Commentaire publié dans GHI - Mercredi 29.10.25
Les gens ne comprennent pas qu’on puisse être de droite et anti-libéral. De droite, et pour l’Etat. Musclé, régalien, surtout pas tentaculaire, mais l’Etat, quand même. De droite, et souverainiste. De droite, et opposé au dogme de libre-échange. De droite, et dire non aux Bilatérales, parce que la souveraineté de notre pays s’en trouverait entravée. De droite, et anti-atlantiste. De droite, et contre l’impérialisme américain, tel qu’il s’impose au monde depuis 1945. De droite, et contre le colonialisme, sous tous ses visages. De droite, et pour le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. De droite, et ouvert au monde arabe, passionné par l’Orient compliqué, ses langues, ses récits. De droite, et tourné vers l’univers persan, tel qu’il se déploie sur des milliers d’années d’Histoire. De droite, et ami du peuple palestinien, tout en l’étant de celui d’Israël. De droite, et pour un Etat de Palestine, avec toute la dignité qu’implique cet échelon. De droite, et farouchement opposé à l’extension de l’OTAN sur les marches les plus orientales de l’Europe, continue depuis 1989, jusqu’aux frontières directes de la Russie.
Les gens peinent à comprendre cela. En voici la cause. La droite, depuis la chute du Mur de Berlin (9 novembre 1989), est assimilée en Europe au libéralisme. Le dogme, vendu par le monde anglo-saxon : confondre la droite avec le dogme du libre-échange, le rejet des frontières et des nations, la construction de géants multilatéraux en forme de coquilles vides, l’ignorance de l’Histoire. En gros, la droite, ce serait le Nasdaq, la Bourse de New-York, la spéculation mondialisée, les multinationales, les délocalisations, l’abandon de notre puissance agricole et industrielle, au profit d’une grande illusion planétaire, virtuelle : un Veau d’or de l’imagination humaine. Bref, la droite, ce serait 36 années de crétinisme ultra-libéral triomphant.
Je suis un homme de droite, mais je rejette le crétinisme. L’univers des droites, né, comme celui des gauches, de la géographie de la Convention, sous la Révolution française, s’inspire, depuis plus de deux siècles, d’autres sources, d’autres penseurs, d’autres aspirations que celles des décérébrés du néo-libéralisme des années 1990. Des exemples ? La communauté d’appartenance à une nation. La culture. La langue, sous toutes ses formes dialectales, toutes ses expressions, à commencer par celle de la poésie. La musique. La mémoire. La connaissance de l’Histoire. Le culte des morts. L’hommage aux sacrifiés, à ceux qui sont tombés au combat. On peut être pétri de ces valeurs, hélas beaucoup trop discrètes dans les droites européennes depuis 1945, et se sentir en même temps, dans l’esprit de Léon XIII, auteur de l’Encyclique Rerum Novarum (1891), l’âme profondément sociale, ennemie des injustices, respectueuse des fonctions les plus modestes. Une droite estimant qu’un être humain en vaut un autre. Riche ou pauvre, sachant lire ou non, Israélien ou Palestinien. La chose, ancrée dans les convictions les plus profondes de mon enfance, immuable tout au long de ma vie, est aussi simple que ces sept mots : un être humain en vaut un autre.
Pascal Décaillet
Commentaires
bien parlé
je suis de gauche (modérée) et je vous rejoins sur beaucoup de points mentionnés ce-dessus.
Donc nous pouvons travailler ensemble
En somme, gaulliste.
La distinction gauche-droite n'est plus opérante. Il faut distinguer entre les gens qui pensent de façon classique (sur la base de principes, avec logique, et avec la conscience de l'histoire, donc une conception diachronique du temps), et ceux qui pensent de façon moderne (sur la base de "bonnes idées" qui leur passent par la tête ou qui leur sont présentées, sans les limites qu'imposent les principes de la logique, et sans vision diachronique du temps mais plutôt l'idée d'un progrès inéluctable). 99% des gens qui se pensent de gauche sont des modernes, et ils sont conscients d'être modernes, ils l'assument. 90% des gens qui se pensent de droite sont eux aussi des modernes, mais ils ne sont pas conscients de l'être - ils se voient comme des conservateurs et se plaisent à vouloir conserver des idées modernes une fois qu'elles sont démodées; il sont les idiots utiles de la modernité. Ce que vous essayez de dire, en vous réclamant de la droite, c'est que vous êtes un classique.
Pourquoi pas mais dans ce cas divisons tous les salaires en Suisse par quatre. On doit l’immense fortune de la Suisse en bonne partie aux USA et Trump l’a bien compris. Ce sont les théories économiques du ruissellement. CA de Roche aux USA en 2024 ? 53%. Nestlé ? ABB ? Novartis ?
Je comprends qu’on critique la puissance américaine mais il faut être logique et pas hypocrite. En tout cas mes réseaux suisses allemands sont à fond tourné vers San Francisco. Il y a probablement un grand fossé entre Genève et le reste de la Suisse.