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Sur le vif - Page 238

  • PLR-UDC : champ libre !

     
    Sur le vif - Mercredi 27.05.21 - 11.23h
     
     
    Stupidement divisées pendant trente ans par la question européenne, les deux grandes composantes de la droite suisse, le PLR et l'UDC, ont désormais le champ libre pour cheminer ensemble, beaucoup plus que sur les seules questions économiques, financières et fiscales. C'est valable en politique fédérale. Et c'est valable dans les cantons.
     
    Si, captives de leurs propres baronnies, elles ne saisissent pas la divine surprise d'hier (je connais la référence, l'utilise à dessein, et l'assume pleinement), alors nous aurons définitivement en Suisse la droite la plus bête du monde.
     
     
    Pascal Décaillet
     

  • Suisse-Europe : restons calmes, et voyons large !

     
    Sur le vif - mercredi 26.05.21 - 16.56h
     
     
    Ce mercredi 26 mai 2021 restera dans l'Histoire de la Suisse contemporaine comme un jour de salut par la clarification. Entre notre pays et l'Union européenne, deux entités parfaitement respectables par ailleurs, trois décennies d'extrême complication devaient trouver une issue, de même que le Noeud Gordien doit être tranché. Depuis aujourd'hui 16h, c'est chose faite : le Conseil fédéral tire la prise. Il enterre l'Accord cadre. Et il a mille fois raison.
     
    Je suis le dossier Suisse-Europe depuis plus de trente ans. J'ai accompagné Jean-Pascal Delamuraz dans plusieurs de ses voyage, lorsque j'étais correspondant à Berne, j'ai couvert avec une rare intensité, dans quasiment tous les cantons et dans la Berne fédérale, la votation du 6 décembre 1992 sur l'Espace économique européen. J'ai couvert Eurolex, les bilatérales, les initiatives de l'UDC, bref j'ai vibré plus de trente ans sur la question.
     
    J'aime la Suisse, mon pays. Et j'aime l'Europe, notre merveilleux continent. J'aime son Histoire, ses langues, sa musique, sa poésie, sa culture. En Provence, je me sens chez moi. En Prusse, je me sens chez moi. En Toscane, je me sens chez moi.
     
    Alors, quoi ? Alors, restons calmes. Respirons. Voyons large. Félicitons-nous d'être de ce continent, et d'avoir ces voisins-là. Les Français, les Italiens, les Allemands, et tous les autres, sont nos amis. Notre refus d'aller dans la machine institutionnelle de Bruxelles n'empêche pas cet élan de fraternité continentale, loin de là.
     
    Le Conseil fédéral a raison de tirer la prise. Notre relation avec l'Union européenne, ni adhésion ni voie solitaire, beurre et argent du beurre, était devenue insupportable de complexité. Déjà l'écheveau de Jean-Pascal Delamuraz, auquel je croyais et auquel j'avais dit oui le 6 décembre 1992, était beaucoup trop touffu. Dévoré par la pieuvre des fonctionnaires ! Dépourvu de la nécessaire clarté en politique dont parle si souvent l'un des hommes que j'admire le plus, Pierre Mendès France.
     
    Le Conseil fédéral arrête les frais, c'est une bouffée d'air. Ne précipitons rien. Restons calmes. Demeurons aimables avec nos partenaires. Et prenons le temps, entre nous, de savoir exactement ce que nous voulons. Ensuite, peut-être, nous donnerons un mandat à nos diplomates. Et puis, peut-être pas. La Suisse est un grand peuple, une démocratie à l'écoute des ses citoyennes et citoyens. Et l'Europe est un grand continent, qui n'a pas à rougir de son rôle dans l'Histoire du monde. C'est avec ces voisins-là que nous devons, sans nous énerver, construire quelque chose de solide pour l'avenir. Il nous appartient, entre nous, à l'intérieur du débat politique suisse, d'en définir les contours, avant de donner le moindre signal à l'extérieur.
     
    Le Conseil fédéral, aujourd'hui 16h, a pris son épée. Et il a tranché le Noeud Gordien. Ca fait du bien. On respire. La Suisse ne va pas s'écrouler, l'Europe non plus. Ne nous laissons plus jamais impressionner par les surexcités, les pistolets sur les tempes. Soyons des citoyennes et des citoyens libres, cultivés, ouverts aux autres peuples, avides de savoir et de connaître. Lisons Thomas Mann, lisons les poèmes de Pasolini, lisons la poésie grecque, ancienne et contemporaine. Pénétrons-nous de la musique de ce continent. Arrachons l'idée européenne aux fonctionnaires et aux pusillanimes. Soyons citoyens. Cheminons vers la connaissance. Cheminons, comme Heidegger nous y invite, vers la langue, et vers le langage. C'est cela, en Suisse et en Europe, l'enjeu de notre destin.
     
     
    Pascal Décaillet
     

  • Arvo Pärt, la musique de la vie

     
    Sur le vif - Lundi 25.05.21 - 15.03h
     
     
    Enfant, j'accompagnais régulièrement mon père, ingénieur en génie civil, le samedi, sur des chantiers qu'il avait en Valais, des tunnels de montagne. Il avait rendez-vous avec le chef de chantier, nous nous engouffrions dans la roche, il y avait de l'eau, de la boue, les gouttes suintaient de partout dans la pierre, c'était saisissant. Je me souviens aussi qu'il y avait des anfractuosités avec un sifflement d'air, comme du vent qui aurait réussi à s'immiscer dans les galeries.
     
    C'est exactement à cela que j'ai pensé hier soir, en écoutant sur Mezzo le prodigieux concert donnant cinq oeuvres du compositeur estonien Arvo Pärt, né en 1935. Enregistrement le 20 octobre 2018, Philharmonie de Paris, Talinn Chamber Orchestra, Estonian Philharmonic Chamber Chor, le tout dirigé par le grand chef estonien Tonu Kaljuste.
     
    Je vous invite, si vous ne la connaissez pas, à découvrir la musique d'Arvo Pärt. C'est l'un de nos plus grands contemporains. On le qualifie de "minimaliste", et c'est vrai que son style est le plus épuré qu'il nous soit donné d'entendre. Il joue de quelques accords, rejette toute fioriture, toute modulation, nous donne à écouter la note, dans une totalité qui rappelle le plain-chant grégorien. Parfois, cet effet qu'Arvo Pärt appelle le style "tintinnabuli", et qui simule le son d'une cloche, ou de clochettes. Des gouttelettes aussi, peut-être.
     
    La note s'étend dans l'immensité de ce qui pourrait bien être une grotte de montagne. Un tunnel en construction, d'où perlent les gouttes, de partout. C'est une musique de barrage, dans ses entrailles. C'est une musique de cathédrale. Une musique d'une incroyable modernité, contemporaine à nos angoisses, nos aspirations à l'unité retrouvée.
     
    Hier, sur Mezzo, c'étaient Fratres, puis le Cantus in memoriam Benjamin Britten, puis Adams Lament, puis Salve Regina, puis son fameux Te Deum.
     
    Cet univers sonore nous amène dans un autre monde. Ou plutôt non : dans ce monde-ci, le nôtre, dans ce qu'il a d'élémentaire, d'aérien, de liquide, de minéral. Des tuyaux d'orgues, en plus simple, avec comme seul jeu celui de la vie et de la mort. La vie, avec ses pulsations, son rythme, le temps qu'elle prend. Comme Jean-Sébastien Bach, c'est une musique pour les vivants. La musique de la vie.
     
     
    Pascal Décaillet