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Sur le vif - Page 234

  • Le Guépard, c'était lui

     
    Sur le vif - Jeudi 28.10.21 - 08.00h
     
     
    Il Gattopardo. Derrière le chef d’œuvre de Visconti (1963), il y en a un autre : le livre de Giuseppe Tomasi di Lampedusa. Il faut voir mille fois le film. Il faut lire mille fois le livre.
     
    Le reportage d’Arte, hier soir, sur l’auteur du livre, m’a bouleversé. J’ai compris que le Guépard, c’était lui. Un siècle après son personnage, le Prince Salina, immortalisé par un Burt Lancaster saisissant d’intériorité, Giuseppe nous raconte sa propre vie, en palimpseste de celle du personnage.
     
    La Sicile. La fin d’un monde. Un débarquement, celui de Garibaldi. Dépossession. Continuité, par la rupture. Ce qui demeure, ce qui s’en va. La vie elle-même, qui doucement se dérobe, comme dans Thomas Mann, La Mort à Venise, encore et toujours Visconti.
     
    Dans le reportage d’Arte, Giuseppe semble, dès sa jeunesse, perdu pour la vie. Il ne sort pas de chez lui, vit au milieu de palais en ruines, passe son temps dans les livres. Il a quelque à dire, à raconter : ce sera l’austère noblesse de sa propre solitude. La nostalgie d’un monde perdu. La grandeur d’une souffrance intérieure. Ce sera Le Guépard.
     
    Le film d’Arte, hier soir, est le portrait d’un homme ordinaire, face à la mort. Les palais sont en déshérence, le vieux monde se meurt, la fragilité du décor demeure, le héros est seul face à l’immensité perdue de sa mémoire.
     
    C’est cela, le Guépard. Giuseppe Tomasi, Prince de Lampedusa, Duc de Palma, Baron de Montechiaro et de la Torretta, Grand d’Espagne de première classe, est mort en 1957, laissant dans une sacoche de cuir le manuscrit de son livre, dont aucun éditeur n’avait voulu. Quelques mois plus tard, le livre est publié, il fait le tour du monde, et quatre ans plus tard, c’est le film : Alain Delon, Claudia Cardinale, la scène du bal, et surtout l’inoubliable Burt Lancaster. Si le cinéma a été créé, c’est peut-être pour figer la fin d’un monde dans le regard et le visage de cet homme.
     
    Le film de Visconti, c’est une variation picturale sur le thème de deux visages : l’éclatante jeunesse de Delon, la maturité sublime et fragile de Lancaster. Mort à Venise aussi, deux visages : Tadzio, et Dirk Bogarde.
     
    Hier, j’ai compris que le Guépard, c’était Giuseppe. Un homme privé, aimable, discret. « Que fait-il de ses journées, il ne sort jamais ? ». Il contemplait en lui la fin d’un monde. Il vivait dans les livres. Il se préparait à écrire, sur le tard, juste avant le terme, l’ouvrage de sa vie. Il était un fauve magnifique, errant dans des décors perdus. Il était le Guépard, et c’est tout.
     
     
    Pascal Décaillet

  • Les nuances de noirceur de nos folies

     
    Sur le vif - Mercredi 27.10.21 - 10.43h
     
     
    Il est de bon ton de condamner la haine. La justice est encombrée de plaintes pour "appel à la haine". Le législateur a cru bon, pour satisfaire la tiédeur du temps, de criminaliser ce sentiment. Ce mot, qui relève de la morale, s'invite dans le débat politique. Il sert de prétexte à la censure, l'étouffement des idées non-conformes. Il est devenu le passe-partout de la bonne pensée, celle qui régit l'orthodoxie de l'expression publique.
     
    Le problème, c'est que la haine existe. Tout comme l'amour, dont elle n'est que le revers. Elle existe, elle fait partie de la nature humaine. Elle est en chacun de nous, à l'état de sommeil et parfois en phase de réveil. Je veux bien qu'il existe quelques humains délivrés de ce sentiment, tant mieux pour eux, qu'ils nous inondent de leur bonté. Mais rien n'y changera : la haine habite l'humain, se révèle dans les phases de crise. N'en point parler, ou en faire le mot-valise du moralement correct, n'en altérera en rien l'existence.
     
    C'est le grand leurre de notre monde. En censurant l'expression d'un sentiment, on s'imagine qu'on va le faire disparaître. Alors qu'on le renforce, dans les tréfonds. C'est valable pour la haine. Pour le rapport à l'Autre. D'immenses courants de rejet massif, individuels ou collectifs, traversent nos sociétés. Interdire, dans la loi, l'expression de ces mouvements, c'est ranger la poussière sous le tapis.
     
    L'humain est capable d'amour. Et il est capable de haine. Il peut accepter l'autre. Mais il peut le rejeter. Notre nature est complexe, contradictoire, protéiforme, tissée d'un peu de raison, et pourtant enracinée dans l'irrationnel. J'ai, pour ma part, une lecture pessimiste de ce que nous sommes, les humains. Enfants de la terre, non du ciel ! Fils et filles de la perdition. Combattants suprêmes, dans des guerres perdues, maudites, sans retour.
     
    Si on parle d'amour - à quoi rien ne nous oblige - alors il faut accepter de parler de haine. Reconnaître sa présence. Ses causes, ses fondements. Prendre l'humain dans sa totalité. Dans toutes les nuances de noirceur de sa folie.
     
     
    Pascal Décaillet

  • Facebook ? Mais c'est génial !

     
    Publié sur mon site FB - Mardi 26.10.21 - 18.05h
     
     
    Ils n'en peuvent plus ! Les médias traditionnels, journaux et RTS, n'en peuvent plus de casser du sucre sur Facebook. Voilà des années que dure ce petit jeu. Maintenant, ça suffit.
     
    Les réseaux sociaux, notamment celui-ci, sur lequel vous me lisez, sont une invention extraordinaire. Chacun d'entre nous peut s'exprimer. La traditionnelle lettre de lecteur, envoyée à un journal, courrier A, en espérant que le service ad hoc voudra bien retenir votre point de vue, c'est le Moyen-Âge ! A part les personnes âgées, victime de la fracture numérique, il faut vraiment être d'un autre monde pour en faire encore usage.
     
    Je suis un homme d'éducation très classique, en aucun cas un surexcité de la nouveauté technique. J'ai fait du latin, du grec, j'ai puissamment aimé - et aime encore - les littératures grecques et allemandes, j'aime les livres, ils ont fait ma vie.
     
    Mais désolé, Facebook (j'ai choisi ce réseau il y a une décennie, et me suis tenu à celui-là, seul), pour moi c'est génial. Je l'utilise comme Journal politique, littéraire et musical. Ou alors, comme vitrine de mon travail : mise en ligne d'émissions, annonce de grands rendez-vous télévisuels. Ou encore, l'été, pour y poster des photos de montagne, ou de mes voyages en Allemagne. J'y publie, simultanément à mon blog, les 144 épisodes de ma Série sur l’Histoire allemande, de 1522 à nos jours. C'est tout. Pas de vie privée. Pas de commentaires sous les écrits des autres. Même pas sous les miens, jamais. Globalement, j'adore ce réseau, je commence et finis ma journée avec lui, j'y fais des découvertes exceptionnelles : Histoire, littérature, musique, archives. Bref, j'y suis heureux.
     
    Bien sûr, il y a, sur ce réseau, toute une quantité d'abrutis qui abusent de la liberté d'expression pour salir, se livrer à la délation, appeler aux meutes. C'est inadmissible, assurément.
     
    Mais enfin, ces nuisibles, ils sont partout. Dans la vie. Dans les journaux. Dans la rue. Le réseau n'est qu'un miroir du monde.
     
    Quant aux médias traditionnels, avec leurs grands donneurs de leçons, sur les "fausses nouvelles" (pardonnez-moi, je parle français), "l'info vérifiée", "la nécessité du journalisme pour la démocratie", ils feraient mieux de s'interroger un peu sur eux-mêmes. Pensée unique. Rapport souvent servile au pouvoir, d'où qu'il vienne. Incapacité à se remettre en question. Doxa dominante au sein des rédactions. Peur des pairs. Surtout ne pas leur déplaire. Alors, au lieu d'écrire pour le vaste public, on s'adresse à ses semblables : le début de la fin.
     
    Facebook est imparfait, truffé d'abrutis, c'est possible. Exactement comme la vie. Elle nous heurte, elle nous déçoit, elle nous livre son lot de trahisons. D'immondes cafards nous épient. Derrière notre dos, ça jacasse, ça caquette. Pourquoi le miroir de la vie serait-il épuré des défauts de la vie elle-même ?
     
    Vous venez de me lire, ici, sur un réseau social, je vous en remercie. Je me suis exprimé, vous avez pris connaissance de mon point de vue. Vous pouvez à tout moment, vous aussi, sur votre site, votre "profil", aligner des mots. Par les chemins de la Raison, ou les traverses de la passion. Comme vous voudrez. Vous êtes libres. Écrire, ou ne pas écrire. Parler, ou vous taire. Vous réjouir, ou fulminer. Oui, ici nous sommes libres. Et ça fait un bien inimaginable.
     
     
    Pascal Décaillet