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Liberté - Page 3

  • Osons la culture, osons la solitude, osons la vie !

     

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 15.10.25

     

    Genève est une ville de culture. Quelques noms d’humanistes traînent encore dans la Vieille-Ville, tels de saintes reliques, sans doute bientôt remplacés, pour des questions de genre, par d’illustres inconnues. C’est terrible. Ils étaient de géniaux imprimeurs au seizième siècle, dans la Genève des textes, de l’humanisme et de la Réforme. Brillants, courageux : ils osaient, pour l’époque, face aux risques encourus, des textes autrement transgressifs que tant de libelles de pacotille publiés aujourd’hui, qui se croient audacieux, mais ne font que reproduire les matrices de telle ou telle coterie, à gauche comme à droite.

     

    J’ai passé ma Maturité classique en avril 1976. J’allais sur mes dix-huit ans. Malgré ma passion pour les livres, la littérature allemande notamment,  je n’avais jamais entendu parler de ces immenses esprits de l’édition genevoise, il y a cinq siècles. Il m’a fallu la bienheureuse fréquentation d’un Oliver Reverdin, et d’un André Hurst, pour entendre, pour la première fois, ces quelques noms. Il s’agissait de textes grecs édités au seizième, mais tout autant de traités littéraires, philosophiques, théologiques, scientifiques, médicaux. Genève, dans ce qu’elle a de meilleur : les forces de l’esprit. Notre ville était, à l’époque, une plaque tournante de la diffusion du savoir, de l’émergence des idées nouvelles, comparable, deux siècles avant, à ce que sera l’Encyclopédie, dans le dix-huitième des Lumières.

     

    Voilà pour l’Histoire. Le legs, incomparable. Mais nous sommes hommes et femmes d’aujourd’hui, octobre 2025. Nous grandes querelles sont le Proche-Orient, l’Ukraine, la robotisation de la société, les inégalités entre riches et pauvres, le désespoir agricole, l’exode de nos industries, de nos sites de production. Et puis, cette violence, partout, ces chaînes privées françaises, TOUTES TENDANCES CONFONDUES, où ne règnent plus que l’aboiement, l’attaque personnelle, les règlements de comptes. Je dis « toutes tendances », parce que la chaîne de droite, qui a pu apparaître au début comme une fenêtre ouverte à des idées longtemps occultées par la presse bon genre, est à son tour devenue une cracheuse de matrices ne nécessitant plus ni courage, ni solitude : ces idées-là, aujourd’hui, sont quasiment majoritaires, dans le pays.

     

    Dans cet univers de tensions et de haines, je plaide pour l’ambition culturelle de Genève. Et, par exemple, je voterai oui à l’initiative voulant affecter 1% du budget cantonal à la culture. Pour peu, bien sûr, que cette dernière soit l’affaire de nous tous, citoyennes et citoyens de Genève, et surtout pas des seuls « milieux culturels », où règne parfois un entre-soi un peu pénible. Surtout, je plaide pour une culture vraiment transgressive, ce qui ne consiste absolument pas à mettre a priori des gens à poil sur scène lorsqu’on monte la Walkyrie. Non, la transgression, c’est autre chose. On la trouve dans des lieux de vie aux dimensions réduites, mais où règne la passion. Un exemple, parmi tant d’autres : le Théâtre des Amis, autour de Françoise Courvoisier, à Carouge. Alors oui, osons la culture, osons la solitude, osons la vie.

     

    Pascal Décaillet

  • Le colonel oraculaire de l'armée israélienne

     
     
    Sur le vif - Mardi 14.10.25 - 10.18h
     
     
     
    Les chaînes privées parisiennes, qui se couvrent de ridicule - et manifestent leurs vraies obédiences - depuis deux ans dans la couverture du Proche-Orient, vont-elles longtemps donner du "Mon Colonel" au propagandiste de langue française de l'armée israélienne ? Vont-elles longtemps boire ses paroles comme eau du Jourdain, pure et baptismale ?
     
    Soyons clairs. Je ne reproche rien à ce colonel. Toutes les armées du monde ont des propagandistes. Celle d'Israël, depuis longtemps, est particulièrement redoutable dans le choix de ceux qu'elle affecte à cette mission. Elle choisit des gens intelligents, cultivés, remarquablement polyglottes, aimables. C'est tellement plus efficace qu'une brute épaisse. Bref, ce colonel, qui porte uniforme de l'armée israélienne, fait son boulot.
     
    Mais les journalistes, en face ? Ils boivent ses paroles ! Il les avalent. Ils s'en imprègnent. Sans compter ceux qui, ouvertement partie prenante pro-Israël, en surajoutent dans son sens. Cette partie de lèche est totalement insupportable. Il y a eu au moins 67'000 morts à Gaza en deux ans, sans doute beaucoup plus, on les insulte en leur infligeant une telle allégeance.
     
    Les journalistes d'une certaine chaîne privée parisienne sont tous pro-Israël. En faveur du gouvernement actuel. Ils sont ouvertement hostiles à la cause palestinienne, qu'ils ramènent immédiatement au seul Hamas, comme si le peuple de Palestine n'était pas pluriel, divisé en factions rivales, complexes, comme le sont tous les peuples du monde.
     
    Ces chaînes privées parisiennes ne font que hurler, à longueur de soirées, contre les Français qui soutiennent la cause palestinienne. Elles sont, elles-mêmes, les propagandistes actives de l'actuel gouvernement israélien. Ces gens-là n'auraient, au fond, même pas besoin du "colonel" chargé de diffuser la bonne parole de l'armée israélienne. Ils sont eux-mêmes les propagandistes. Ils sont eux-mêmes les colonels.
     
     
    Pascal Décaillet
     

  • Proche-Orient : la lucidité ne conduit pas à l'optimisme

     
     
    Sur le vif - Lundi 13.10.25 - 16.47h
     
     
    Elle est belle, elle est humaine, elle est infiniment respectable, la lueur d'espoir, dans un camp comme dans l'autre, au Proche-Orient. Pour ma part, j'ai toujours souhaité la paix, la concorde, la dignité d'Etat pour tous, dans cette région du monde si chère à mon coeur. Puisse cette lueur d'espoir déboucher sur quelque chose de fort, où les mots remplaceraient les armes, la main tendue remplacerait la main qui tue, la passion de comprendre remplacerait l'ignorance et les préjugés, la connaissance des langues, comme dans le feu d'une Pentecôte, remplacerait le fracas de Babel.
     
    Mais hélas, la lucidité n'incite pas à l'optimisme. C'est peu dire que cet espoir de paix, aussi légitime soit-il chez les belligérants, leurs familles, est d'une immense fragilité. Soyons francs : il n'y a, pour l'heure, ni chemin de paix sincère, comme avait pu l'être celui d'un Yitzhak Rabin, ni pulsion des cœurs à se rapprocher. Toute l'immense violence de ces deux dernières années est encore là, son fracas, ses cicatrices, l'empire de cette souffrance. Nous ne pouvons, en l'état, qu'espérer un cessez-le-feu qui tienne, ce serait déjà extraordinaire pour les populations civiles. Mais le mot "paix" est prématuré. Il faudra tellement de temps pour y parvenir, un jour, peut-être.
     
    Et puis, pourquoi le taire, nulle paix durable ne peut provenir d'un deus ex machina, venu d'un Nouveau Monde, dix mille kilomètres à l'Ouest de Jérusalem ou de Gaza. La paix exige lenteur, écoute, travail de réconciliation, réouverture des âmes fermées, des cœurs endurcis, laisser la place aux mots, à la langue, mais aussi à un long silence de cicatrisation. La paix, la vraie, ne se décrète pas à la Maison-Blanche, elle n'est pas là pour servir le blason de son locataire du moment. Elle doit surgir des antagonistes eux-mêmes, à commencer par les plus extrêmes d'entre eux, dans les deux bords.
     
    La passion pour le Proche-Orient exige, de la part des observateurs que nous sommes, l'élan des cœurs. Mais elle exige, tout autant, la plus implacable des lucidités. L'exercice de cette dernière, pour ma part, ne m'amène pas ce soir à l'optimisme.
     
     
    Pascal Décaillet