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Liberté - Page 552

  • L'Europe, une fois les masques tombés

     

    Sur le vif - Dimanche 22.12.19 - 19.01h

     

    L'Europe politique, ça n'existe pas. Ça n'a jamais existé, même à l'époque carolingienne, même au moment de l'épopée napoléonienne, mille ans plus tard. D'ailleurs, ni la construction de Charlemagne, très vite dépecée par les querelles d'héritage, ni celle de Napoléon, n'ont duré. Le Troisième Reich, n'en parlons pas.

    Alors, quoi ? Alors, il y a, par moments, des poussées d'alliances, entre certains pays du continent. Ce qu'on appelle "construction européenne", après la guerre, ce fut le besoin, principalement pour la France, de se servir à vil prix du charbon et de l'acier allemands, dont la production était demeurée parfaitement intacte, malgré les bombardements. Ce que les Alliés, anglais et américains, avient détruit à dessein, c'est la ville allemande, je me suis déjà exprimé sur le sujet dans ma Série de 2015. La ville, les usines ; mais les mines sont sous terre, ils étaient bien contents d'en prendre le contrôle.

    De cette "mise en commun" du charbon et de l'acier, qui allait à vrai dire dans un seul sens, et constituait la même prévarication, envers l'Allemagne vaincue, que les fameuses "Réparations" d'après 1919, est née une première structure prometteuse, avec l'Italie et le Bénélux, à partir du Traité de Rome (1957). Mais à vrai dire, sans de Gaulle et Adenauer, le Traité de l'Elysée (1963), sans cette Réconciliation des cœurs et des âmes, la construction européenne en serait restée au stade d'accords de libre échange industriels.

    Mais cette étape, capitale, ça n'est pas l'Europe politique. C'est juste un très beau, un très grand moment de l'Histoire franco-allemande, pour mettre fin à un siècle et demi de combats. Occupation de la Prusse par Napoléon (1806-1813), puis 1870, 1914, 1940. Le fondement même de la Cathédrale européenne d'après-guerre ne concerne que deux grandes nations, sur le chemin de la paix. Cette première période, jusqu'à la chute du Mur de Berlin (1989), est belle, enthousiasmante. Dans mon Tagebuch, rédigé en Allemagne en 1974, j'accueillais avec joie et espoir cette réconciliation.

    La chute du Mur scelle la fin de cette période héroïque, pour la simple raison qu'elle en inaugure une autre, qui sera celle de la renaissance de la puissance allemande. Helmut Kohl phagocyte la DDR avec une rare vulgarité, il mène dans les Balkans (en guerre) une politique purement allemande, il jette ses regards vers les marchés d'Europe centrale et orientale, c'en est fini de la gentille Allemagne en rédemption, l'instinct dominateur revient. Pendant ce temps, la France s'affaiblit. Aujourd'hui, face à l'Allemagne, elle ne fait simplement plus le poids.

    Il n'existe pas d'Europe politique, il n'y en a jamais eu. Il y a eu des comportements de trêves et de retrouvailles entre poids-lourds, naguère belligérants. On a agglutiné à une construction abstraite des pays d'Europe centrale et orientale, qui n'y voyaient que l'aubaine de se sortir des griffes de l'Ours russe, mais le mouvement pourra parfaitement, le jour venu, se renverser.

    Il faut cesser de parler d'Europe politique. Il faut lire les événements du continent en fonction ces rapports de forces entre les grands. La France et l'Allemagne, bien sûr, mais aussi la Russie, le monde anglo-saxon. Pour cela, il faut qu'advienne enfin la nouvelle génération d'observateurs politiques : ceux qui, dégagés des mirages multilatéraux, savent décoder l'intérêt bien senti de chaque nation, une fois tombés le jeu des masques et le galimatias des vaines paroles.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Ostpolitik : l'Allemagne choisit son destin

     

    Sur le vif - Samedi 21.12.19

     

    L'Allemagne n'a strictement aucune leçon à recevoir des Américains sur son approvisionnement en énergie. Ni, d'ailleurs, sur quoi que ce soit.

    Trois quarts de siècle d'atlantisme en Europe, particulièrement ravageur sur le destin allemand, ça suffit. Il est temps, largement, que l'Allemagne retrouve le souffle d'un Willy Brandt, celui d'une Ostpolitik des intelligences et des âmes, fondée sur l'Histoire, surtout pas la gloutonnerie vulgaire d'un Kohl, lorsqu'il a avalé d'un coup la DDR, pour lui injecter de force les capitaux de l'Ouest.

    L'Allemagne a raison de regarder vers l'Est pour une partie de ses ressources énergétiques. Et à l'Est, c'est comme ça, il y a un très grand pays, qui s'appelle la Russie. Les nouveaux dominions américains de l'Europe orientale (qui sont dans l'Otan, et n'ont rien à y faire) s'inquiètent de cette collaboration germano-russe. Vieille Histoire, constamment rejouée, sans cesse recommencée. Renseignez-vous sur la Guerre de Sept Ans (1756-1763), vous verrez.

    Les enjeux continentaux sont du ressort des pays du continent européen. Et non d'une grande puissance impérialiste, située au-delà d'un océan, 6000 kilomètres à l'Ouest.

    Et quand on pense que les partisans de l'Union européenne (laquelle, cette fois bien inspirée, condamne l'ingérence américaine) sont les premiers à trouver parfaitement normale l'inféodation de notre continent à l'Oncle Sam !

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Le parti de l'étranger

     

    Sur le vif - 19.12.19 - 08.50h

     

    Hallucinant communiqué du PLR suisse qui, face à la montée de l'idée protectionniste en Suisse, parle - c'est même son titre - de "peur irrationnelle de l'étranger".

    Il n'y a ni peur, ni absence de raison. Il y a, au sein du peuple suisse, la prise de conscience, parfaitement argumentée et rationnelle, de l'impérieuse nécessité de protéger d'abord les siens. Protections douanières pour éviter l'invasion de produits concurrentiels pour notre agriculture et notre viticulture. Rééquilibrage du marché intérieur par rapport aux exportations. Priorité aux PME de notre pays. Contrôle des flux migratoires, ce qui ne signifie pas fermeture des frontières.

    À cela s'ajoute le souci de cohésion sociale et de solidarité. Notre petit pays doit s'occuper de lui-même, quitte à se pavaner un peu moins à l'international. Il doit penser aux siens, à son peuple, en priorité. Il doit réinventer ses assurances sociales, baisser les coûts de son système de santé, à commencer par les primes d'assurance maladie. Il doit redéfinir l'impôt, cesser de ponctionner à ce point le travail. Il doit faire baisser la pression sur les classes moyennes.

    Le communiqué du PLR, en parlant de "peur", tente de médicaliser l'adversaire, comme si ce dernier était atteint dans son équilibre mental. J'invite le PLR, parti responsable, à ne pas devenir le parti de l'étranger.

    À ne pas devenir le parti étranger aux souffrances et préoccupations du peuple suisse.

     

    Pascal Décaillet