Sur le vif - Samedi 22.04.23 - 16.46h
La mère de toutes les batailles, dans notre démocratie genevoise, c'est l'élection du Grand Conseil. C'est lui qui a le dernier mot (sous réserve d'arbitrage ultime du peuple). Lui qui a le pouvoir. Lui qui décide.
Dans ces conditions, et comme je l'ai avancé dans mon commentaire d'hier, pour cinq ans, les jeux sont faits. La droite a gagné, sans appel, le 2 avril, et c'est cela qui compte.
Il serait plus aisé, bien sûr, d'avoir aussi un gouvernement de droite. Mais, s'il est à gauche, il devra déposer des projets qui passent la rampe d'un Grand Conseil où la droite s'est sérieusement étoffée. Et pas n'importe quelle droite : pour la première fois de l'après-guerre, la droite libérale, libre-échangiste, a perdu du terrain face à une autre droite, conservatrice, populaire, proche des gens, soucieuse de cohésion sociale, protectionniste, la droite qui veut la frontière, la droite qui prône la préférence aux nôtres, et non à l'altérité lointaine.
Ce renversement, dans l'équilibre interne à la grande famille des droites (il faut les avoir étudiées en profondeur pour prétendre en parler), est une nouvelle donne absolument fondamentale dans la politique genevoise.
Au point que certains deviennent nerveux. La gauche, c'est bien naturel, puisqu'elle n'aura aucune majorité parlementaire pendant cinq ans. Mais aussi, la droite qui a le culot de se prétendre "humaniste" (comme si les autres ailes étaient une bande de brutes), où tireurs de ficelles et manipulateurs, du Capitole ou de l'Aventin, entreprennent toutes manœuvres, perfides et souterraines, pour empêcher cette "autre droite" de gagner en influence. C'est peut-être dans cette perspective qu'on aurait avantage à tenter de décrypter certaines tentatives récentes de déstabilisation de candidats.
Pour ma part, j'ai voté. Pour cinq personnes. Chacune de mes concitoyennes, chacun de mes concitoyens, du moins ceux qui votent, a sa combinaison. Chaque vote est respectable. Chacun de nous est libre, n'a strictement aucune leçon à recevoir, et moins que tout autre de la part des politiques. La démocratie, c'est l'affaires des citoyens, pas celle des élus, encore moins celle des partis.
J'ai voté, nous votons, et nous verrons bien. Pour ma part, au risque de vous étonner, la composition du futur Conseil d'Etat n'est pas l'essentiel. Ce qui compte, c'est celle du Parlement. Les jeux sont faits. La droite est majoritaire pour cinq ans. Il s'agit de faire, pour Genève, une politique de droite. Si un Conseil d'Etat de gauche arrive avec des projets de gauche, renvoi immédiat à l'expéditeur. Crise institutionnelle ? Le Parlement la gagnera. C'est aussi simple que cela.
A huit jours de l'élection gouvernementale, j'invite les élus du nouveau Grand Conseil, ceux de toutes les droites, à s'occuper de choses autrement plus intéressantes que de servir d'écuyers, dans les écuries d'ambitions personnelles des candidats à l'exécutif. Nous n'avons pas élu des députés pour qu'ils soient les courtisans serviles de leurs magistrats. Mais pour qu'ils aient une armature intellectuelle, des ambitions programmatiques, une idée précise de leur calendrier d'action pendant ces cinq ans. Non comme suppôts de ministres ambitieux, et dévorés par le jeu de miroirs du pouvoir. Mais comme élus du peuple genevois, membres d'un Parlement qui est le premier pouvoir, n'a aucun compte à rendre au Conseil d'Etat, doit au contraire le contrôler, le serrer au plus près.
Plus je mûris dans l'observation de la politique, moins je m'intéresse aux personnes, et surtout pas aux membres d'un exécutif. Et plus je me passionne pour les thèmes. Et pour l'implication directe du peuple dans le destin collectif. J'avoue ne pas supporter les députés, tous partis confondus, qui donnent l'impression de n'être en politique que pour constituer un fan's club, naïf et aveugle, de leurs ministres.
J'invite la nouvelle majorité parlementaire de droite à ne même pas attendre le 30 avril, date anecdotique par rapport à celle de leur propre élection, pour se tourner déjà vers l'avenir. Ca passe par des idées. Qui viennent d'eux, oui du Parlement. Et cela, quelle que soit la future composition du septuor des ambitions personnelles.
Pascal Décaillet