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Liberté - Page 935

  • La droite la plus bête du monde

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    Sur le vif - Dimanche 08.11.15 - 16.47h

     

    Singulière machine que celle du système majoritaire ! Une mécanique pour élire des personnalités, plutôt que des représentants de partis. En reconduisant le duo de gauche pour quatre ans, le corps électoral d’un canton où la droite marque des points (elle l’a encore fait, il y a trois semaines, au National), a-t-il vraiment voté pour une politique socialiste et pour une politique Verte aux Etats ? N’a-t-il pas plutôt accordé sa confiance à une dynamique d’union et de victoire, derrière deux candidats loyaux et en parfait ordre de bataille ? Et du coup, refusé son soutien à un candidat, Benoît Genecand, dont personne ne nie les qualités individuelles (il est l’une des révélations de son parti à Genève, et pour un bout de temps), mais qui incarne, bien malgré lui, la droite de la désunion, celle de la discorde, celle de la pitoyable tragi-comédie du café de 10h le lundi 19 octobre, la droite la plus bête du monde ?

     

    En attendant, l’acte est commis. Les Verts, parti qui ne cesse de s’affaiblir depuis des années, au Grand Conseil (2013), au National (2015), parti qui a subi au niveau fédéral une impressionnante défaite le 18 octobre, parti qui a prouvé hier, en Assemblée générale où il s’est permis d’ouvrir le champagne, sa totale incapacité à la moindre autocritique, oui ce parti-là réussit à placer l’un des siens, pour la troisième fois consécutive, à la Chambre des Cantons. Trois semaines après avoir perdu l’un de ses deux sièges au National.

     

    Nous voilà partis pour quatre années supplémentaires de malentendus entre la délégation genevoise aux Etats et les tendances profondes de l’électorat genevois. Je veux bien que l’homme soit redoutablement habile, roublard, rusé comme un syndic radical vaudois des années Chaudet, je veux bien qu’il ait réussi, ces trois dernières semaines, à faire oublier son étiquette au profit de sa personne, le résultat est là : quatre ans de décalage, dûment légitimés par l’électorat. Il était permis (mais on ne refait pas l’Histoire) de rêver pour Genève d’une autre représentation à la Chambre des Cantons, avec au moins un représentant pour une droite qui monte, a gagné les élections au Grand Conseil, au Municipal de la Ville, et même au National, où elle a pris un siège. Eh bien non : ce sera, encore et toujours, Robert Cramer.

     

    Assurément, les discordances affichées à droite y sont pour beaucoup. En premier lieu, le ton avec lequel le PDC ne cesse de traiter un tiers de l’électorat genevois. Cela n’ira pas sans règlements de comptes, nous verrons. En attendant, la gauche rigole. Quand on a, face à soi, la droite la plus bête du monde, on ne va tout de même pas se mettre à pleurer, non ?

     

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Dolomites, 1915 : reportage bouleversant

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    Sur le vif - Mardi 03.11.15 - 15.17h

     

    Avant-hier dimanche, série de reportages historiques sur les combats, en 1915-1916, entre Italiens (qui venaient d'entrer en guerre, l'Intervento du 23 mai 1915) et Autrichiens, dans la région des Dolomites. La guerre de position, en haute montagne, pour quelques centaines de mètres carrés de terrain escarpé, à un point qu'on n'imagine pas.


    Ce reportage m'a énormément appris. Ces hommes, des deux côtés, qui se faisaient la guerre dans les régiments alpins, d'un côté ceux de l'Italie, de l'autre ceux de François-Joseph en sa dernière année de règne (1848-1916), se connaissaient avant la guerre. Nombre d'entre eux étaient guides de montagne, ils avaient les uns pour les autres respect et proximité. Au fond, des deux côtés des Dolomites, ils vivaient la même vie. Celle de mes grands-parents. Celle de tous mes ancêtres maternels à Orsières, ou paternels à Salvan.


    Le reportage est désespérant. Au sommet de la montagne, une guerre de position plus immobile encore que celle des tranchées, à Verdun ou dans la Somme. On s'enterre dans la roche, on creuse des kilomètres de galeries, mais pas à la dynamite à cause du bruit qui vous fait repérer, on laisse le minimum de fenêtres dans la paroi pour placer une mitrailleuse. Et puis, pendant des semaines, des mois, on attend.



    Cette étape de la guerre, malgré l'héroïsme des uns et des autres, n'a servi à rien. Ce que les Italiens ont gagné, ou préservé, ils ont dû le restituer aux Autrichiens après le désastre de Caporetto, en 1917. Et puis, après l'Armistice de 1918, ce sont des accords politiques qui leur ont finalement rendu ces régions.


    Ce reportage, visionné avant-hier soir, me poursuit depuis 48 heures. Des hommes incroyablement courageux, réunis dans une connaissance intime de la montagne, menant une guerre oubliée de nos jours, peu connue, sauf j'imagine en Italie et en Autriche. Une guerre d'apparence inutile. Mais des hommes, tout de même, qui se sont battus dans les conditions épouvantables de l'hiver 1915-1916, l'un des plus glaciaux du siècle.



    Désormais, chaque fois qu'en Italie, je croiserai un Chasseur alpin (vous savez, avec la belle plume au chapeau), je penserai à ces hommes-là.



    Et puis, pendant tout le reportage, diffusé au soir de la Toussaint, à quelques heures du Jour des Morts, j'ai pensé à mon père. Jeune ingénieur, en 1942, c'est lui qui a construit le Fort d'Artillerie de Champex. En préparation du même type de guerre que celle de 1915. Dieu merci, elle ne s'est pas produite.

     


    L'Histoire m'habite, jour et nuit.

     

     

    Pascal Décaillet

     

  • Le diable est-il collégial ?

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    Sur le vif - Samedi 31.10.15 - 18.48h

     

    Les journalistes SSR, les journalistes Ringier, les journalistes Tamedia, ainsi que 95% de mes chers confrères de ce pays, s’égosillent à nous brosser hargneusement le portrait-robot du deuxième conseiller fédéral UDC, à partir du 9 décembre prochain. A les lire, ou les entendre, ce futur élu doit certes venir des rangs de l’UDC (ils sont déjà bien gentils d’en convenir), mais à un détail près : sur le fond, il doit être tout, sauf UDC !

     

    Ils ne cessent de nous répéter, ces chers éditorialistes, que la perle rare doit être « collégiale ». Argument singulier. Car enfin, que la personne soit « collégiale » ou non, c’est l’affaire de qui ? Du collège ! C’est un critère totalement interne au fonctionnement du septuor, lequel, croyez-moi, relève d’une chimie tellement aléatoire qu’elle ne dépend jamais d’un seul facteur.

     

    L’argument « Blocher pas collégial » a été lancé, placé sur orbite marketing, rabâché en boucle, dans la législature 2003-2007, par l’entourage d’un conseiller fédéral radical valaisan pour qui il y avait, dans la cour, un coq de trop. C’était cela, tout le monde le sait, le vrai problème. Il fallait cet échauffement des esprits, pendant des mois, en amont du 12 décembre 2007, pour donner une assise de justification à l’éviction du Zurichois.

     

    Oh certes, Blocher n’était pas un homme facile au sein du collège. Mais enfin, vous pensez que Couchepin en était un ? Ou Mme Calmy-Rey ? Ou, plus tôt, Mme Dreifuss ? Ou Jean-Pascal Delamuraz, admirable, quand il combattait la loi sur le travail, qu’il jugeait trop libérale ? Ou M. Stich ? Et puis, dans tous les cas, cette histoire de « collégialité », c’est une affaire interne à la chimie du collège : les proportions que l’argument prend chez les commentateurs trahit en fait leur haine totale, qu’ils feraient mieux d’avouer franchement, du premier parti de Suisse.

     

    Du coup, sous le prétexte de « collégialité », la grande masse des commentateurs du pays n’en peut plus d’exiger, pistolet sur la tempe du parti qui vient de sortir premier des élections (donc, de recevoir un signal fortement positif de l’électorat), que l’heureux élu du 9 décembre soit tout, sauf UDC. Il faudrait qu’il soit ouvert à la libre circulation, alors que le credo de son parti dit exactement le contraire. Il faudrait qu’il se montre souple, arrangeant, sur la mise en application du 9 février 2014, alors qu’il provient du parti qui a remporté cette votation. Il faudrait, en un mot, qu’il abdique le sens de son engagement politique jusqu’ici, et s’aligne immédiatement sur les positions des cinq non-UDC du Conseil fédéral.

     

    Cette exigence, face à un parti qui vient de remporter un résultat historique aux élections, est tout simplement surréaliste. Elle révèle, dans l’univers médiatique suisse, une mortifère tendance au déni volontaire de réalité. Une preuve de plus que le champ journalistique du pays doit, lui aussi, évoluer. En laissant vivre, éclore et s’exprimer, en Suisse romande notamment, une ligne de pensée capable de traduire les préoccupations du tiers de l’électorat pour qui le vote conservateur n’est pas nécessairement le diable. D’ailleurs, le diable est-il collégial ? Vaste question, non ?

     

    Pascal Décaillet