue à l’horizon de décembre, ne serait qu’une formalité. Nous avions tort, immensément. Nous avions juste sous-estimé le retour tellurique de la Vieille Suisse. Celle de Blocher. Celle de l’attachement viscéral à la souveraineté. Celle du refus des juges étrangers. Celle des dialectes, des traditions, des coutumes locales, tellement puissantes et attachantes dans notre pays. Dès septembre, et de façon incroyablement ascendante les dernières semaines de campagne, la Vieille Suisse nous a signifié son réveil. En Suisse romande, nous étions incapables de voir que Blocher était, chaque jour un peu plus, en train de marquer des points. Nous n’avions rien compris, rien voulu comprendre. Nous nous étions cramponnés aux forces de la Raison, le Freisinn, la Vernunft, toutes ces belles valeurs de l’Aufklärung, les Lumières de la philosophie allemande. Nous avions juste sous-estimé le terrain. Les passions. Le patriotisme, Nous nous étions trompés, c’est tout.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Aimer la Suisse, par le coeur et par la raison

     
     
    Sur le vif - Mardi 04.11.25 - 15.50h
     
     
     
    L'opposition frontale entre le Freisinn, pro-européen au nom de la Raison économique, et la Vieille Suisse tellurique, celle de la souveraineté et du refus des juges étrangers, m'amène à vous donner deux rendez-vous demain, mercredi 5 novembre 2025.
     
    1) Dans GHI, à paraître demain, je raconte l'année folle 1992, j'étais journaliste parlementaire au Palais fédéral pour la RSR, j'ai couvert à fond, avec mes collègues, la campagne homérique en vue de la votation historique du 6 décembre, sur l'EEE. Je montre comment, dans les deux derniers mois, septembre et octobre, absolument décisifs, de la campagne, la Vieille Suisse l'a emporté sur le Freisinn, sur la Vernunft, sur toute l'Aufklärung, incarnés par Delamuraz. J'y dévoile aussi l'influence exercée sur moi par le radical vaudois, son amour de la vie, ses excès, son humour, son charme. Eh oui, mais c'est Blocher qui a gagné, le 6 décembre à 15.22h.
     
    2) Demain soir, GAC direct 19h : "Le Freisinn face à la Suisse tellurique". Suite des mes angles de traitements en vue des Bilatérales III. Avec, comme invité, Cyril Aellen, vice-président du PLR suisse. C'est un homme très sensible au sujet, très renseigné aussi. Il défend la Raison dialectique, chère aux commentaires de la rubrique Inland de la NZZ, mais il est loin, TRÈS LOIN, de demeurer impénétrable aux charmes magiques, ensorcelants, de la Suisse profonde. Celle des campagnes. Celle des traditions. Celle des dialectes, si riches dans leur diversité.
     
    Il m'apparaît comme l'un des meilleurs interlocuteurs sur la dichotomie Freisinn / Sehnsucht. Les rationnels purs, tout à leur géométrie démonstrative, me fatiguent. Les allumés du terroir, sans un minimum de travail conceptuel et cérébral, aussi.
     
    Toute la magie de la Suisse, depuis 1848, tient dans cette dichotomie. Aimons notre pays avec notre coeur, mais aussi avec les outils de la raison.
     
     
    Pascal Décaillet

  • Le Jour des Morts

     
     
    Sur le vif - Dimanche 02.11.25 - 15.23h
     
     
     
    Je n'ai jamais perçu les morts comme vivant dans un monde à part. Dans un "séjour des morts", comme celui que traverse Ulysse, dans l'un des plus saisissants passages de l'Odyssée. Quand il y rencontre l'ombre de sa mère, Anticlée, je pleure.
     
    Non. Pour moi, les morts sont parmi nous. Il sont en nous. Chaque vivant porte la présence de ses morts, et chaque mort porte en lui les vivants. On dit qu'ils "veillent sur nous". J'aime cette expression : veiller, c'est vivre dans la nuit. Survivre, dans l'oubli.
     
    Je crois aux forces de l'esprit. N'entendez par là, surtout, aucune forme de superstition, ni de spiritisme, ni de surnaturel. Non, juste la présence de nos morts, chacun de nous, dans le silence de ce jour si puissant, le 2 novembre. Nous les humains, les vivants, nos frères et soeurs dans l'ordre si provisoire de la vie, n'avons nul besoin de nous accrocher au monde du fantastique pour percevoir, au plus profond de nous, la présence de nos morts.
     
    Les forces de l'esprit. La mémoire, première qualité humaine. Le souvenir. L'âme ouverte à la présence de l'autre, vivant ou mort. Tous, enfants d'un même terreau. Tous, nourris les uns des autres. Un seul corps. Et l'universalité d'un esprit.
     
    Les forces de l'esprit. Pourquoi l'opposer à la matière ? J'écoute la musique de l'un de mes compositeurs préférés, l'Estonien Arvo Pärt, 90 ans révolus, bien vivant. C'est une musique de la matière. Une musique du minéral. Une musique des stalactites, l'eau dans la grotte. Une musique de la transformation chimique. Et c'est, justement par là, une musique éminemment spirituelle.
     
    Et si la matière, c'était l'esprit ? Et si l'esprit, c'étaient des vibrations de matière. Et si la mort, c'était la vie. L'autre vie. La vie, tout court.
     
     
    Pascal Décaillet