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Liberté - Page 550

  • Les élus : des citoyens comme les autres !

     

    Sur le vif - Dimanche 29.12.19 - 11.06h

     

    Toutes les citoyennes, tous les citoyens qui se sentent insultés peuvent saisir la loi. Et c'est très bien ainsi.

    Pas question de créer un statut spécial pour protéger les élus.

    Les élus ne sont pas une caste à part. Ils sont des citoyennes, des citoyens, parmi d'autres, choisis par le corps électoral pour accomplir une tâche législative.

    Ils sont cela, et rien d'autre. Ils ne doivent bénéficier d'aucun privilège, d'aucun traitement spécial, qui les différencieraient du corps des citoyens.

    Au demeurant, le débat politique ne leur appartient pas. Pas plus qu'à l'ensemble des citoyennes et citoyens. Ils sont juste là pour faire des lois. Si ces lois nous déplaisent, nous les attaquons en référendum. Ils sont là, aussi, pour appliquer sans détour la volonté du peuple, lorsqu'il s'est exprimé par voie d'initiative.

    On fait beaucoup trop de cirque, en Suisse, autour des élus. On leur accorde beaucoup trop d'importance, au détriment du fond, au détriment des thèmes.

    La démocratie directe (dont je souhaite le renforcement) met en avant les thèmes. La démocratie représentative laisse une place démesurée à l'exposition de personnes, qui sont juste des citoyens comme les autres, délégués pour accomplir un boulot législatif. La parole ultime devant toujours revenir au suffrage universel.

    La pierre angulaire de notre démocratie suisse, c'est le citoyen, la citoyenne. En aucun cas, l'élu.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Glôzu, pour toujours

     

    Sur le vif - Samedi 28.12.19 - 17.29h

     

    Les tenanciers d'estaminets, rue de la Tour-Maîtresse, au tout début des années 80, entretenaient à la poésie et à la musique un rapport relativement discret. Non qu'ils fussent des brutes, mais enfin, lorsque vous êtes cinq ou six copains accoudés à un bar, en fin de soirée, ruminant vos nostalgies, l'évocation de Verlaine ou de Paul Fort n'est peut-être pas toujours la première de vos conversations.

    Il y avait là un bar, qui s'appelait le Corona, entre un restaurant chinois et un cabaret. Le maître des lieux avait une guitare et un piano, un nez rouge, des histoires à revendre, un smoking, il nous chantait Syracuse, de Bernard Dimey. Il avait une voix d'or, à peine atteinte par la clope, une âme de crooner, un regard tendre, complice, allumé par les choses de la vie. Il avait fait une incroyable première partie de Patrick Sébastien, à l'ONU, sous le nom de Thierry Madison : il avait passé son temps à nous baratiner, promettant l'imminence d'un numéro de jonglage, qui ne s'est jamais produit. Son vrai nom, c'était M. Glauser. Son nom, pour la vie et pour la gloire, c'est le Père Glôzu.

    Il y a les tenanciers de bar qu'on oublie, et ceux qui marquent la légende. Infiniment drôle, mais inquiétant, comme tous les clowns. L'homme aux mille tours, comme Ulysse. Capable, à tout moment, d'exploser la conversation en feu d'artifice. Il raconte. Il imite. Il mime. Il campe les personnages, dessine le décor, nous amène à la chute. L'écouter, c'était descendre le Zambèze.

    Et puis, il y avait Syracuse. Nul, mieux que lui, ne l'a chantée. C'était le tube de la soirée, la star le savait, et c'était Babylone, l'île de Pâques et Kairouan.

    Seulement voilà, la jeunesse s'use. Glôzu a quitté la Tour-Maîtresse il y a très longtemps, pour se lancer dans l'aventure, beaucoup plus connue, mythique, du Café de l'Hôtel-de-Ville. Il y fut un hôte incomparable, avec ses casquettes, son uniforme de l'armée soviétique (qu'il arbora jusque sur le plateau de GAC !), ses photos-souvenirs, mais avant tout, son exceptionnelle capacité narrative. Des histoires, encore des histoires, à n'en plus finir : sans doute son mandat comme cuisinier formateur dans une Ecole d'Hôtellerie de Corée du Nord (sic !), via un transit dantesque par Moscou, au pire moment de la Guerre froide, avec les élèves qui se prosternaient devant lui, en baissant les yeux, figure-t-il au panthéon de ce que la faconde genevoise aura été capable d'engendrer.

    Jean-Yves Glauser, alias le Père Glôzu, emporte avec lui le mystère des clowns. Cet être rare avait la grâce infinie de ne jamais se plaindre, ni laisser poindre l'écume de ses humeurs. Mais vous accueillir, vous amuser, vous distraire, vous faire pleurer de rire. Ce don, ici-bas, n'est pas si répandu. Il se dit que Calvin lui-même, s'il l'avait connu, eût sans doute explosé de la joie des humbles. Comme une promesse de paradis.

    A sa famille, à ses proches, à ses amis, une immense sympathie. Un grand Genevois nous a quittés.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Genève est un théâtre

     

    Commentaire publié dans GHI - 23.12.19

     

     

    Il aura suffi, en ce matin du jeudi 19 décembre, à portée du solstice et de Noël, d’une subite vague de brume pour enrober Genève de mystère et de beauté. La matinée, fort belle, avait commencé par le soleil, cette boule de feu dont les Genevois, depuis un ou deux mois, avaient comme oublié l’existence. Et puis, très vite, une épaisse couche de brouillard. Et puis encore, le soleil qui réapparaît, joue à cache-cache avec les nimbes, se laisse entrevoir derrière l’opacité, tout cela en seconde partie de matinée.

     

    Genève est un théâtre. Natif de cette ville, j’ai la chance, six décennies après, d’habiter le quartier de mon enfance. Il est celui du lac, des parcs incomparables, de cèdres centenaires, de l’allée des séquoias, des serres du Jardin botanique. A ces lieux de sève et de vie, mon attachement est viscéral. A supposer – hypothèse d’école – que je devienne fou, je n’en finirais plus de promener ma douce démence au milieu de ce paradis, une fois perdu, mille fois retrouvé.

     

    Mais là, en cet ultime jeudi d’automne, la magique transparence du brouillard, la célérité de son irruption, l’effet de surprise, tout cela a donné au théâtre Genève la valeur ajoutée d’un décor. Cette brume n’avait rien de triste : elle nous encensait, elle nous maternait, elle nous souriait, à la manière d’une Madone. Je suis très fier d’être enfant de cette ville, et de ces lieux. C’est en eux, et aussi dans mes montagnes valaisannes, que je puisse mon énergie.

     

    Pascal Décaillet