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Sur le vif - Page 8

  • Le Roi est nu, le Roi est seul, le Roi doit partir

     
     
    Sur le vif - Lundi 06.10.25 - 14.38h
     
     
    Emmanuel Macron : un homme intelligent, charmant, cultivé, doté d'une belle plume, ou alors bien entouré, beau parleur, excellent dans les discours.
     
    Bref, l'homme ne manque pas de qualités. Mais un homme d'Etat, ça n'est pas un homme tout court. Il faut qu'il y ait en lui le génie de l'Etat. C'était le cas avec Charles de Gaulle. Aussi, certes autrement, avec François Mitterrand.
     
    Chez Macron, la dimension d'Etat, celle d'un Philippe le Bel, celle d'un Louis XI, celle d'un Carnot, d'un Mendès France, n'apparaît pas. L'homme se donne à briller. Il aime la Cour. Il aime presque physiquement les puissants du monde, il adore les empoigner amoureusement, les embrasser. Chez lui, la diplomatie est une étreinte recommencée. Dans l'ordre de l'horizontalité de classe, les puissants en haut, les gueux en bas, il excelle.
     
    A lui seul, par réaction, il réveille Marx, la presse de gauche rhénane des années 1840, Engels, la dialectique hegelienne, la prise du Palais d'hiver, la Révolution allemande de 1919, le bain joyeux de Mao dans le grand fleuve.
     
    Que signifie l'inimaginable bordel de son second mandat, d'ailleurs déjà largement installé lors du premier ? Politiquement, l'échec du grand rêve MRP, très Quatrième République, de vouloir construire une majorité par le Centre. Pour une raison simple : en politique, il y a la droite, la gauche. Les dominants, les dominés. La lutte des classes. Au milieu de ces feux d'antagonismes, bienvenus dans une perspective dialectique, le Centre n'est qu'une illusion. Un Marais. Une eau de bénitiers, trempés des doigts de mille pécheurs et pécheresses.
     
    La preuve de cet échec ? Depuis 2017, Macron nous promet de résorber les extrêmes. Huit ans après, ils ne se sont jamais aussi bien portés. Les vrais chefs, en France, dans une forêt de prétendants futiles, sont Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon. La première est aux portes du pouvoir. Elle n'a plus qu'à introduire la clef.
     
    Alors voilà, Macron, cet homme intelligent, nous prouve par l'acte qu'en politique, briller seul dans un Palais des Glaces, entouré des seuls courtisans, ne sert à rien. Il faut une vision de l'Etat. Et il faut une vision POUR l'Etat. Car en France, depuis mille ans, rien ne se fait sans l'Etat. Que fait de Gaulle, en 44, pour éviter une guerre civile entre maquis communistes et partisans des Américains ? Partout en France dévastée, il rétablit l'Etat.
     
    Cette dimension, austère et sacrificielle, celle d'un Charles de Gaulle avant tout, Macron ne l'a pas. Alors, tel une divinité carthaginoise, flaubertienne, assoiffée de sacrifices humains, il envoie ses Premiers ministres, l'un après l'autre, dans la dévoration par le feu.
     
    Aujourd'hui, lundi 6 octobre 2025, le Roi est nu. Le Roi cherche la lumière, mais il a sacrifié tous les fusibles. Le Roi est seul. Le Roi doit partir.
     
     
    Pascal Décaillet

  • Mon soutien et mon amitié à Rémy Pagani

     
     
    Sur le vif - Dimanche 05.10.25
     
     
     
    On ne me soupçonnera pas d'être du bord politique de Rémy Pagani. Mais depuis toujours, je le respecte : c'est un vrai militant, courageux, déterminé.
     
    Ce courage, il vient d'en faire preuve dans l'affaire de la flottille. Rien ne l'obligeait, à plus de 70 ans, à se lancer dans cette aventure. Il n'y a que des coups à prendre : on sait très bien, dès le début, que les Israéliens ne vont pas vous accueillir à bras ouverts. Risques d'arrestation. Risques de prison. Tout cela, Pagani le savait, dès le départ. Il est parti, quand même. Ce courage, pour ma part, je ne l'aurais pas eu.
     
    Et puis, Rémy Pagani se trouve être un ancien Maire de Genève. L'ancien numéro un de la deuxième Ville de Suisse est actuellement dans une prison israélienne. On pourrait imaginer que la chose émeuve, chez ses collègues politiciens de tous bords ayant un minimum de classe. Hélas, il n'en est rien. C'est soit le silence assourdissant, soit des quolibets particulièrement déplacés, venant de la part de gens n'ayant pas eu son courage. Cela, quoi qu'on pense du conflit Israël-Palestine.
     
    Eh bien voilà. Moi, citoyen de ce pays que j'aime, la Suisse, m'exprimant à ce titre-là et à lui seul, j'adresse à Rémy Pagani mes voeux pour que tout se passe au mieux, pour qu'il soit libéré au plus tôt. Lui et ses compagnons, hommes ou femmes, suisses ou pas suisses, anciens Maires ou futurs charpentiers.
     
    Il y a des moments, dans la vie, où des humains doivent s'adresser à d'autres humains. Si vous vous promenez dans la Vieille Ville de Jérusalem, qui tant de fois dans ma vie m'a fasciné, vous verrez que mille voix, surgies de trois grands courants spirituels au moins, vous y invitent. Humains, adressons-nous à des humains. Et respectons le courage de ceux qui osent.
     
     
    Pascal Décaillet

  • L'arrogant du Temps et la question allemande

     
     
    Sur le vif - Vendredi 03.10.25 - 10.32h
     
     
    Le commentateur attitré de l’Allemagne dans le Temps ne connaît strictement rien aux enjeux profonds de ce pays.
     
    Incapable de projeter sa mémoire historique et culturelle en amont du 3 octobre 1990 (officielle Réunification, onze mois après la chute du Mur), son logiciel intellectuel s’arrête aux 35 dernières années. Ce commentateur arrogant, sûr de lui, n’a aucune capacité mentale d’aller saisir les ressorts profonds de l’Histoire du peuple allemand.
     
    L’arrogant du Temps n’évoque jamais l’Histoire de la langue allemande, qui depuis Luther (traduction de la Bible, 1522) porte, dans son incroyable souplesse évolutive et dialectale, l’Histoire des idées dans les Allemagnes.
     
    L’arrogant du Temps a-t-il au moins lu la Bible dans la langue de Luther ? A-t-il lu les Discours à la Nation allemande de Fichte (1807, dans Berlin sous occupation française) ? A-t-il lu l’extraordinaire Dictionnaire de la langue allemande, des Frères Grimm ? A-t-il lu Hölderlin, Paul Celan, Brecht, Heiner Müller, Christa Wolf ?
     
    S’il les a lus, a-t-il songé à exciter un peu ses neurones pour tisser des liens moteurs entre ces travaux d’exception sur la langue et la conception (Anschauung) allemande de la politique, de la guerre et de la paix, de leurs propres identités mêlées, complexes, réunies par la seule langue, elle-même diverse et dialectale ?
     
    L’arrogant du Temps fait penser à un mécanicien qui se refuserait à ouvrir le capot, plonger ses doigts dans le cambouis du moteur.
     
    L’arrogant du Temps a de l’Allemagne une conception synchronique, cérébrale, abstraite. Là où il faut oser la diachronie, l’émotion du langage, celle des mots, des notes de musique. Là où il faut s’immerger dans le prodigieux concret de l’imaginaire des Allemands eux-mêmes, celle d’un Schiller, d’un Thomas Mann, d’un Günter Grass.
     
    L’arrogant du Temps ne fait jamais référence à l’expérience unique des quarante années de DDR, les grands écrivains de ce pays, son système social, associatif, coopératif et culturel.
     
    L’arrogant du Temps ne voit que la surface. Il juge les Allemagnes avec les matrices de pensée de la science politique occidentale des 35 dernières années, totalement inaptes à saisir les enjeux profonds de cet univers, son rapport à l’Est, à la mémoire, à la mélancolie.
     
    L’arrogant du Temps croit savoir. Il ignore. Il croit voir. Il tâtonne. Dans l’exigence de lucidité, il échoue.
     
     
    Pascal Décaillet