Sur le vif - Mardi 09.09.25 - 10.17h
La Suisse est un pays libre, fondé sur des valeurs de démocratie et de respect. Elle n'est en aucun cas un pays de guerre, si ce n'est pour se défendre elle-même. Elle est un pays d'ouverture et de dialogue avec tous les peuples du monde, sans exception.
Lorsque deux de ces peuples sont en guerre l'un contre l'autre, la grandeur de la Susse est de rester en contact avec l'un et l'autre. Leur parler. Leur proposer ses bons offices, pour des négociations de paix. J'ai étudié de près, comme vous savez, l'Histoire des négociations discrètes entre la France et le FLN, dans les dernières années de la guerre d'Algérie. La Suisse, comme hôte, y a tenu un rôle signalé.
Sur le conflit entre Israël et les Palestiniens, vous connaissez ma position, la même depuis un demi-siècle : amitié avec ces deux peuples, contacts les plus étroits possibles avec leurs représentants, toutes tendances confondues. Et je plaide pour une Suisse qui, sur ce théâtre d'opérations où règne l'horreur, avec les massacres toujours recommencés de Gaza, soit présente dans le dialogue, ouverte à organiser des négociations, mais surtout à l'écoute des deux parties.
Avec M. Cassis, elle ne l'est pas. Ce conseiller fédéral n'est pas neutre dans le conflit Israël-Palestine. Ancien vice-président d'un groupe d'amitié Suisse-Israël, il s'est toujours montré partisan de ce pays, il a mené, depuis des années, une guerre bien singulière contre une organisation d'aide humanitaire aux Palestiniens qui, dans son ensemble, ne méritait pas une telle diabolisation téléguidée par Israël. Une guerre contre son chef, aussi, homme de valeur, de paix et de courage.
Pire : face à l'ampleur du carnage commis à Gaza contre les Palestiniens, face à la famine, face à la destruction de tout un peuple, face au renouveau du colonialisme israélien sur l'ensemble des territoires palestiniens, y compris en Cisjordanie, M. Cassis n'a opposé que le silence.
Cette attitude n'est pas digne de la Suisse. Elle n'est pas digne de notre tradition de neutralité, d'ouverture et de paix. Elle tourne le dos à toute tentative intellectuelle d'établir une politique arabe de la Suisse, comme elle a pu exister, et avec quelle vivacité, à l'époque du Secrétaire d'Etat Brunner, que j'ai eu maintes fois, à Berne et à Paris, l'honneur de rencontrer et d'interviewer. C'était l'époque où la Suisse était écoutée et respectée, en Israël certes, mais aussi chez les Palestiniens, dans toutes leurs composantes, en Jordanie, en Syrie, en Égypte, et aussi dans le monde persan, en Iran.
C'était l'époque où nos diplomates, et jusqu'à des conseillers de pointe du pouvoir, parlaient arabe, voire persan, connaissaient l'Orient compliqué, en identifiaient les factions rivales, les enjeux politiques et historiques. Ils étaient capables, ces gens-là, de parler du monde arabo-persan avec un autre recul, une autre culture, que ceux qui, aujourd'hui, nous le présentent comme une masse informe, homogène, où ne régneraient que la théocratie et la dictature, pourtant contestées de l'intérieur par les plus beaux esprits de la pensée et des lettres arabophones.
M. Cassis fait régner l'ignorance. Son favoritisme pour Israël, qui massacre à Gaza, sa méconnaissance du monde arabe, des nécessités profondes du peuple palestinien, ne sont pas à la hauteur de la mission de paix, de dialogue et d'écoute de notre pays.
M. Cassis n'est pas l'homme de la situation comme ministre des Affaires étrangères.
Pascal Décaillet