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Sur le vif - Page 100

  • Proche-Oient : pour une diplomatie de la connaissance

     
    Sur le vif - Lundi 06.11.23 - 15.13h
     
     
    Amitié avec Israël, reconnaissance de son existence, depuis 75 ans. Mais tout autant, amitié avec le monde arabe, et d'ailleurs aussi turcophone, ou persan. Amitié avec les Palestiniens. Volonté d'un Etat de Palestine. Mon rapport à l'Orient compliqué, vous le connaissez. Inchangé depuis un demi-siècle. Je me suis rendu pour la première fois au Proche-Orient en 1966, puis maintes fois pour des reportages.
     
    Je suis Suisse. J'aime mon pays. Je suis un patriote. Et je voudrais tant que le Proche-Orient puisse un jour politiquement lui ressembler : lorsque je suis allé au Liban, à l'âge de huit ans, on l'appelait "La Suisse du Moyen-Orient", référence à sa passionnante complexité. Nos deux pays, les six dernières décennies, n'ont hélas par eu le même destin.
     
    Je veux, pour mon pays, une diplomatie de la connaissance. Il faut connaître les langues, l'arabe, l'hébreu, le turc, le persan. Il faut s'imprégner des mots, des chants, des visions du monde, des grands textes religieux, des poèmes. Il faut étudier l'Histoire, dans toute sa complexité.
     
    Oui, il faut tout cela, dans la formation de nos diplomates. Comment voulez-vous appréhender l'Orient, alors que vous avez blanchi sous le harnais de la langue anglaise, de la vision américaine et atlantiste, de la "Guerre des civilisations" que veulent nous faire avaler les bellicistes, ceux du Pentagone comme ceux de la Maison Blanche, démocrate autant que républicaine d'ailleurs.
     
    J'ignore, à part la médecine, quelle est la formation intellectuelle de M. Cassis. Mais je m'étonne, de la part de cet homme intelligent, de voir poindre si souvent une obédience automatique, une génuflexion répétée comme une liturgie, à l'ordre occidental du monde, entendez celui des Américains.
     
    Je veux une Suisse ouverte. Une diplomatie de la connaissance et de la passion des peuples. Une Suisse amie d'Israël, et amie du monde arabe. Une Suisse qui parle à tous, je dis bien tous. Une Suisse qui s'efforce d'abriter toutes les négociations possibles, y compris les plus discrètes, comme ce fut le cas entre 1954 et 1962, notamment les dernières années du conflit, pour mettre un terme à cet autre drame du monde, cet autre déchirement de nos matrices : la Guerre d'Algérie.
     
    Notre minuscule pays a une carte à jouer, dans la tragédie actuelle du Proche-Orient : laisser ouvert le champ du possible. Laisser surgir les voix. Les écouter, toutes. S'aligner sur le camp américain, c'est fermer d'un coup cette possibilité. La Suisse doit avoir sa politique à elle. Celle de l'ouverture.
     
     
     
    Pascal Décaillet
     

  • Le procès en sorcellerie de Thomas Stettler, ça suffit !

     
    Sur le vif - Vendredi 03.11.23 - 15.58h
     
     
    Il s'appelle Thomas Stettler, c'est un paysan jurassien jovial, apprécié, bosseur. Il a commis l'exploit, le 22 octobre, de reconquérir le siège de son parti au National. Dans un Canton où ou connaît l'âpreté des combats politiques, et le poids historique des partis dominants, il a arraché cette victoire. Au soir de l'élection, l'émotion de cet homme, sur la RTS, faisait plaisir à voir, quelles que fussent nos attaches partisanes. Un très beau moment de démocratie partagée, dans ce pays que nous aimons.
     
    Dans l'émission Infrarouge, quelques jours plus tard, Thomas Stettler a été très bon. Jusqu'à ce moment où, voulant décortiquer le mot "xénophobie" (pourquoi diable s'est-t-il tendu à lui-même ce piège ?), il a un peu bredouillé. Oh, l'helléniste que je suis vous confirme que la xénophobie, c'est bien étymologiquement la peur de l'étranger. Mais d'autres vous diront que, par extension, le champ sémantique porte aujourd'hui plus loin.
     
    Pour l'infortuné Jurassien, une seconde de maladresse. Et la porte ouverte aux chasseurs de sorcières. Tous ces petits salopards qui guettent le moment précis où un locuteur peut offrir l'instantané qui va faire le buzz. "Tu m'isoles l'extrait, coco, tu le mets en ligne, on titre "Un UDC dérape", on va boire une dernière bière, et on va se coucher !". C'est ça, exactement ça, qu'est devenu un certain journalisme aujourd'hui. Quand je dis "salopards", le mot est faible.
     
    Je ne m'étendrai pas sur le tout dernier rebondissement. Dieu sait si j'apprécie Charles Poncet, sa verve de polémiste, son talent. Mais comment, nouvel élu comme le Jurassien Stettler qui est désormais son frère d'armes au National, peut-il le traiter publiquement de "pauvre con" ? Comment l'avocat peut-il réduire un admirable combattant de l'UDC jurassienne à cela, un homme qui a remporté une victoire pour son parti, dans des conditions rugueuses et difficiles ?
     
    Pour ma part, je dis ici mon amitié à M. Stettler, que je ne connais pas personnellement. Et je dis aux chasseurs de sorcières d'aller très vite se faire voir. Au royaume des balais et des chapeaux pointus.
     
     
    Pascal Décaillet

  • Le deuxième tour aux Etats ne m'intéresse pas

     
    Sur le vif - Lundi 30.10.23 - 10.10h
     
     
    Je le dis depuis des années : la force extraordinaire de notre démocratie en Suisse, ce sont les votations, pas les élections. Notre démocratie directe, qui saisit le peuple quatre fois par an autour des thèmes, est mille fois plus intéressante que le choix des personnes.
     
    Et, à l'intérieur de cette démocratie directe, le système de l'initiative est infiniment plus passionnant que celui du référendum. Le second se définit encore (certes pour la combattre) face à une loi votée par un Parlement. La première surgit d'un groupe de citoyennes et citoyens qui donne, un beau dimanche, rendez-vous au corps électoral tout entier. C'est le peuple qui parle au peuple, au-dessus des corps intermédiaires.
     
    Un mot, tout de même, sur les élections fédérales. Ce qui est pertinent, révélateur, c'est l'élection au National. Parce qu'elle s'exerce, depuis 1919, à la proportionnelle. C'est une élection juste et représentative, elle permet l'expression de toutes les forces politiques du pays.
     
    Je vais vous dire une chose : les gens, qui m'arrêtent constamment dans la rue pour me parler politique, de façon joyeuse, directe et vivante, ne comprennent pas pourquoi on scelle l'élection du National en un tour, un dimanche de fin octobre, mais on laisse en suspens celle des États pour trois semaines encore. On peut bien le leur expliquer, en doctes démonstrations : chaque Canton, pour les États, a sa loi électorale propre. A Genève, si on n'a pas la majorité absolue au premier tour, on remet les compteurs à zéro.
     
    Je veux bien. Mais autant l'élection au National est affaire d'idées, combat de projets, choc de visions de société, bref ce que la politique a de plus noble, de plus passionnant, autant ce second tour des États n'est que cuisine dans le pire sens du mot, concoction d'officines, coups bas, trahisons, le pire visage de la politique, celui qui justement détourne les citoyens des urnes.
     
    Le 12 novembre, je voterai. J'ai ce droit depuis le 20 juin 1978, je l'ai exercé sans discontinuer, depuis mon OUI, du fond du coeur, au nouveau Canton du Jura, le tout premier vote de ma vie, en septembre 78.
     
    Je voterai, oui. Mais cette campagne de personnes, d'égos, de visages sur des affiches, de coups de Jarnac ourdis par des chefaillons de partis madrés, ne m'intéresse absolument pas.
     
    Nous aurons ensuite, à Genève, une période de dix-sept mois sans élections, dont je me réjouis infiniment. Dix-sept mois pour oublier un peu les élus, les corps intermédiaires, les cléricatures. Dix-sept mois pour faire la politique entre nous, les citoyennes et citoyens. Non autour de la tristesse des ambitions personnelles. Mais autour des idées, de l'intérêt supérieur du collectif. Autour de notre appartenance commune à ce pays que nous aimons. Il vaut tellement mieux que les imbroglios, les combinazione. Il vaut la mobilisation enflammée de nos consciences. Et celle de nos cœurs.
     
     
    Pascal Décaillet