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Liberté - Page 556

  • Quelques mots à propos du PS genevois

     

    Sur le vif - Mardi 10.12.19 - 10.20h

     

    Le socialisme est une grande philosophie politique, je l'ai étudiée à fond, notamment dans son Histoire allemande, suisse et française. De l'Allemand Willy Brandt au Bâlois Hanspeter Tschudi, certains sociaux-démocrates font partie de mon panthéon personnel.

    A Genève, le parti socialiste nous a donné deux hommes d’État, André Chavanne (1961-1985) et Christian Grobet (1981-1993). Que l'on partageât ou non leurs options, ces deux-là avaient le format ; le premier, par l'envergure intellectuelle ; le second, par le courage, la puissance de travail, l'intégrité, l'intransigeance.

    Le socialisme genevois fait partie, totalement, de notre paysage politique. Il est dans notre Histoire, dans notre présent, sans doute dans notre avenir. Avec les socialistes, je diverge totalement sur certains points (nombre de postes à l’État, fiscalité, etc.), et converge sur d'autres (Caisse unique, Caisse publique, réforme des retraites vers plus de mutualité). Je ne suis assurément pas socialiste, loin de là, mais je les respecte.

    A Genève, le socialisme vaut infiniment mieux que ses querelles internes. Comme tout appareil trempant dans le pouvoir, il a ses églises et ses paroisses, ses fidèles et ses infidèles, ses dogmatiques et ses hérétiques, son système de prébendes et de clientélisme, ses hobereaux, ses féodaux, ses fermiers généraux.

    Ce qui, de l'intérieur, l'a corrodé, ce ne sont pas les divergences idéologiques, par exemple entre sociaux-démocrates et gauche plus radicale. Non, c'est tout simplement le pouvoir. Oui, cette saloperie de pouvoir qui, toujours et partout, quels que soient les hommes et les femmes, dissout les liens, corrompt les âmes.

    Paradoxe : deux personnages de la crise actuelle sont justement des hommes d'une rare qualité. D'abord, le partant, Jean-Charles Rielle, infatigable militant, homme de coeur et d'enthousiasme, doté d'une vivifiante chaleur humaine, et d'un sourire qui dit oui à la vie. Et puis, l'actuel président, Gérard Deshusses. Un homme de sagesse et de culture, un conciliateur. Une envergure intellectuelle et spirituelle dont Genève a besoin.

    Je ne suis pas socialiste, mais ne suis pas insensible, non plus, à l'âme des gens. Une idéologie ne sera pas sauvée par la sainte géométrie de ses angles. Mais par la richesse humaine, imparfaite et périssable, mais sublimant la vie, de ceux qui la portent.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Les rails du désir

     

    Commentaire publié dans GHI - 04.12.19

     

    Jamais, dans l’Histoire de Genève, un tronçon ferroviaire n’aura été à ce point chouchouté par les autorités ! Le CEVA, alias Léman Express, qui sera inauguré jeudi 12 décembre, jour de l’Escalade, attendu depuis plus d’un siècle, aura fait fantasmer notre classe politique, comme nul autre objet du désir.

     

    Tiendra-t-il ses promesses ? Ces rutilantes rames transfrontalières, parviendront-elles à dissuader nos amis frontaliers de prendre leur véhicule, et venir engorger Genève ?

     

    Si la réponse est oui, nous aurons à nous en féliciter. Si, par malheur, elle devait s’avérer négative, ou même moyennement convaincante, alors il conviendra de tirer le bilan de quinze années de promesses mirobolantes, soutenues par une idéologie transfrontalière camouflant les appétits de croissance de petits profiteurs locaux, taraudés par l’aubaine d’une main d’œuvre moins regardante sur les salaires.

     

    Car le véritable enjeu du CEVA, ça n’est pas le train. Ce dernier, sympathique par excellence, n’est que l’appât. Non, l’essentiel, c’est le combat homérique pour ou contre la libre circulation des personnes, dans le cas précis d’un bassin transfrontalier. Les wagons du 12 décembre ne sont qu’un prétexte. Au centre de tout, il y a notre rapport à la frontière, à la souveraineté, à la préférence indigène. C’est cela, la vraie Histoire du CEVA. A l’heure où va tambouriner la propagande des rites inauguraux, un minimum de lucidité et d’esprit de résistance n’est pas de trop.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Macron n'a de jeune que son âge

     

    Sur le vif - Dimanche 08.12.19 - 15.29h

     

    "Cinq ans de répit pour l'Ancien Monde", titrais-je, ici même, à la minute de l'élection d'Emmanuel Macron, en mai 2017. Je qualifiais d'archaïque un homme jeune, dynamique, intelligent, qui venait de mener une campagne d'enfer, bousculant toute la classe politique française.

    Paradoxe ? Non, pas du tout. Macron n'a de jeune que son âge. En réalité, il était, en ce printemps 2017, le candidat d'un ordre libéral, qui, partout en Europe, s'effondre. Soutenu par la haute finance internationale, porté au pouvoir pour la rassurer, il n'a eu de cesse, depuis son élection, de défendre la féodalité cosmopolite contre tout ce qui pouvait lui porter atteinte. Sourd aux cris de justice fiscale des Gilets jaunes, insensible à leur volonté d'établir une forme française de démocratie directe, il a dit non à tout. Moderne dans son apparence, ancestral dans la réalité de son pouvoir.

    Il a dit non à la justice fiscale, continuant de surprotéger les puissants, parachevant l'écrasement de la classe moyenne. Il a dit non à la réforme de la démocratie, s'accrochant à un modèle représentatif, avec des corps intermédiaires, qui partout en Europe s'essouffle et s'effondre. En fait, il défend "son" Parlement, entendez la majorité de godillots de son fan's club, élus dans la foulée de son élection. Oh, de Gaulle, oui le grand de Gaulle, avait fait exactement la même chose en 1958, et Mitterrand en 1981. Le Parlement, en France, est Chambre d'obédience, sauf en cohabitation.

    Alors, quoi ? Alors, Macron a rendez-vous avec 2022. Là, il aura face à lui la grande coalition des colères. Classes moyennes, étouffées. Citoyens, citoyennes, jamais écoutés. Paysans, moribonds. Petits artisans, méprisés. Travailleurs pauvres, sans avenir. Patriotes, attachés à la nation, ennemis de toute délégation à un empire. Souverainistes, pour qui la fierté nationale a encore un sens. Cette France-là, face à lui, il faudra la juger sur son résultat chiffré, en valeur absolue.

    Et lui, face au Commandeur, demeurera-t-il muet ? Tentera-t-il le feu ? Un rendez-vous de destin, où il n'y aura plus ni jeunesse ni vieillesse, ni modernité ni archaïsme. Mais juste la vérité, face à l'Histoire, d'un peuple. Celle, aussi, d'une très grande nation, celle qui, voici 230 ans, donnait à l'Europe une leçon en s'affranchissant de l'Ordre ancien. Puis, l'An II, en versant son sang, sur tous les champs de bataille de l'Europe, face à toutes les coalitions conservatrices, pour affirmer ses valeurs nouvelles.

     

    Pascal Décaillet