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Sur le vif

  • Michel Barnier : exigence et clarté, face aux gueulards

     
     
    Sur le vif - Mardi 01.10.24 - 15.22h
     
     
    Un homme qui cite Charles de Gaulle et Pierre Mendès France, les deux plus grandes figures de la politique française au vingtième siècle, dans les vingt premières de son Discours de politique générale, ne peut que recevoir la confirmation de mon estime, déjà exprimée ici à plusieurs reprises.
     
    Oui, Michel Barnier est l'homme de la situation. Face à la vulgarité des beuglements des députés LFI, il demeure parfaitement calme. Il est cet homme d'un autre temps, pondéré, maître de lui, courtois avec une représentation nationale qui, au Palais-Bourbon, est chez elle.
     
    Elle est chez elle, c'est sûr, mais une partie des élus, celle que j'ai citée, se comporte comme dans la rue. Ces gens-là ont le droit de défendre leurs idées, même férocement. Mais par leur comportement de meute, ayant décidé avant même la séance de se farcir le nouveau Premier-ministre, ils s'ostracisent eux-mêmes. C'est leur heure de gloire, celle des éternels gueulards, factieux à souhait, ces mêmes qui, tout l'été, exigeaient Matignon, et faisaient défiler dans la France, comme une marraine de Comices agricoles, leur candidate autoproclamée, alors que le Président est souverain pour le choix du Premier ministre.
     
    En écrivant ces lignes, j'entends les propositions, notamment budgétaires, de M. Barnier. Mais j'entends surtout la parfaite clarté de sa voix, l'exigence de vérité, la volonté de passer avec la France un contrat de confiance. Alors oui, je pense au plus courageux Discours de politique générale tenu dans l'après-guerre : celui du 18 juin 1954, en pleine déroute des troupes françaises en Indochine. L'homme qui le prononçait avait tracé un chemin de rigueur et de clarté. Il s'était donné un mois pour résoudre la question indochinoise. Un mois plus tard, jour pour jour, à Genève, il avait tenu parole. Ce Président du Conseil, le seul homme d'Etat de la Quatrième République, s'appelait Pierre Mendès France.
     
     
    Pascal Décaillet

  • Martine Paschoud, passeuse des textes et des voix

     
     
    Sur le vif - Dimanche 29.09.24 - 15.53h
     
     
    Le monde du théâtre est peuplé de voix intérieures. Des trajets de vie, des tonnes de lectures, un travail acharné. Martine Paschoud, qui vient de nous quitter, personnalise à elle-seule, comme naguère un Claude Stratz, cette dimension de très haute culture qui permet d’œuvrer, dans la Cité, au service des auteurs, et bien sûr aussi pour le public. C'est une très grande dame que perd le théâtre à Genève, une directrice de théâtre, une passionnée de mise en scène, mais avant tout une passeuse d'oeuvres.
     
    Entre Gérard Carrat et Philippe Morand, suivis par Françoise Courvoisier, puis Mathieu Bertholet, toutes personnalités remarquables, il y eut, de 1984 à 1996, l'ère Martine Paschoud à la tête du Nouveau Théâtre de Poche.
     
    Une ère, oui. Passionné de littérature germanophone (l’Allemagne, bien sûr, mais aussi l'Autriche, ou la Prague de Kafka), j'ai traversé, comme spectateur, avec un rare bonheur les années Paschoud dans ce coeur de la Vieille Ville où vibrent les textes et les voix, ceux d'aujourd'hui, ceux de naguère, ces inflexions tues dont parle Verlaine.
     
    J'étais féru des auteurs de l'Allemagne. Autriche aussi. Kafka, plus que tout. Mais franchement, avant Martine Paschoud, je ne connaissais pas les auteurs de théâtre de la Suisse alémanique, mon propre pays pourtant. Une incomparable passeuse, oui, parce qu'elle a pris des risques sur des écrivains contemporains, elle avait une vision, un angle, elle s'engageait. Que savais-je, avant elle, d'un Matthias Zschokke, par exemple ?
     
    En écrivant ces quelques lignes sur Martine Paschoud, je pense à Rui Nogueira, lui aussi un passeur, dans l'ordre du cinéma. La directrice du Poche 84-96 était exactement dans le rôle qui doit être le sien : prendre des risques, s'engager, ouvrir des horizons, interpeller. On aime ou non, c'est une autre affaire. Mais quelque chose, sur scène et dans nos âmes, se sera passé.
     
    Aux proches de Martine Paschoud, toute mon amitié. Aux Genevois, je demande qu'ils se souviennent de cette infatigable passionnée de théâtre, l'immensité de sa culture, allant jusqu'aux auteurs de la DDR, sa sensibilité musicale, sa combativité. Elle a aidé Genève à tenir son rang, oui celui des textes et des voix, dans un monde où les forces de l'argent pourraient, à un profane de passage, donner l'impression d'avoir définitivement pris le pouvoir.
     
     
    Pascal Décaillet
     

  • Il pleut des référendums ? Mais quel bonheur !

     
    Sur le vif - Mardi 24.09.24 - 16.22h
     
     
    Ils sont impayables, ces éditorialistes qui semblent terrorisés par la floraison victorieuse de référendums dans notre vie politique suisse. A lire ces très sages suppôts de notre démocratie représentative, si copains avec le monde parlementaire, commensaux du Bellevue, on a toujours l'impression que la démocratie directe serait une anomalie de notre vie politique. Alors qu'elle est une institution. Au même titre que le Parlement. Dont elle est parfois complémentaire, parfois rivale, ce qui est très vivifiant pour notre démocratie.
     
    Ils en font tellement, depuis dimanche, que je rappelle ici un ou deux fondamentaux de notre vie politique suisse.
     
    Le référendum, d'abord. Il n'a rien d'incongru. Il est partie prenante de notre système, au même titre qu'un débat parlementaire. Lorsque le peuple n'est pas content d'une loi, il l'attaque. Il a un certain délai pour recueillir des signatures. S'il les obtient, un beau dimanche, un corps électoral de quelque cinq millions de Suisses tranche. Cela s'appelle le suffrage universel. Et même avec une participation de 40%, ça nous fait deux millions de votants. C'est quand même mieux, en termes de légitimité, que 246, non ?
     
    L'initiative, ensuite. Mille fois mieux, encore, que le référendum ! Un comité de citoyennes et citoyens empoigne un sujet, sans rien demander au petit monde parlementaire. Récolte de signatures. Un beau dimanche, le peuple et les cantons tranchent. Et la Constitution de notre pays est modifiée ! Le monde entier nous envie ce système, à commencer par nos voisins les plus proches.
     
    La démocratie directe, c'est la vie. C'est le peuple suisse qui empoigne la politique. Que cela ne fasse pas plaisir au cénacle parlementaire, passe encore : ils sont jaloux de cette concurrence. Mais que des éditorialistes politiques soient à ce point immergés dans le microcosme parlementaire (oh, je l'ai été moi-même plusieurs années, je pensais et réagissais comme eux, lorsque j'étais correspondant à Berne), c'est quand même inquiétant. L'âme incarcérée dans la molasse bernoise, ils ne ressentent même plus les besoins fondamentaux du peuple.
     
    Petit entrepreneur, depuis bientôt 19 ans, ayant mon bureau dans une zone industrielle où je croise toute la journée d'autres entrepreneurs, tous domaines confondus, discutant constamment avec eux, je me sens tellement plus libre, dans ma tête, que lorsque je couvrais, au Palais fédéral, l'actualité politique suisse. Fonction que j'ai, au demeurant, exercée avec passion. Et à laquelle j'ai tout donné.
     
    Il faut parfois vivre d'autres vies pour vibrer avec le coeur palpitant de son propre pays.
     
    Pascal Décaillet