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Liberté - Page 559

  • Mariss Jansons (1943-2019) : dépossession d'une âme

     

    Sur le vif - Dimanche 01.12.19 - 12.36h

     

    Mariss Jansons ! Le monde de la musique perd l'un des plus grands chefs de notre époque. J'apprends à l'instant son décès, ce matin à Saint-Pétersbourg, à l'âge de 76 ans. Coïncidence : hier soir, je regardais encore la Dame de Pique, de Tchaïkovski, texte de Pouchkine, sous sa direction, sur Mezzo.

    Il y a 23 ans, à Oslo, il avait été foudroyé par une attaque cardiaque, alors qu'il dirigeait la Bohème. Il s'en était remis. Il avait repris le chemin des pupitres.

    Incroyable destin que celui de ce petit garçon, né en 1943 en Lettonie, et qui avait été caché pour échapper à la déportation.

    Incomparable, aussi, la tenue et la renommée qu'il avait données au Concertgebouw d'Amsterdam. Puis, à l'Orchestre de la Radio Bavaroise. Sans compter la fougue de ses Concerts du Nouvel-An, à Vienne. Un très grand, oui.

    De ce spécialiste de la musique russe, mais aussi de Mahler, Dvorak, Bartók, et tant d'autres, je retiendrai, outre son génie dans la compréhension des œuvres, la capacité d'expression de son visage, la beauté, vive, pénétrante, immédiate, de son regard.

    Nous nous sentons, en ce dimanche, tout aussi dépossédés d'une âme que lorsque nous quittèrent, ces dernières années, des gens comme Claudio Abbado (2014), ou Nikolaus Harnoncourt (2016).

    Quoi de plus saisissant que la singularité d'un être, dans le fracas du monde ?

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Vital, la simplicité des Justes

     

    Sur le vif - Vendredi 29.11.19 - 16.05h

     

    C'était un homme long et mince, jusqu'à flotter parfois dans son complet, avec dans le visage un mélange de nostalgie et de joie d'être au monde. Il avait la parole douce des apartés, la chaleur souriante des conciliabules, il vous prenait par le bras et c'était le Conclave.

    Vital Darbellay, qui nous quitte à 90 ans, c'est une conscience politique et sociale de l'Histoire du Valais. L'un des ultimes descendants de la Doctrine sociale de Léon XIII, cette Encyclique Rerum Novarum de 1891, qu'il connaissait à fond, et qui avait constitué la première grande tentative de réponse non-marxiste aux questions posées par la condition sociale des ouvriers, dans les conditions épouvantables du monde que nous décrit Zola. Le but du travail, nous dit Léon XIII, c'est d'épanouir l'humain, lui permettre d'éclore auprès de ses proches : sa famille, ses amis, ses collègues. C'est cela, et non la recherche du profit pour le profit.

    Nous sommes dans une école de pensée qui fut, depuis l'enfance, matricielle pour votre serviteur, s'éloignant tout autant du capitalisme que du marxisme. D'aucuns, aujourd'hui, peinent à saisir cette troisième voie. Du Sillon, de Marc Sangnier, à la Revue Esprit, d'Emmanuel Mounier, elle est pourtant l'une des voies du salut, pour défendre la dignité des hommes et des femmes, sur cette Terre.

    Conscience politique du christianisme social valaisan, l'aile jaune pour faire court, celle qui porte les couleurs du travail, de la famille, et d'un immense souci de cohésion sociale entre les humains, Vital (quel sublime prénom, qui porte en lui le souffle et l'esprit !) est à mes yeux celui qui, dans le dernier demi-siècle, a le mieux incarné cette philosophie. Chez ces gens-là, sans qu'il soit besoin de défiler le 1er Mai, on considère qu'un être humain en vaut un autre, quel que soit son genre, la couleur de sa peau, son statut social. C'est cela, Léon XIII. Et c'était cela, la secrète douceur de Vital Darbellay.

    Vital fut un très grand Valaisan de l'après-guerre. Au même titre qu'un Maurice Chappaz ou un Pascal Couchepin. Président des Syndicats Chrétiens pendant vingt ans, conseiller national de 1979 à 1995, il était le Président du Groupe PDC de l'Assemblée fédérale lorsque je suis arrivé à Berne, comme correspondant, il y a presque trente ans. Il m'a immédiatement accueilli comme un frère. Il me parlait de ma famille, en Entremont, de mes oncles, d'Orsières, de Liddes, de Martigny, de la région du Saint-Bernard, de la Vallée du Trient. Il me parlait toujours avec cette douceur des chuchotements, comme s'il me confiait un secret de confessionnal. Il eût été, dans quelque monastère perdu de la Jérusalem Céleste, un Prieur incomparable.

    Lorsque j'ai appris son décès, en début d'après-midi, m'est remontée l'émotion de tant de souvenirs. Celle de cette haute silhouette, aperçue encore ces dernières années dans des églises, lors du dernier adieu à des gens de ma famille. Celle, plus lointaine, qui arpentait avec la simplicité des grands, et le sourire des Justes, la Salle des Pas perdus du Palais fédéral. Il cherchait, je crois, quelqu'un à qui parler. Si souvent, Dieu merci, je fus son homme.

    A sa famille, à tous ses proches, à son neveu Christophe, j'adresse mes sentiments et amitiés. Le Valais perd un homme grand. Et un grand homme.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Oser affronter le tabou démographique

     

    Sur le vif - Vendredi 29.11.19 - 08.17h

     

    Bien entendu que Genève doit revoir son modèle de croissance ! En commençant par aborder frontalement le tabou de son nombre d'habitants dans trente ans. Ce dernier ne saurait rompre l'équilibre entre territoire et humains qui l'habitent.

    On ne peut, à l'infini, bétonner le canton, sous prétexte d'élévation du nombre de ses habitants. Comme si ce dernier facteur était inéluctable. Comme si le politique devait demeurer inerte face à l'inflation démographique.

    L'initiative Ecopop, que pour ma part j'avais votée, posait exactement cette question-là. En faire l'économie, y compris dans la gestion des flux migratoires, c'est rouler à la catastrophe.

    L'avenir n'appartient ni au libéralisme du libre-échange et du profit immédiat, ni aux rêves de la gauche immigrationniste. Mais à des sociétés humaines soucieuses d'équilibre et de mesure, protégeant en priorité leurs citoyennes et citoyens, à l'intérieur d'un périmètre dont elles ont la responsabilité.

    Les réalités tangibles du local, plutôt que l'abstraction spéculée de l'universel. Partout en Europe, cette aspiration monte.

    Notre canton, notre pays, ne sont pas extensibles à souhait. Nous avons la responsabilité, pour les générations futures, d'en gérer la démographie en fonction de nos choix politiques, et non en laissant faire les seules lois du marché.

    La frontière protège le faible, le sédentaire ! Le nanti, le cosmopolite, se rient des frontières !

    Le combat pour une croissance qualitative passe par un principe incontournable : régulation des flux migratoires.

    Exactement ce que le peuple suisse a voulu le 9 février 2014. Et qui n'a jamais été mis en application.

     

    Pascal Décaillet