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Liberté - Page 941

  • Campagne 2015 : que du bonheur !

     

    Commentaire publié dans GHI - 23.09.15


     
    Il fut un temps où le candidat se devait d’être un individu différent des autres. Il parlait d’une estrade, haranguait la foule. Il y avait une voix, il y avait un rythme, un tonus, un tempérament. Il y avait un message. Pour lui, on organisait un meeting. Il arrivait du fond de la salle, comme le célébrant d’une messe. Il dispensait la parole, maudissait, bénissait, il était lui-même le verbe, on l’écoutait.


     
    Aujourd’hui, plus rien de tout cela. Que fait le candidat ? Il ne songe qu’à se fondre dans la similitude avec l’électeur. Il ne lui dit plus : « Du haut de mon autel, je te parle », mais « Je suis avec toi, comme toi, tu me touches, je te touche, nous posons sur le même selfie, j’ai ta main sur mon épaule, j’ai ta main dans ma main, je suis toi, mais n’oublie pas tout de même de voter pour moi ».


     
    Alors, quoi ? Alors, le « terrain », s’il vous plaît ! Alors, Russin ! Alors, Fête des Vendanges ! Alors, kermesses, tracteurs, rudes et sains travaux des champs, enfin pour la photo. Alors, se montrer. Non face à la foule, mais au milieu d’elle. En tendre empoignade avec elle. Électeur, je suis comme toi. Je suis ton semblable, je bois dans le même verre, je trinque sous les mêmes cieux. Je souris aux mêmes femmes. Aux mêmes hommes. Je caresse les mêmes chiens.


     
    Le message ? Disparu. Volatilisé, dans l’invisible fermentation de cette liturgie commune. Fini, le contenu. Fini, le discours. Aux orties, l’élévation du verbe, celui qui cisèle l’individu, sculpte la différence. Non, tous pareils. Tous au même endroit, au même moment. Tous à la même messe. Que du bonheur.


     
    Pascal Décaillet

     

  • 178 ambitions pour Berne

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    Publié dans GHI - Mercredi 23.09.15

     

    Il y a huit ans, j’avais donné la parole, sur Léman Bleu, aux 93 candidats au Conseil national. C’était déjà énorme, déjà une folie. Cette année, nous invitons chacun des 178 candidats à une interview en direct de cinq minutes, face à votre serviteur. La séquence s’appelle « Les Yeux dans les Yeux ». Retrouver chaque soir ces hommes et ces femmes, de tous âges et de tous partis, n’étant réunis que par une ambition commune, est pour moi un privilège. La densité de la séquence, l’intensité du ping-pong, le croisement de deux regards, la rencontre de deux visages, tout cela permet au public de faire la connaissance des personnes qui aspirent à siéger, à Berne, à la Chambre du peuple. C’est une expérience inédite. Elle n’a, à ma connaissance, jamais été réalisée avec autant de candidats, en direct TV. Genève innove.

     

    Expérience inédite, à finalité citoyenne : il y a tout de même une sacrée différence entre voir défiler 178 noms, désincarnés, sur les 26 listes que nous recevons à la maison, et avoir sur son écran 178 personnes vivantes, dans l’exercice du verbe et de l’argument, avec leurs sourires, leur aisance ou parfois leur gêne, leur répartie ou leur silence, leur faconde ou leur labeur, peu importe, 178 humains, c’est cela l’essentiel. Au moment où j’écris ces lignes, j’en ai déjà rencontré 60, c’est dire s’il y a encore du pain sur la planche.

     

    Que dire, après cette première soixantaine ? D’abord, l’émotion de la richesse humaine. Une très grande partie de ces 178 candidats sont, en arrivant sur le plateau, de parfaits inconnus, pour le public comme pour moi. Cinq minutes plus tard, nous voilà enrichis d’une rencontre. Un style, un visage, une voix, un rythme, un caractère. Les humains ne sont pas des robots, mais des êtres d’émotion, de mémoire, de fragilités blessées, et tout cela, sur l’écran, se devine, s’entrevoit. N’imaginons surtout pas que le corps électoral ne veuille retenir que les plus forts, ceux qui bombent le plus le torse, encre moins ceux qui s’écoutent parfaitement argumenter, comme dans des syllogismes de lycée. Non, le public retiendra un sourire, un éclat, une étincelle, que sais-je ?

     

    Grande richesse humaine, donc, que celle de ces rencontres. S’il y a un bémol, c’est sur la connaissance des dossiers. Je suis sidéré de constater à quel point les gens qui postulent pour Berne sont, pour nombre d’entre eux, dans une très grande ignorance de la chose fédérale. Je ne parle pas ici du Quiz, dont tout le monde a bien compris qu’il était juste une vingtaine de seconde de détente commune,  à la fin de l’entretien, et que connaître ou non la réponse n’était pas l’essentiel. Non, je pense au minimum de connaissances nécessaires sur la Suisse. Son Histoire. Ses institutions. Ses partis politiques. Les grands enjeux des sept Départements fédéraux. Les deux ou trois grands défis (assurances sociales, migrations, transition énergétique, agriculture, exportations, etc.) qui nous attendent pour la législature 2015-2019.

     

    Là, oui, il y a une marge de progression. En attendant, bonne chance à tous, sans exception. Je respecte beaucoup les personnes qui osent se porter candidates. Sur 178, il n’y aura que 11 élus. Les 167 autres, eux aussi, méritent notre considération.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Gauchebdo : un air de liberté

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    Publié en page 2 du no 38 de Gauchebdo, 18 septembre 2015 - Cette prise de position inaugure leur série d'automne "Ils soutiennent Gauchebdo".

     

     

     

    Tous les samedis, entre 15h et 16h, à mon bureau de Carouge, je lis Gauchebdo. Dans l’aventure de cette équipe rédactionnelle, dont je ne partage pourtant pas les options politiques (enfin, disons « pas toutes »), je respire, profondément et avec bonheur, un air de liberté. Dans le choix des sujets, dans la qualité des plumes, dans l’orfèvrerie de la chose écrite, et jusque dans l’archaïsme délibéré d’un « journal papier » fin 2015, je retrouve cette part de bonheur de mon adolescence : lire, découvrir, me laisser surprendre.

     

    Adolescent au début des années septante, je considérais la Bibliothèque municipale de ma commune comme un temple de liberté intérieure, je m’y rendais presque tous les samedis, tiens le revoici, le samedi. Dans Gauchebdo, je découvre des textes historiques sur la Guerre civile en Grèce juste après la guerre, des critiques de cinéma grec, une ouverture culturelle sans précédent aux pays du Maghreb, du Moyen Orient, de l’Amérique latine, toutes choses qui n’existent quasiment pas dans les suppléments de week-end de nos grands journaux romands.

     

    Parce que, dans ces journaux-là, la culture, c’est devenu de la promotion. Elle ne repose que sur la nouveauté, elle ne fait qu’emprunter le circuit publicitaire d’un nouveau film, ou d’un nouveau livre. Je déteste cela. Je rejette ce fumet de suivisme. Gauchebdo nous invite toujours sur des voies de traverse, insoupçonnées. Pour cela, je vous encourage vivement à soutenir ce journal. Il nous aide à mieux respirer.

     

     

    Pascal Décaillet