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Sur le vif - Page 237

  • Service des votations : l'affaire est gravissime

     
    Sur le vif - Mardi 01.06.21 - 11.12h
     
     
    22 caisses, contenant des enveloppes de vote, sont donc restées trois jours, soit tout le week-end de Pentecôte, sur le trottoir, devant l'entrée du Service des votations. Affaire révélée par mon confrère Raphaël Leroy, de la RTS. C'est un scandale, l'un des plus importants de ces dernières années. Il doit avoir des suites. Et pas seulement à la Poste. Pas seulement en jouant du fusible sur le facteur.
     
    Le facteur ? Bien sûr qu'il a commis une erreur monumentale. Il aurait dû ramener ce matériel à la poste, pour distribution remise au mardi suivant.
     
    Mais tout mettre sur le Géant jaune, c'est exonérer un peu vite le Service des votations, la Chancellerie, et, in fine, la responsabilité suprême de contrôle du Conseil d'Etat.
     
    Nous sommes en plein processus de vote pour le scrutin du 13 juin. Des milliers de gens déposent chaque jour leur enveloppe dans une boîte postale jaune, pour acheminement au Service des votations. Ce dernier, avec un minimum de jugeote, pouvait peut-être se douter que des enveloppes arriveraient un samedi, et donner à une personne la responsabilité de les recueillir, et de les placer en lieu sûr. Ou alors, pour le moins, le Service des votations aurait pu, en amont, passer un accord avec la Poste pour prévoir ce genre de cas.
     
    Il s'agit de nos votes, bon sang ! Il ne s'agit pas de prospectus publicitaires. Il s'agit de l'acte - sacré, en démocratie - par lequel les citoyennes et citoyens font part de leur décision suprême sur des affaires touchant aux intérêts supérieurs de la Cité. Nos autorités - clairement, le Conseil d'Etat - ont le devoir absolu de garantir le parfait acheminement de ces votes jusqu'à un lieu sûr, qui sera celui du dépouillement. Puisqu'on en est encore à passer par la Poste, alors le Conseil d'Etat et la Poste doivent avoir mis au point, en amont, le plus parfait des processus, incluant toutes les hypothèses. Celle d'une porte fermée, un samedi, le facteur n'ayant pas le code, et personne n'étant là pour assurer la réception, relève de la galéjade, du pataquès, de la pantalonnade, de l'incurie la plus totale, jusqu'au plus haut niveau de l'exécutif genevois.
     
    Tout mettre sur ce pauvre facteur, c'est exonérer l'autorité politique genevoise de sa responsabilité. Nous n'en sommes pas à la première bourde au Service des votations. Que fait la Chancellerie ? Qu'a fait la Présidence du Conseil d'Etat pour assurer aux citoyennes et citoyens genevois que le vote du peuple, seul souverain dans notre démocratie suisse, serait acheminé en totale sécurité vers son lieu de dépouillement ?
     
    Cette affaire doit avoir des suites. Personne ne doit être épargné, par des petites combines ou des copinages politicards. On ne peut plus laisser le Service des votations, la Chancellerie, le Conseil d'Etat, jouer ainsi avec la démocratie.
     
     
    Pascal Décaillet

  • Que chacun assume ses mots, à lui !

     
    Sur le vif - Lundi 31.05.21 - 13.52h
     
     
    Désolé, mais l'expression "neutralité carbone" appartient au jargon des Verts. Tout comme "urgence climatique". Les Verts ont le droit d'en user à leur guise, chacun est libre de ses choix de langage. Mais en aucun cas ces formules, qui reflètent un choix idéologique bien précis, n'ont à être reprises, telles quelles, par des gouvernements.
     
    Quand je vois le Conseil d'Etat genevois nous annoncer, pour après-demain, une conférence de presse in corpore pour nous chanter la liturgie du "Plan climat cantonal", avec comme objectif "la neutralité carbone d'ici 2050", je n'ai pas l'impression d'être à hauteur d'un langage gouvernemental, mais à celle d'une Grand-Messe des Verts.
     
    Je ne conteste en rien aux Verts le droit d'avoir leurs idées, ni de les défendre haut et fort. Mais l'empressement, par peur de déplaire au vent des modes, à reprendre leurs mots, leurs formules, leurs incantations, est insupportable. Tout le monde se met à parler comme les Verts : les gouvernements, les médias, les flous du PLR, les tièdes du Centre. A droite, seuls résistent encore les PLR non-contaminés, les conservateurs, les souverainistes, et une gauche du travail peu sensible aux bobos gentrifiés des villes. Pour le reste, c'est la débandade, le joyeux Rethondes de la capitulation, on prend les mots des Verts, on signe sans regarder, et va pour le "Plan climat cantonal", et vogue la galère pour la "neutralité carbone".
     
    Dans cette affaire, je ne reproche strictement rien aux Verts, ils jouent leur jeu sur l'échiquier politique. Mais de grâce, que chacun assume ses mots, à lui. Le plagiaire est l'incendiaire de la diversité de la pensée. Les choristes, sages repreneurs de formules, étouffent tout courage, toute puissance de solitude, toute aspiration au cisèlement individuel, pourtant fondateur de l'acte de langage.
     
    Que les Verts parlent comme des Verts ! Mais alors, que les radicaux se remettent à nous parler d'Etat, les socialistes du peuple, et la droite, qu'elle recommence à s'intéresser aux valeurs intellectuelles, spirituelles et philosophiques qui fondent, depuis la Révolution, son existence dans le débat public.
     
    J'invite chacun à être lui-même. Plutôt que de reprendre misérablement les syllabes de propagande des autres.
     
     
    Pascal Décaillet
     

  • Plaidoyer d'un souverainiste viscéralement européen

     
    Sur le vif - Jeudi 27.05.21 - 14.50h
     
     
    Je suis souverainiste, depuis toujours. Et je suis profondément européen. Non au sens de la machinerie de l'UE, mais dans celui, autrement plus fondateur, de mon appartenance totale à ce continent que j'aime, au sein duquel je voyage depuis six décennies, dont je parle une ou deux langues, en tentant d'en apprivoiser quelques autres, dont l'Histoire m'habite et me passionne.
     
    Toute ma formation, tous mes chemins de connaissance, le français, l'allemand, le latin, le grec, puis l'italien, un peu de grec moderne, me mènent à l'Europe. Elle est mon terroir, mon terreau, je lis ses écrivains, j'écoute ses musiciens. J'ai passé pas mal de temps en Allemagne, y compris à l'époque de la DDR, j'ai étudié avec passion la littérature allemande, je prépare une Histoire de l'Allemagne en 144 épisodes, dont 32 sont déjà publiés. Je lis la presse européenne en plusieurs langues, je m'essaye aux journaux grecs, mais là, j'ai encore un sacré boulot.
     
    Tout ça, pour inviter mes compatriotes à partager mon amour du continent. Je ne suis pas un occidental, encore moins un atlantiste, le monde anglo-saxon ne m'attire guère, je vibre pour l'Europe continentale, les Balkans, le Proche-Orient (où je me suis rendu maintes fois), l'Afrique du Nord. Je rends hommage à mes parents, qui nous ont permis, ma soeur et moi, de découvrir de fabuleux pays, dans notre enfance, aujourd'hui lointaine. Le Proche-Orient, justement, mais aussi par exemple la Scandinavie, été 1968, avec un voyage mémorable jusqu'au Cap Nord, et retour, dans la Mercedes 280 S de mon père. Inoubliable.
     
    Pourquoi j'écris ça ? Pour bien séparer deux choses. Le sentiment profond d'appartenance au continent européen (en Prusse, en Saxe, en Thuringe où vécurent Bach et Luther, je me sens chez moi, tout autant que dans un monastère perdu de la Grèce). Et puis, d'un autre côté, la défense d'une Suisse intraitable sur son indépendance, sa souveraineté. Non parce qu'elle est la Suisse, mais parce que toute nation doit être souveraine, ou n'être pas, sans troisième voie. Le destin de notre pays, pour moi, n'est pas de se fondre dans une entité supérieure. Collaborer, oui. Échanger. Apprendre à se connaître. Partager la culture, les langues. Mais en demeurant souverain.
     
    J'écris ça, aussi, parce que je couvre l'actualité Suisse-Europe depuis plus de trente ans, depuis Delamuraz, dont le souvenir illumine encore ma mémoire. J'ai couvert tous les combats, EEE, bilatérales, initiatives de l'UDC. Et maintenant, j'aspire à l'apaisement. Cet accord institutionnel était touffu, atrocement mal fagoté, le Conseil fédéral a mille fois bien fait de tirer la prise. Maintenant, il nous faut nous calmer. Respirer. Ne rien précipiter. Retirer le dossier aux diplomates et aux technocrates. Prendre quelques années pour nous demander, entre nous, les citoyennes et citoyens suisses, ce que nous voulons, en termes de politique européenne.
     
    Laissons, quelques années, nos amis Européens tranquilles, tout en maintenant avec eux des relations de confiance et de respect mutuel. Et instaurons le seul débat qui vaille : non pas celui des Suisses avec l'Europe, mais celui des Suisses avec la Suisse. Car à l'intérieur de notre pays complexe et fragile, la plus grande conquête n'est pas d'aller vers la connaissance de l'univers. Mais vers celle de nous-mêmes. Notre petit pays, riche de ses tranquilles inquiétudes, en vaut la peine.
     
     
    Pascal Décaillet