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Sur le vif - Page 222

  • Fascinante Allemagne : puissance et fragilités

     
     
    Sur le vif - Mardi 14.09.21 - 13.10h
     
     
    A douze jours d'une échéance électorale majeure, celle de l'après-Merkel, l'Allemagne est calme, elle est prospère, elle est plus puissante que jamais depuis la guerre, et cette fois sa domination sur une partie du continent s'est opérée sans le moindre coup de feu.
     
    Toute ma vie, je me suis rendu en Allemagne. Jusqu'à ma mort, j'y retournerai. Jamais je n'ai senti le pays aussi solide, aussi fiable, qu'aujourd'hui. En Allemagne, comme d'ailleurs en Suisse, les choses fonctionnent. Le réseau routier est prodigieux. La confiance règne. Les contrats sont respectés. Les gens sont ponctuels. Le respect domine les échanges. Le partenariat social, entamé dès les années bismarckiennes, fonctionne.
     
    La culture, sous toutes formes, classiques ou expérimentales, est omniprésente. La musique, plus que jamais, enchante le pays : d'innombrables créateurs, aujourd'hui, composent, et sont joués. Le théâtre est d'une vitalité incroyable, avec, comme sous Brecht et Heiner Müller, sa part d'invention, de rupture des normes, de provocation : exactement ses fonctions depuis la tragédie grecque, il y a vingt-cinq siècles.
     
    La presse est d'une incroyable richesse analytique : la Frankfurter Allgemeine et, en Suisse, la NZZ, sont parmi les meilleurs journaux du monde. Quel contraste avec les déjections de fiel du paysage médiatique français !
     
    A l'Est, l'Allemagne étend sa domination, à un point que nul n'aurait osé imaginer à la fin du vingtième siècle : en Pologne, en Bohême, en Moravie, dans les Pays Baltes, les réseaux économiques et commerciaux de l'Allemagne multiplient leurs tentacules jusqu'aux confins de l'Ukraine, ou de la Biélorussie. C'est pour cela que l'Allemagne a poussé, depuis la Chute du Mur, à "l'élargissement" de l'UE à l'Est : sous couvert d'Europe, Berlin a joué la carte nationale allemande. Ce qu'on appelle aujourd'hui Europe, c'est au fond l'Allemagne.
     
    Une fragilité toutefois, majeure : les Länder de l'ex-DDR (Saxe, Saxe-Anhalt, Thuringe, Brandebourg, Mecklenburg-Vorpommern) sont oubliés, méprisés parfois, par le capitalisme rhénan au pouvoir, même si Berlin est Ville fédérale. La brutalité du "rachat" de l'Est par Kohl, sur des bases uniquement d'investissements financiers par centaines de milliards, se payera cher. L'Est demeure l'Est, l'Ouest demeure l'Ouest. Promenez-vous dans l'Est : vous n'y verrez guère d'Allemands de l'Ouest, plutôt des Polonais, des Tchèques, des Lituaniens.
     
    Ces oubliés de la prospérité, l'Allemagne doit absolument les réhabiliter. Nombre d'entre eux peinent à saisir qu'on ait pu investir autant de milliards pour absorber la vague migratoire de 2015, ils les auraient préférés affectés à l'aide sociale interne, au sein de la Gemeinschaft.
     
    Bref, un pays prospère, puissant, fascinant. Mais l'unité, inachevée. L'Ostpolitik, trop commerciale : il manque la culture, l'élan des âmes. C'est ainsi que la concevait l'immense Chancelier Willy Brandt (1969-1974). C'est ainsi, en tout cas, qu'il devait l'avoir dans les tréfonds de l'âme, ce jour de décembre 1970, quand, à la surprise générale, il s'est agenouillé à Varsovie. Ce jour-là, en cette minute même, la Vieille Allemagne, que ma mère avait connue dans sa jeunesse, celle qui enchante les consciences d'Europe depuis plus de mille ans, renaissait de ses cendres. Elle revenait de loin. Elle ira loin, très loin.
     
     
    Pascal Décaillet
     

  • Les allophones ? Mais c'est à eux de faire l'effort !

     
    Sur le vif - Vendredi 10.09.21 - 15.05h
     
     
    Les allophones ? Mais c'est à eux d'aller vers notre langue ! Quand j'étudie le latin, ou le grec, ou l'allemand, je sais que cet apprentissage sera à la fois source de joie profonde et de souffrance. C'est le jeu. C'est le lot du chemin de connaissance. Unterwegs zur Sprache !
     
    La joie profonde : celle de pénétrer lentement, en douceur, sur des années d'apprentissage, la représentation du monde par des mots qui ne sont pas ceux de ma naissance. Mais ceux d'une con-naissance. Alors, pour aller vers cette autre langue, il faut naître une deuxième fois. Et refaire le chemin. Rien que la beauté de cet acte, comparable au premier contact avec la musique, justifie dix mille fois que la vie, sur terre, soit vécue.
     
    La souffrance : mais c'est celle de tout chemin vers la connaissance ! En français, la difficulté majeure provient sans doute de l'orthographe, oui. En latin, pas du tout, mais de la syntaxe, qui exige d'apprécier la construction d'une phrase avant même de tenter de la traduire. En grec, ni l'un ni l'autre, mais la prodigieuse richesse, donc la complexité, des formes verbales. En allemand, la tournure de la phrase, lorsque des génies de la perversité, comme Kafka ou Thomas Mann, vous en balancent qui font une page complète ! Alors on cherche le point, on cherche le verbe, on sue, on jouit de se perdre dans la forêt de ce qu'on aime.
     
    Les allophones ? Je les félicite et les remercie d'aller vers notre langue. Mais désolé, c'est à eux de faire l'effort. La langue, y compris dans ce qu'elle a de complexe, de biscornu, n'a pas à s'abolir pour descendre vers eux. Non, ils ont, eux, à prendre acte des aspérités, et lentement les maîtriser.
     
    Nulle rencontre d'amour, ni de beauté, ne peut procéder d'un abandon. Mais d'une conquête mutuelle, jamais acquise, toujours recommencée. L'aspirant chemine vers la forme. La forme, peut-être, si tel est son bon plaisir, se donne à lui.
     
     
    Pascal Décaillet

  • Réflexion sur les religions : la RTS abandonne ? GAC continue !

     
    Sur le vif - Mercredi 08.09.21 - 14.18h
     
     
    La RTS renonce à vous parler de religion ? Eh bien, pas GAC !
     
    L'analyse historique, philosophique, linguistique, des grands courants religieux, ceux d'aujourd'hui et ceux d'hier (l'Antiquité, par exemple), nous passionne. Plus que jamais, nous donnerons la parole à ceux qui, dans ce domaine, ont des choses à dire. Non comme propagandistes d'une quelconque foi. Mais comme connaisseurs. En toutes choses, la profondeur d'un savoir, la capacité d'établir des connexions, la puissance d'une mise en perspective historique, sont les clefs du salut. Nous ne défendons pas ici la religion, mais le SAVOIR, tout simplement. Nous sommes enfants de la connaissance, nous assumons cette filiation.
     
    Dernier exemple en date : le lumineux Pasteur Marc Pernot, un homme qui nous parle de nous, notre présent, notre destin, était avant-hier, lundi, le grand invité de GAC. Il nous parlait, en termes simples et parfaitement accessibles, des mythes bibliques. En quoi, selon lui, ces textes antiques résonnent encore puissamment dans nos âmes. Et au fond, en quoi ils nous concernent.
     
    La RTS renonce à faire son boulot dans ce domaine, qui relève de la science de l'Histoire des religions, du factuel, de l'interprétation des textes, donc de la connaissance intime de la langue, et non d'un quelconque prosélytisme. Libre à elle, chacun assume ses choix. Celui de GAC est de continuer d'accueillir des interlocuteurs, tous horizons confondus, toutes convictions mêlées, qui ont des choses à dire sur le sujet. Ouvrir le champ de la parole. C'est un peu l'idée - mais je suis profane en la matière - de ce qu'on appelle le journalisme.
     
     
    Pascal Décaillet