Sur le vif - Vendredi 06.03.20 - 15.51h
Fantastique ! On demande expressément aux personnes de plus de 65 ans de "réduire au minimum leurs visites dans les EMS et les hôpitaux" !
Ca signifie quoi, cette gérontophobie ? Si tu as plus de 65 ans, tu évites "au maximum" de fréquenter un hôpital ! Alors tu fais quoi, si tu es malade ? Tu restes chez toi, seul, à pourrir ? Tu te drapes de silence ? Tu attends la mort, dans ton superbe isolement ? Tu évites de contacter ton médecin, de peur de déranger, d'être de trop ? Mais tes primes, bien sûr, tu continues à les payer, en bonne poire, bien mûre, prête à la chute finale !
Et puis, quoi, "éviter au maximum" les EMS ? Mais bordel, les pensionnaires, ce sont avant tout des gens de leur génération qui viennent leur rendre visite. Leurs vieux amis. Ceux de leur âge, qui ont grandi avec eux, fréquenté les mêmes écoles, ceux qui se sont naguère aimés, qui furent amants, jaloux, réconciliés, ceux qui avec eux ont vu le monde changer, contemporains, comme le décrit si bien Annie Ernaux, dans "Les Années".
Alors non, il faudrait que les vieux aient la délicatesse d'éviter de fréquenter d'autres vieux. Il faudrait qu'ils aient la sagesse de demeurer chez eux, raser les murs en faisant leurs courses, en dehors des heures de pointe, surtout n'approcher personne, ne saluer personne.
Saloperies de directives. L'hygiène, oui. La discipline collective, oui. Les précautions d'usage, oui. Mais pousser le bouchon, dans un communiqué qui eût faire rougir le Camus de la Peste, jusqu'à ostraciser de la Cité la personne âgée, déjà scandaleusement mise à l'écart par notre société de profit, là il faut réagir ! Et les courageux, qui ont édicté ces directives, ils n'ont pas, eux, la plus élémentaire des hygiènes : celle de signer.
La précaution, oui. La mise à l'écart, froide et sans âme, de toute une catégorie de population, c'est NON, NON, et NON !
Pascal Décaillet