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Alfred Brendel (1931-2025) : un don sacrificiel à la musique

 
 
Sur le vif - Lundi 23.06.25 - 15.17h
 
 
 
Je repense à Brendel, que je ne cesse d'écouter depuis l'annonce de sa mort, il y a quelques jours. Je crois qu'il était plus qu'un pianiste de génie. Il y en a tant, de Clara Haskil à Martha Argerich, de Rubinstein à Dinu Lipatti. Et les jeunes sont éblouissants, comme Lucas Debargue.
 
Brendel était plus qu'un pianiste de génie. Il était comme saisi, de tout son corps, de tout son être, d'une double puissance, d'ordre tellurique, ou magnétique.
 
D'abord, et c'est là un élément cérébral (car la musique, c'est quand même une immense part de cerveau, même si elle ne s'y réduit pas), Brendel est un géant de la conception générale de l'oeuvre. Il a dû tellement la travailler, l'incorporer, qu'il arrive, pour le moment de l'exécution musicale, avec en lui la puissance de l'ensemble. C'est valable en solo, en concerto, et même en accompagnement de Lieder (lui et Fischer-Dieskau, quel duo !). Il arrive, oui, avec le choix d'interprétation en lui, au millimètre. S'ensuivent, au moment du concert, de fusionnelles noces, si proprement germaniques, entre la volonté (beethovenienne, tellement puissante chez Brendel), et l'extrême sensibilité (allez, disons Mozart, Schubert, Schönberg), celle qui, face à la matérialité de l'instrument, fera la différence.
 
Mais Brendel arrive aussi, et c'est l'autre dominante de sa posture unique au monde, avec l'oreille de premier auditeur, d'une exigence absolue, des sons par lui produits. Et jusqu'à sa manière, incomparable, de se pencher en arrière, saisir en une fraction l'intensité de la note. Chacun de ces génies, Martha, Clara, tant d'autres, a son langage corporel, façonné par des dizaines de milliers d'heures de travail, de répétition, de concerts.
 
Brendel, c'est un pianiste de légende. C'est un style. C'est une jouissance sacrificielle de son don à l'oeuvre. C'est un homme en musique. Et c'est la musique, incarnée dans un homme.
 
Monsieur Brendel, vous avez été un passage de la grâce dans cette vie terrestre.
 
 
Pascal Décaillet

 

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