Sur le vif - Jeudi 02.01.20 - 01.51h
2 janvier 1970 : il y a, jour pour jour, un demi-siècle, je me cassais tibia et péroné, peu avant 17h, autant dire à la tombée de la nuit, à l'issue d'une journée de ski commencée à 9h, à Verbier, avec mon père, au cours de laquelle j'avais fait trois fois le Mont-Gelé. Et puis, tout en bas, au Rouge, la piste pour débutants, juste avant de rejoindre notre chalet, un ruisseau, la fixation qui ne s'ouvre pas, et voilà le Père Décaillet, onze ans et demi, hors d'état de nuire, pour plusieurs semaines.
Je vous passe l'agonie (sans calmants) dans la file d'attente de la minuscule clinique du Docteur Pilule (oui, tout le monde l'appelait comme ça !). L'événement, en soi, est d'un intérêt relatif pour la marche du monde. Mais pas pour votre serviteur ! Que fait un enfant immobilisé ? Réponse : il lit !
Il lit quoi ? Mais tout ce qui se trouve dans la bibliothèque de ses parents, parbleu ! Oh, ce modeste amas n'avait rien de l'Ambrosienne, ni de la Mazarine. Mais c'était le nôtre.
Au milieu de ma première année secondaire, je comprenais deux choses. D'abord qu'en classe, on peut être une star, rien qu'en arborant un plâtre. Et puis, qu'un humain immobile pouvait se mouvoir, mentalement, des milliers de lieues plus loin que les autres. Par le seul miracle de la lecture.
La morale de l'histoire ? Il n'y en a pas. Juste un tournant dans ma vie. À l'époque, le réglage des fixations était approximatif. Et cet archaïsme technique aura peut-être été l'une de mes grandes chances.
Pascal Décaillet