Sur le vif - Vendredi 10.03.23 - 17.42h
Observer le réel, puis le commenter. Avancer un choix, une perspective. Le sujet, puis l'angle d'attaque, puis se fondre dans l'écriture ou - toujours mieux - la voix vive.
L'objectivité n'existe pas, et n'a d'ailleurs pas lieu d'être. Celui qui prend sa plume, ou chauffe sa voix, monte au front. Personne ne l'y contraint, si ce n'est le murmure intime de cette petite voix, qui lui dit : "Vas-y, bon sang, vas-y !".
J'attaque toujours un texte, alors que j'ai autre chose à faire, de plus sérieux. A l'école, je détestais lire les bouquins obligatoires pour le programme, mais seul dans ma chambre, ou en bibliothèque, je dévorais l'équivalent de vingt fois le volume du livre boudé. Des poèmes, des biographies historiques, des kilomètres d'encyclopédie.
Prendre la plume, prendre la voix, chez moi, c'est toujours là où il ne faut pas. Toujours à côté. C'est une vie latérale à la vie physique, laquelle prime ?
Je ne suis pas un écrivain, et détesterais l'idée de l'être. Je n'ai aucun culte de l'écriture, je lui préfère la voix, celle des cantatrices par exemple.
Je suis très heureux que des écrivains existent, puisque je les lis. Mais je rejette toute mystique de l'écriture. C'est très violent, c'est en moi, j'ignore d'où ça vient. Je ne veux pas savoir. De quelle noirceur ?
Je lis les poètes, depuis toujours. En français, en allemand, en grec. Je lis Pasolini en italien, en édition bilingue. Le poésie est ce qui me touche le plus, juste après la musique.
A toi aussi, je dis "Vas-y !". Lance-toi ! Laisse en putréfaction l'ahurissant concept d'objectivité. Assume ton bide. Assume tes viscères. Assume ton sang. Assume ta passion pour les mots. Assume l'immensité de ta nostalgie. Tes échecs. Tes regrets. Ton inachèvement. Toute la misère de ton être profond.
Assume, et attaque. Monte au front. Une fois encore.
Pascal Décaillet