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Liberté - Page 935

  • Quelques notes à propos des Ports Francs

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    Sur le vif - Mercredi 03.06.15 - 10.00h

     

    N'envisager l'affaire des Ports Francs que sous l'angle de l'épisode judiciaire de M. Bouvier à Monaco, c'est jouer le jeu du Conseil d'Etat. Celui d'un paravent : mettre en évidence un comportement, potentiellement délictueux (il appartiendra à la justice d'en décider), pour camoufler un déficit autrement structurel : la très grande tolérance de nos autorités, singulièrement dans la dernière décennie, face à cette institution. On aurait voulu laisser l'entrepôt se transformer en coffre-fort, on ne s'y serait pas pris autrement.


    Faut-il rappeler que les Ports Francs sont, à 87%, aux mains de l'Etat ? A ce titre, tout ce qui leur est lié est d'intérêt public, et il est normal que le corps des citoyens sache ce qui s'y passe.


    Ensuite, il y a la providentielle valse des responsables. On fait sauter la présidente comme un fusible, on la remplace par un homme qui vient d'avoir été huit ans ministre des Finances à Genève. On se donne des airs de Nettoyeur des Écuries d'Augias.


    Avec M. Maudet, c'est toujours le même scénario, que ce soit dans l'ordre policier, pénitentiaire, ou économique : 1) fusible, 2) Augias. On nous permettra de ne pas être dupe de cette stratégie de communication, et de chercher la vérité sur ce qui a pu se passer - ou justement, ne pas se passer - à l'époque du prédécesseur de M. Maudet comme ministre de tutelle des Ports Francs.

     

    On nous dit que les effectifs sont insuffisants, pour les contrôles, et qu'il faut aller les chercher à Berne, puisqu'il s'agit de l'Administration fédérale des douanes, donc du Département fédéral des Finances. C'est exact. Mais enfin, les autorités genevoises se sont-elles particulièrement démenées, ces dix dernières années, pour tirer la sonnette d'alarme auprès de la Confédération, et le faire savoir ?

     

    En vérité, l'affaire juridique monégasque de M. Bouvier a fonctionné comme un détonateur. Il s'agit sans doute de s'intéresser à cette affaire elle-même intrinsèquement. Mais, supplémentairement à cela, une vaste réflexion politique s'impose sur la réforme des Ports Francs, vers davantage de transparence et de traçabilité des marchandises. Cette entreprise de rénovation appartient à M. Hiler, mais pas seulement. Tout cela devra se faire sous contrôle politique.

     

    Il existe un Parlement, une Commission de l’Économie. Laisser le Conseil d'Etat arranger ses propres bidons avec un ancien collègue, aussi brillant soit ce dernier, ne suffit pas. Le contrôle des Ports Francs doit venir des citoyens, et de leurs représentants. C'est précisément à cela que sert un Parlement.

     

    Pascal Décaillet

     

  • M. Sarkozy et la mer, toujours recommencée

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     Sur le vif - Samedi 30.05.15 - 17.40h

     

    Les Républicains. C’est un mot magnifique. Rassembleur. Le seul qui vaille. En un peu plus de deux siècles d’Histoire de la droite française, il me peine que ce soit Sarkozy qui se pare de ce mot, mais après tout tant mieux pour lui, les autres avaient tout loisir de le faire avant.

     

    Je n’aime pas M. Sarkozy, vous le savez. Sur les sept présidents de la Cinquième, c’est celui que j’ai trouvé le moins à la hauteur de la fonction. Je dis la fonction, pas la compétence. Je reconnais son énergie, sa force de travail, il a fait ce qu’il a pu dans une période difficile. Ce que je n’aime pas, ce sont les signes orléanistes qu’il a délivrés, cette impression de génuflexion devant les forces de l’Argent : pour moi, à ce niveau-là, dans l’exigence de cette symbolique-là, ça ne pouvait pas passer, ça ne passe pas.

     

    Pourtant, je ne lui en veux absolument pas de lancer « Les Républicains ». La dénomination était apparemment vacante, il s’en est emparé, il a bien raison. C’est mille fois mieux qu’UMP, mieux que RPR, mieux qu’UDR, UNR, et même mieux que RPF. Voyez, je remonte en ma mémoire, jusqu’à ce jour de 1947 où Charles de Gaulle avait cru bon de se lancer en politique politicienne, je ne suis pas sûr que ce fût son meilleur rôle.

     

    Mais enfin, « Les Républicains », ça a de la gueule ! Il faut remonter aux Radicaux, ce très grand parti qui avait été, entre autres, celui de Clemenceau, le parti-roi de la Troisième (1870-1940), pour trouver une appellation aussi simple et belle, charpentée dans son idéologie, ancrée dans l’Histoire. D’ailleurs, en France comme en Suisse romande, les Radicaux, au début du dix-neuvième siècle, pendant qu’ils rasaient les murs sous la Restauration, on les appelait « Les Républicains ».

     

    Curieux, d’ailleurs, à quel point la droite républicaine française, si riche d’Histoire depuis 1792, a toujours, beaucoup plus que la gauche, peiné à se fixer sur un nom. Alors qu’en face, il y a depuis plus d’un siècle « les socialistes », comme il y eut longtemps « les communistes », des noms simples et parlants, les multiples familles de droite, qu’elles fussent orléanistes ou bonapartistes, ont multiplié les changements d’étiquettes, les sigles à coucher dehors, hélas souvent pour servir de chapelle – ou d’écurie – à un homme fort : de Gaulle lance le RPF en 1947, Chirac fonde le RPR en 1976, on nomme, on débaptise, à la vérité on ne fait que changer d’appellations, sur des grands courants qui, eux, n’ont guère changé depuis 1792. Le Jacobin contre la Gironde, le Montagnard contre le Modéré, quelque part le Marais, etc.

     

    On rêverait que la nouvelle appellation d’aujourd’hui corresponde à une nouvelle donne. Sans remonter à Jemappes ni Fleurus, encore moins Valmy, qui d’entre nous n’aspire à une flamme républicaine ravivée chez nos amis français ? Autour de quelques fondamentaux, comme par exemple l’Ecole, l’Education, la Culture partagée, la Transmission, la Connaissance. Lorsque la France ranime la République, par Jules Ferry au début des années 1880, par Clemenceau dès 1917, par Charles de Gaulle entre 1944 et 1946, par Mendès France en 1954-55, à nouveau par le Général en 1958, alors oui, nous les voisins de ce grand pays ami, tout en demeurant nous-mêmes, nous sentons comme un souffle puissant traverser l’Histoire.

     

    Il n’est pas sûr, hélas, que ce nom magnifique, marmoréen comme une statue dans le carré des morts, rassembleur, transcendant les clivages, ne constitue pas, pour M. Sarkozy, un costume un peu trop grand. Le costume, par exemple, de Charles de Gaulle. Lorsqu’il descendait les Champs-Élysées, en ce jour de fin août 1944, et qu’il disait « C’est la mer ! ».

     

    Oui, la mer, M. Sarkozy. La mer de Paul Valéry, toujours recommencée.

     

     

    Pascal Décaillet

     

  • Candidature Loretan : bienvenue, M. Passepartout !

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    Sur le vif - Vendredi 29.05.15 - 16.07h

     

    Raymond Loretan, 60 ans, sera donc le candidat du PDC genevois au Conseil des Etats. Dans la stratégie de la droite genevoise pour tenter d’attaquer le bastion de gauche à la Chambre des Cantons, c’est un bon choix : je connais M. Loretan depuis de longues années, nous étions à Berne en même temps, lui comme conseiller personnel de M. Koller puis comme secrétaire général du PDC suisse, moi comme correspondant parlementaire. C’est un homme de valeur, intelligent, polyglotte, connaissant très bien la Suisse : sous les lambris des Etats, il serait parfaitement à son aise.

     

    Donc, M. Loretan a parfaitement le droit d’aspirer à siéger au Stöckli, et le PDC genevois, celui de l’envoyer dans ce combat. Mais il se trouve qu’il est aussi président de la SSR. Et que nous sommes à dix-sept jours d’une votation très importante concernant cette institution. Peut-on, pendant ces dix-sept jours de campagne, demeurer à la tête de la SSR, en s’étant dévoilé comme candidat ? La question se pose. M. Loretan remet certes son mandat le 22 juin, dont acte. Disons qu’il aurait pu – ou dû – le remettre avec effet immédiat, pour clarifier les choses.

     

    Mais l’important n’est pas là. Ce qui frappe, c’est à quel point cette double casquette pendant dix-sept jours, président et candidat d’un parti aux Chambres fédérales, semble sans problème passer la rampe dans l’opinion, dès lors qu’il s’agit du PDC. Car enfin, imaginez que, dans n’importe quel canton suisse, tiens disons Zurich, le président en exercice de la SSR se fût porté candidat UDC aux Etats. Je vous l’affirme : dans les minutes qui suivaient, un concert de protestations s’élevait, pour demander sa démission immédiate de l’institution. Je dis cela pour l’UDC, mais il est bien possible que si notre homme avait été socialiste, ou même PLR, les voix auraient aussi grincé.

     

    Seulement voilà, le PDC, c’est le parti Passepartout, pour reprendre le nom de ce sympathique héros de Jules Verne. Être PDC, dans la tête des gens, c’est presque comme si on ne faisait pas de politique. C’est tellement centriste, gentil, accommodant, poli et policé, ça fait tellement partie du paysage institutionnel, que ça passe. Partout.

     

    Pourtant, le PDC suisse est un parti comme un autre. Son Histoire (sur laquelle, comme vous savez, j’ai pas mal écrit, notamment les années de résistance des catholiques conservateurs, entre 1848 et 1891) est passionnante. C’est un vrai parti, avec de belles figures, une idéologie politique bien précise. Bref, le PDC est un parti, autant que l’UDC. Autant que les socialistes. Autant que le PLR. Il se partage d’ailleurs le pouvoir avec un d’entre eux depuis 1891, deux d'entre eux depuis 1930, trois d'entre eux depuis 1943.

     

    Le problème, ça n’est donc pas la candidature de M. Loretan. C’est l’aspect passe-partout de son parti, cette capacité à passer entre les gouttes de la critique : tout ce qui vient du PDC semble normal. Voilà donc la candidature passe-partout de M. Passepartout. Quelque part, dans cet éther de notre ciel politique qui semble – sans doute par le fruit d’un miracle – échapper par nature à toute turbulence. Comme les deux héros de Jules Verne, quelque part dans le ciel du monde, dans la douce tiédeur de leur Montgolfière.

     

    Pascal Décaillet