Sur le vif - Mardi 24.12.19 - 10.39h
Le secret de la Cathédrale européenne érigée par de Gaulle et Adenauer, au début des années 60, c'est à la fois la beauté d'une réconciliation, et l'équilibre des puissances entre la France et l'Allemagne.
De Gaulle est un germanophile, depuis toujours. Il combat l'Allemagne à deux reprises, mais il admire en profondeur cette civilisation. Lisez les Lettres, Notes et Carnets : même en captivité en Silésie, entre 1916 et 1918, le champ de références est là, qui l'inspire.
De même, le Rhénan Adenauer, ancien Maire de Cologne, totalement insensible à l'Ostpolitik (c'est la grande limite du personnage), aime et respecte la France. Les deux hommes, sur les décombres de trois guerres (1870, 1914, 1940), sont faits pour s'entendre. Au crépuscule de leurs vies, ils veulent léguer ensemble quelque chose de beau et de fort. Ce sera le Traité de l'Elysée, en 1963, la pierre angulaire de la construction européenne.
Aujourd'hui, jamais la France, peut-être depuis la Libération, ne s'est portée aussi mal, en matière économique et sociale. Elle n'a plus un sou. Elle n'a plus les moyens de ses politiques publiques. La CGT la paralyse et la prend en otage. Des centrales syndicales, aux pouvoirs et aux méthodes inchangés depuis 1944, font la loi. Le Code du Travail est d'une complexité inextricable. La République, en certains quartiers, n'est plus souveraine.
Face à ce désastre, une Allemagne "réunifiée" depuis 1990. Des gens au travail. Entre syndicats et patronat, une collaboration intelligente et constructive, qui date de Bismarck, et a fonctionné depuis sans interruption - je dis bien "sans interruption". Un rapport positif au monde du travail, enthousiaste souvent. De grandes difficultés, certes, en Saxe, en Prusse, en Thuringe, liées à la politique migratoire insensée de Mme Merkel en 2015, mais cela se résorbera.
L'équilibre des années de Gaulle - Adenauer n'est plus. La France est aujourd'hui un pays profondément affaibli. L'Allemagne, elle, va son chemin. Elle poursuit un itinéraire de renaissance entamé entre 1740 et 1786 par l'immense Frédéric II de Prusse, principalement depuis la Guerre de Sept Ans (1756-1763).
Ce chemin, depuis deux siècles et demi, est ininterrompu. Rien, ni l'occupation de la Prusse par Napoléon (1806-1813), ni le Traité de Versailles (1919), ni même la destruction du pays en 1945, n'a pu l'arrêter. Même le 8 mai 1945 n'est, dans l'Histoire allemande, qu'une défaite d'étape.
Le problème no 1 du continent européen aujourd'hui, ça n'est pas l'Angleterre, pays périphérique au continent. Non, c'est la rupture brutale, violente, sans retour ni recours, de l'équilibre entre la France et l'Allemagne. Comme si la voûte, dans la Cathédrale, commençait à faillir.
Que l'Europe demeure ou s'effondre, ne dépend pas de la machine à pondre des directives à Bruxelles. Mais de l'équilibre des forces entre la France et l'Allemagne. La rupture de cet équilibre, c'est la fin du modèle de l'après-guerre. La puissance tellurique des nations survivra aux constructions abstraites et intellectuelles des cosmopolites. Ces derniers, face à l'Histoire, auront des comptes à rendre. L'ardoise sera salée.
Pascal Décaillet