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Sur le vif

  • Aimer la Suisse, par le coeur et par la raison

     
     
    Sur le vif - Mardi 04.11.25 - 15.50h
     
     
     
    L'opposition frontale entre le Freisinn, pro-européen au nom de la Raison économique, et la Vieille Suisse tellurique, celle de la souveraineté et du refus des juges étrangers, m'amène à vous donner deux rendez-vous demain, mercredi 5 novembre 2025.
     
    1) Dans GHI, à paraître demain, je raconte l'année folle 1992, j'étais journaliste parlementaire au Palais fédéral pour la RSR, j'ai couvert à fond, avec mes collègues, la campagne homérique en vue de la votation historique du 6 décembre, sur l'EEE. Je montre comment, dans les deux derniers mois, septembre et octobre, absolument décisifs, de la campagne, la Vieille Suisse l'a emporté sur le Freisinn, sur la Vernunft, sur toute l'Aufklärung, incarnés par Delamuraz. J'y dévoile aussi l'influence exercée sur moi par le radical vaudois, son amour de la vie, ses excès, son humour, son charme. Eh oui, mais c'est Blocher qui a gagné, le 6 décembre à 15.22h.
     
    2) Demain soir, GAC direct 19h : "Le Freisinn face à la Suisse tellurique". Suite des mes angles de traitements en vue des Bilatérales III. Avec, comme invité, Cyril Aellen, vice-président du PLR suisse. C'est un homme très sensible au sujet, très renseigné aussi. Il défend la Raison dialectique, chère aux commentaires de la rubrique Inland de la NZZ, mais il est loin, TRÈS LOIN, de demeurer impénétrable aux charmes magiques, ensorcelants, de la Suisse profonde. Celle des campagnes. Celle des traditions. Celle des dialectes, si riches dans leur diversité.
     
    Il m'apparaît comme l'un des meilleurs interlocuteurs sur la dichotomie Freisinn / Sehnsucht. Les rationnels purs, tout à leur géométrie démonstrative, me fatiguent. Les allumés du terroir, sans un minimum de travail conceptuel et cérébral, aussi.
     
    Toute la magie de la Suisse, depuis 1848, tient dans cette dichotomie. Aimons notre pays avec notre coeur, mais aussi avec les outils de la raison.
     
     
    Pascal Décaillet

  • Le Jour des Morts

     
     
    Sur le vif - Dimanche 02.11.25 - 15.23h
     
     
     
    Je n'ai jamais perçu les morts comme vivant dans un monde à part. Dans un "séjour des morts", comme celui que traverse Ulysse, dans l'un des plus saisissants passages de l'Odyssée. Quand il y rencontre l'ombre de sa mère, Anticlée, je pleure.
     
    Non. Pour moi, les morts sont parmi nous. Il sont en nous. Chaque vivant porte la présence de ses morts, et chaque mort porte en lui les vivants. On dit qu'ils "veillent sur nous". J'aime cette expression : veiller, c'est vivre dans la nuit. Survivre, dans l'oubli.
     
    Je crois aux forces de l'esprit. N'entendez par là, surtout, aucune forme de superstition, ni de spiritisme, ni de surnaturel. Non, juste la présence de nos morts, chacun de nous, dans le silence de ce jour si puissant, le 2 novembre. Nous les humains, les vivants, nos frères et soeurs dans l'ordre si provisoire de la vie, n'avons nul besoin de nous accrocher au monde du fantastique pour percevoir, au plus profond de nous, la présence de nos morts.
     
    Les forces de l'esprit. La mémoire, première qualité humaine. Le souvenir. L'âme ouverte à la présence de l'autre, vivant ou mort. Tous, enfants d'un même terreau. Tous, nourris les uns des autres. Un seul corps. Et l'universalité d'un esprit.
     
    Les forces de l'esprit. Pourquoi l'opposer à la matière ? J'écoute la musique de l'un de mes compositeurs préférés, l'Estonien Arvo Pärt, 90 ans révolus, bien vivant. C'est une musique de la matière. Une musique du minéral. Une musique des stalactites, l'eau dans la grotte. Une musique de la transformation chimique. Et c'est, justement par là, une musique éminemment spirituelle.
     
    Et si la matière, c'était l'esprit ? Et si l'esprit, c'étaient des vibrations de matière. Et si la mort, c'était la vie. L'autre vie. La vie, tout court.
     
     
    Pascal Décaillet

  • Israël-Palestine : un conflit territorial. Avec un colon et un colonisé

     
     
    Sur le vif - Dimanche 26.10.25 - 14.49h
     
     
     
    Depuis des années, je pose cette question : pourquoi diable la défense de la Palestine, dans nos pays d'Europe, est-elle l'apanage de la gauche ?
     
    Je ne reproche rien à la gauche. Elle a parfaitement raison de défendre la Palestine. Tout au plus, n'ayant jamais manifesté de ma vie, parce que ce mode d'expression n'est pas le mien, je peux regretter le côté fourre-tout de certaines liturgies de rue de gauche, où la cause palestinienne se trouve mêlée à un foisonnement d'autres revendications, d'ordre sociétal par exemple. Lecteur d'Aristote, je plaide pour l'unité de matière. Mais enfin, cette réserve posée, je remercie la gauche de nous rendre sensibles aux souffrances du peuple palestinien. Là où la droite se tait.
     
    L'unité de matière. Dans mon soutien, depuis l'adolescence, à la cause palestinienne, elle consiste à m'en tenir à l'aspect politique, depuis 1948 en tout cas, du conflit Israël-Palestine. Je refuse absolument, depuis toujours, de le ramener à une guerre confessionnelle : le judaïsme en tant que tel, l'Islam en tant que tel, ne sont en aucun cas les leviers principaux du conflit. Il y a déjà suffisamment de Guerres de Religion au Proche-Orient pour qu'on s'abstienne d'y ranger le CONFLIT TERRITORIAL Israël-Palestine.
     
    Non. Ma lecture, née d'autres chemins anticoloniaux que j'ai pu emprunter (sur l'Algérie de 1830 à 1962, par exemple), est volontairement ciblée sur un assez classique (au fond) conflit colonial, ou post-colonial. Avec, de plus en plus clairement depuis juin 1967, un colon et un colonisé.
     
    Ma lecture heurte une vision : celle d'un conflit, depuis 77 ans, qui devrait absolument, en vertu de la dimension mystique en effet phénoménale (je suis le premier à en être fasciné, depuis l'enfance) de tous les courants qui soufflent depuis des milliers d'années dans l'Orient compliqué, être lu comme unique au monde, incomparable avec les autres, ombilical, parce qu'il provient de l'une de nos matrices.
     
    Cette dimension profondément spirituelle du Proche-Orient, comme d'ailleurs de l’Égypte, complexe, nouée de mille sectes, où la richesse et la subtilité du soufisme côtoient d'antiques mosastères coptes, ne me laisse de loin pas indifférent, c'est le moins qu'on puisse dire. Point n'est besoin d'avoir lu Chateaubriand, le prodigieux "Itinéraire de Paris à Jérusalem", ni la lumineuse biographie de Champollion par Lacouture, ni celles de l'Emir Abdel Kader, pour engager toute son âme dans un tropisme incurable vers ce monde-là.
     
    Mais désolé, le conflit parfaitement circonscrit, depuis 1948 (oh, on peut toujours remonter à Theodor Herzl, Lord Balfour, ou au Mandat britannique) est à lire dans sa dimension purement politique, prosaïquement territoriale (Arafat n'a jamais déclaré autre chose), avec toute sa dimension économique, le partage de l'eau, denrée rare, et celui des richesses. C'est une affaire entre possédants et dépossédés. Entre dominants et dominés.
     
    Bref, dans le conflit Israël-Palestine, les outils de lecture que proposait Karl Marx au 19ème siècle peuvent nous être, une fois de plus, diablement utiles : chercher les VRAIES RAISONS des conflits. Dans les rapports, évidemment, de pouvoirs économiques. Thucydide, il y a 25 siècles, dans sa Guerre du Péloponnèse, nous invitait déjà à cette ascèse, pour décoder les ressorts réels du conflit entre l'impérialisme de Sparte et celui d'Athènes.
     
    Toujours, à propos du conflit Israël-Palestine, j'inviterai mes lecteurs à actionner leurs cerveaux, leur lucidité face aux vrais enjeux, leur décodage de toutes les propagandes, plutôt que leur seule émotion, leur seule empathie. Ces dernières sont certes nobles. Et peuvent être motrices pour actionner l'urgence humanitaire. Mais l'humain doit avant tout comprendre. Et pour cela, il doit observer, se renseigner, étudier.
     
    Ce chemin de lucidité n'est ni de gauche, ni de droite. Alors, pourquoi diable les droites suisses y sont-elles si absentes ? On aurait besoin d'elles, aussi, de leur intelligence, de leur capacité d'analyse, pour soutenir la cause palestinienne. Et pas seulement des liturgies foisonnantes, toujours recommencées, de la gauche.
     
    A propos d'indigeste désordre, je vais vous dire une chose : chaque fois que je me suis rendu au Saint-Sépulcre, à Jérusalem, j'y ai regretté l'incroyable fouillis, le capharnaüm d'objets, la superposition non-expliquée aux visiteurs de strates historiques tellement différentes. Ce tombeau-là, j'aurais préféré avoir le privilège de le trouver vide. Saisissant. Déroutant. Mais LISIBLE. Et porteur, peut-être, allez soyons fous, d'une espérance de lumière.
     
     
    Pascal Décaillet