Sur le vif - Dimanche 19.11.23 - 15.15h
Sur le Proche-Orient, vous connaissez ma position. Je l'ai précisée ici, lundi 6 novembre, dans un appel au dialogue et à une diplomatie de la connaissance.
Je me suis maintes fois rendu dans la région, dès 1966, je suis un ami d'Israël, favorable à l'existence de cette nation, et à son droit à se défendre. Et je suis, tout autant, un ami du monde arabe, que je m'efforce d'étudier depuis des décennies. Je suis, depuis plus de quarante ans, partisan d'un Etat palestinien. Je le suis plus que jamais aujourd'hui, alors que nous sommes au fond du gouffre, et que le Proche-Orient vit ses heures les plus terribles depuis 1948, ou en tout cas depuis juin 1967.
Nous, Suisses, devons œuvrer, dans notre modeste mesure, au dialogue et à la paix. C'est la mission de nos politiques, de nos diplomates. Mais nous tous, citoyennes et citoyens de ce petit pays que nous aimons, ouvrons nos intelligences et nos cœurs. Il existe, sur place, suffisamment de violences et d'horreurs, depuis le 7 octobre, pour que nous nous abstenions, chez nous, de jeter de l'huile sur le feu. Tout antisémitisme doit être condamné. De même, toute islamophobie. L'un et l'autre, hélas, sont en augmentation.
Passionné par la guerre d'Algérie, entre 1954 et 1962, j'ai été amené à me pencher de près sur le rôle de la Suisse comme hôte de négociations, dont certaines discrètes, voire secrètes, entre gouvernement français et FLN. Sans ces multiples rencontres préparatoires, les Accords d'Evian (1962) n'auraient jamais vu le jour. C'était le temps où nous avions une diplomatie, une vision, une appréhension du monde arabe. L'actuel ministre suisse des Affaires étrangères, systématiquement dévoué à l'un des camps depuis de longues années, ne donne hélas pas ces signes d'ouverture. Par cette carence, il affaiblit la capacité d'arbitrage de notre pays.
Comme dans mon texte précédent, je vous invite à ouvrir vos intelligences. Étudiez l'Histoire du Proche-Orient, les langues orientales, les grands textes fondateurs. Gardez-vous de tout jugement péremptoire. Nous, Suisses, quand nous allons sur place, nous sommes respectés, bien accueillis, autant par les Israéliens que par les Palestiniens, je puis en témoigner. Gardons le contact avec toutes les parties en conflit. Et surtout, n'instrumentalisons pas les événements de là-bas pour tenter d'affaiblir, ici, des adversaires politiques. Sous prétexte qu'ils seraient trop proches d'un camp ou d'un autre. La situation, dans cette passionnante matrice de nos civilisations, est déjà suffisamment abominable sur le terrain, pour que nous nous imposions ce qui manque tant, partout : l'intelligence, la modération, la passion du dialogue.
Pascal Décaillet