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L'arrogant du Temps et la question allemande

 
 
Sur le vif - Vendredi 03.10.25 - 10.32h
 
 
Le commentateur attitré de l’Allemagne dans le Temps ne connaît strictement rien aux enjeux profonds de ce pays.
 
Incapable de projeter sa mémoire historique et culturelle en amont du 3 octobre 1990 (officielle Réunification, onze mois après la chute du Mur), son logiciel intellectuel s’arrête aux 35 dernières années. Ce commentateur arrogant, sûr de lui, n’a aucune capacité mentale d’aller saisir les ressorts profonds de l’Histoire du peuple allemand.
 
L’arrogant du Temps n’évoque jamais l’Histoire de la langue allemande, qui depuis Luther (traduction de la Bible, 1522) porte, dans son incroyable souplesse évolutive et dialectale, l’Histoire des idées dans les Allemagnes.
 
L’arrogant du Temps a-t-il au moins lu la Bible dans la langue de Luther ? A-t-il lu les Discours à la Nation allemande de Fichte (1807, dans Berlin sous occupation française) ? A-t-il lu l’extraordinaire Dictionnaire de la langue allemande, des Frères Grimm ? A-t-il lu Hölderlin, Paul Celan, Brecht, Heiner Müller, Christa Wolf ?
 
S’il les a lus, a-t-il songé à exciter un peu ses neurones pour tisser des liens moteurs entre ces travaux d’exception sur la langue et la conception (Anschauung) allemande de la politique, de la guerre et de la paix, de leurs propres identités mêlées, complexes, réunies par la seule langue, elle-même diverse et dialectale ?
 
L’arrogant du Temps fait penser à un mécanicien qui se refuserait à ouvrir le capot, plonger ses doigts dans le cambouis du moteur.
 
L’arrogant du Temps a de l’Allemagne une conception synchronique, cérébrale, abstraite. Là où il faut oser la diachronie, l’émotion du langage, celle des mots, des notes de musique. Là où il faut s’immerger dans le prodigieux concret de l’imaginaire des Allemands eux-mêmes, celle d’un Schiller, d’un Thomas Mann, d’un Günter Grass.
 
L’arrogant du Temps ne fait jamais référence à l’expérience unique des quarante années de DDR, les grands écrivains de ce pays, son système social, associatif, coopératif et culturel.
 
L’arrogant du Temps ne voit que la surface. Il juge les Allemagnes avec les matrices de pensée de la science politique occidentale des 35 dernières années, totalement inaptes à saisir les enjeux profonds de cet univers, son rapport à l’Est, à la mémoire, à la mélancolie.
 
L’arrogant du Temps croit savoir. Il ignore. Il croit voir. Il tâtonne. Dans l’exigence de lucidité, il échoue.
 
 
Pascal Décaillet

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