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Sur le vif - Page 99

  • Vas-y, bon sang, vas-y !

     
    Sur le vif - Vendredi 10.03.23 - 17.42h
     
     
    Observer le réel, puis le commenter. Avancer un choix, une perspective. Le sujet, puis l'angle d'attaque, puis se fondre dans l'écriture ou - toujours mieux - la voix vive.
     
    L'objectivité n'existe pas, et n'a d'ailleurs pas lieu d'être. Celui qui prend sa plume, ou chauffe sa voix, monte au front. Personne ne l'y contraint, si ce n'est le murmure intime de cette petite voix, qui lui dit : "Vas-y, bon sang, vas-y !".
     
    J'attaque toujours un texte, alors que j'ai autre chose à faire, de plus sérieux. A l'école, je détestais lire les bouquins obligatoires pour le programme, mais seul dans ma chambre, ou en bibliothèque, je dévorais l'équivalent de vingt fois le volume du livre boudé. Des poèmes, des biographies historiques, des kilomètres d'encyclopédie.
     
    Prendre la plume, prendre la voix, chez moi, c'est toujours là où il ne faut pas. Toujours à côté. C'est une vie latérale à la vie physique, laquelle prime ?
     
    Je ne suis pas un écrivain, et détesterais l'idée de l'être. Je n'ai aucun culte de l'écriture, je lui préfère la voix, celle des cantatrices par exemple.
     
    Je suis très heureux que des écrivains existent, puisque je les lis. Mais je rejette toute mystique de l'écriture. C'est très violent, c'est en moi, j'ignore d'où ça vient. Je ne veux pas savoir. De quelle noirceur ?
     
    Je lis les poètes, depuis toujours. En français, en allemand, en grec. Je lis Pasolini en italien, en édition bilingue. Le poésie est ce qui me touche le plus, juste après la musique.
     
    A toi aussi, je dis "Vas-y !". Lance-toi ! Laisse en putréfaction l'ahurissant concept d'objectivité. Assume ton bide. Assume tes viscères. Assume ton sang. Assume ta passion pour les mots. Assume l'immensité de ta nostalgie. Tes échecs. Tes regrets. Ton inachèvement. Toute la misère de ton être profond.
     
    Assume, et attaque. Monte au front. Une fois encore.
     
     
    Pascal Décaillet

  • Tout pouvoir est menteur

     
    Sur le vif - Jeudi 09.03.23 - 16.01h
     
     
    La propagande politique, ça passe par des mots. Celui qui impose son vocabulaire a déjà gagné la partie.
     
    Ainsi, "pacifier". Ce sont les Verts qui, les premiers, ont lancé ce verbe : "pacifier" le centre-ville, "pacifier" la ceinture urbaine, etc.
     
    D'abord, le poids de l'Histoire. J'ignore si les Verts la connaissent, mais moi oui, alors j'y viens. Le mot "pacifier" a été, pendant toute l'époque coloniale, un euphémisme éhonté pour couvrir une réalité, qui était le contraire même de son sens : "pacifier" l'Algérie, c'était conduire des opérations de guerre particulièrement sanglantes. "Pacifier" l’Aurès, la Kabylie, c'était traquer le FLN, dans une guérilla sans merci.
     
    Au Maroc aussi, on a "pacifié", notamment en 1925, lorsqu'on a envoyé le Maréchal Pétain, 69 ans, régler l'affaire du Rif, à la place de Lyautey. En Afrique occidentale, en Afrique équatoriale, dans le Tonkin, en Cochinchine, on a "pacifié". Pour faire passer l'opération dans l'opinion publique en Métropole, on lui balançait un euphémisme, une hallucinante édulcoration du réel.
     
    Bref, nos amis Verts auraient pu réfléchir un peu, il y a quelques années, lorsqu'ils ont lancé ce verbe. Les mots ont un poids, une Histoire, des vibrations, des résonances. On ne balance pas n'importe lequel, sans conséquences.
     
    Aujourd'hui, c'est M. Dal Busco qui utilise le verbe "pacifier". C'est un homme cultivé, il connaît l'Histoire. Lui aussi, aurait pu réfléchir un peu. N'importe quel esprit au parfum de l'Histoire récente du monde, et notamment de cet immense travestissement du sens que fut la colonisation, freine ses ardeurs avant d'utiliser certains vocables.
     
    Aujourd'hui, Dieu merci, on ne tue plus. Mais on distille la propagande, tous le font. "Pacifier", en langage Vert, ou en plagiat dalbusquien, ça veut juste dire "faire triompher nos thèses", en les couvrant sous un mot doux. "Pacifier", en 2023, ça veut dire éradiquer implacablement la voiture du centre-ville.
     
    Je ne reproche pas aux Verts d'avoir leurs thèses. Je reproche un peu plus férocement à M. Dal Busco de les avoir embrassées, avec la fougue d'un Jeudi Saint, à la tombée du soir. J'invite chacun de nous à scruter les mots. Surtout ceux qui viennent du pouvoir.
     
    Tout pouvoir, d'où qu'il vienne, est propagandiste par essence. Tout pouvoir dévoie les mots. Tout pouvoir est menteur.
     
     
    Pascal Décaillet
     

  • Affaire Simon Brandt : le Noeud de Vipères

     
    Sur le vif - Mardi 07.03.23 - 10.09h
     
     
    Dans l'affaire Simon Brandt, méfions-nous de TOUS. Ceux qui soutiennent le Parquet. Ceux qui l'accablent. Pour ma part, je ne fais confiance à PERSONNE. La récupération politique est omniprésente. Cette affaire est une pourriture, où tout le monde manipule tout le monde. Genève, là où elle est capable du pire.
     
    A trois semaines et cinq jours d'une échéance majeure dans notre vie citoyenne, il est IRRESPONSABLE d'organiser une conférence de presse autour d'un tel sac de nœuds. A moins qu'on ne le fasse sciemment, pour favoriser un camp contre l'autre.
     
    S'il est légitime d'enquêter sur les conditions de l'arrestation de Simon Brandt, il est tout simplement hallucinant de ressusciter cette affaire à 26 jours du scrutin, tant la politique, le judiciaire, les ambitions et vengeances personnelles y sont consanguines, comme dans un nœud de vipères. François Mauriac, quand il nous décrit dans ses romans les haines intestines à la grande bourgeoisie bordelaise, n'aurait pas trouvé meilleur scénario. Thérèse, distille ton poison !
     
    La toile de fond politique, c'est l'affrontement titanesque entre le camp Maudet et le PLR. Il sera tranché par le peuple le 2 avril. Chacun de ces camps a d'excellents arguments pour convaincre l'électeur. Le PLR est un grand parti de notre vie politique. La liste Maudet fait une remarquable campagne de terrain, notamment autour de l'économie et des PME. Que la campagne porte sur ces choses-là ! Ne recommençons pas à l'empoisonner en servant de porte-voix à d'ancestraux antagonismes de personnes.
     
    Les méthodes du Parquet sont un thème. L'investigation du Parlement est légitime. Mais arriver trois semaines et cinq jours avant l'élection, c'est réintroduire le venin du judiciaire dans la politique. Alors que nous faisons tout, moi le premier avec mes Visages de Campagne, pour porter le débat sur le plan d'un affrontement citoyen, avec la magnifique fougue des 700 candidats, et non de rivalités tribales entre caciques, ivres de pouvoir. Dévorés par le pouvoir. Vérolés par le pouvoir. La vraie saloperie, c'est le pouvoir, vous ne voyez pas cela ?
     
    Le moment est scandaleusement choisi. Ce choix délibéré constitue une insulte à tous ceux qui, comme votre serviteur, mais aussi ses confrères et consœurs qui couvrent la campagne, en ont plus que marre de la prise d'otage du débat politique par le énième dégât collatéral de l'Affaire Maudet.
     
     
    Pascal Décaillet