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Sur le vif - Page 220

  • Les racines - Le ciel

     
    Sur le vif - Lundi 24.01.22 - 14.47h
     
     
    Pourquoi la gauche s'effondre ? Pour une raison simple : elle a perdu tout contact, dans nos pays, avec les classes populaires. Elle ne s'intéresse plus au social. Elle s'enivre dans le sociétal, les questions liées au genre, à la couleur de la peau, aux minorités. Elle s'accroche désespérément à la dernière mode surgie de tel campus américain, ou aux élucubrations de tel "chercheur en sciences sociales à l'Université de Lausanne". Sur nos ondes publiques, ce dernier est devenu parole oraculaire, cléricature, prêche dominical, sauf que c'est tous les jours de la semaine, parfois toutes les heures.
     
    Pendant ce temps, en Europe, la droite nationale monte. Populaire. Offensive. Retentissante. Elle se soucie des plus précaires. Du pouvoir d'achat. De la solitude des plus âgés. De la formation des jeunes. De l'apprentissage. Elle prône la préférence à l'emploi pour les nationaux. Elle exige une régulation drastique des flux migratoires. Elle veut la Nation, avec ses frontières, celles qui délimitent le périmètre d'une communauté, celles qui protègent les plus faibles. Bref, la droite nationale fait exactement ce que devrait faire la gauche.
     
    La gauche ne jure plus que par l'Autre. La droite nationale nous parle de nous, en tant que Nation, notre identité (pas une ethnie, mais un rapport commun à la mémoire, aux morts, aux grands combats qui fondent le pays). La gauche encense le migrant, donne la terrible impression de mépriser le sédentaire, celui qui a toujours vécu là, dans le sillage de ses aïeux. Celui qui depuis des décennies, par son travail, fait vivre la communauté nationale. La gauche ne se soucie plus que du passager, du passant, du passage. Elle encense le mouvement, le bavardage de salon. A la seule idée du silence, fille du vent, elle se pétrifie d'angoisse.
     
    La gauche perd pied. Elle se coupe des racines. Elle s'envole vers l'universel. La droite nationale reste là. Sur la terre. Elle creuse son sillon. Elle attend la moisson.
     
     
    Pascal Décaillet

  • Et maintenant, la "cohésion sociale" : quel culot !

     
    Sur le vif - Dimanche 23.01.22 - 10.48h
     
     
    « Sans journalisme, la cohésion sociale est en danger », ose titrer le Matin dimanche : propos d’une personne interviewée.
     
    « La cohésion sociale » ! Ils n’ont pas peur du ridicule. Pourquoi pas l’existence des anges, tant qu’on y est ?
     
    La « cohésion sociale », aujourd’hui, elle est sur les réseaux. J’y suis, vous y êtes, nous y sommes tous, des centaines de millions d’humains, sur la planète.
     
    La cohésion, mais aussi la connaissance partagée. La transmission des passions. Les coups de cœur, les coups de gueule. Les auteurs : nous tous ! Pas de rédacteur en chef. Pas de « séances de rédaction », avec leurs éternelles grandes gueules, souvent les pires journalistes. Pas de syndicat. Pas de corporatisme.
     
    Rien de tout cela. Mais la joie d’être là. L’immédiateté. L’inattendu. Le jaillissement de la surprise. La soudaine découverte, chez le plus obscur des quidams, d’une plume de feu.
     
    Et il faudrait continuer à soutenir un système archaïque, ne visant que la survie de sa propre corporation ? Perpétuer une machine à Tinguely ?
     
    Ma réponse est non. La cohésion sociale, je suis pour. C’est même, comme citoyen, mon impératif premier. Retraites. Solitude des seniors. Emploi des jeunes. Apprentissage. Fiscalité étouffante sur les revenus du travail. Primes maladie. Pouvoir d’achat. Je passe ma vie professionnelle à monter des débats sur ces thèmes-là.
     
    Mais de grâce, ne confondons pas tout : la survie de la « presse traditionnelle » n’a strictement rien à voir avec cela. Et pour cause : ces médias ne nous parlent plus que de questions germanopratines, liées au genre, ou à la couleur de la peau. À la cohésion sociale, ils préfèrent le doucereux zéphyr des modes.
     
     
    Pascal Décaillet

  • La mythologie des "faits". Avec ventilateur et bouteille de whisky.

     
    Sur le vif - Samedi 22.01.22 - 17.34h
     
     
    Les agences de presse, issues des débuts du télégraphe, au dix-neuvième siècle, n'ont absolument plus aucune raison d'être, en 2022. Les professionnels vous diront le contraire, les agenciers eux-mêmes bien sûr, les syndicats, et toute la machinerie lourdingue qui tourne autour du journalisme organisé en "rédactions". Avec, plus haut, des "directions". Et, encore plus haut, des "conseils d'administration". Tout ce petit monde vous dira le contraire. Les mêmes qui ne cessent de répéter que "le journalisme est indispensable à la démocratie". Ils ne manquent pas d'air.
     
    Jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale, c'est l'opinion qui prévalait dans les journaux, j'ai travaillé sur des milliers d'entre eux. Dans l'après-guerre, la constitution des "faits" a pris de l'ascendant, surtout ces cinquante dernières années. Dans toute école de journalisme, on vous dira, bien sagement, qu'il faut principalement établir des faits. Et, très subsidiairement, si vraiment vous y tenez, si vraiment vous avez l'âme éditoriale, vous pourrez de temps en temps vous essayer au commentaire. Mais ça doit être rare, mon pauvre ami, garde-toi d'y prendre goût ! Au Journal de Genève, où j'ai fait mes premières années de journalisme, il y a bientôt quarante ans, il y avait, au centre de la rédaction, rue du Général-Dufour, un cagibi, avec vue sur la cour intérieure, où avait droit de venir phosphorer, tout un après-midi, dans la solitude et le silence, celui qui avait charge de rédiger le "commentaire" du lendemain. Le saint des saints. De temps en temps, on lui apportait un café, sur la pointe des pieds. Tout à son oeuvre, il nous chuchotait un furtif "Merci !".
     
    Oui, les faits ont pris l'ascendant. Jusqu'à être magnifiés dans cet exercice sur lequel j'ai beaucoup à dire (et pas que du bien) appelé le "journalisme d’investigation". Pour avoir donné au Journal de Genève (je n'y étais déjà plus, étant passé à la RSR, pour de très longues et magnifiques années) cette tonalité de remueurs et de limiers, n'hésitant pas à bousculer oligarques et financiers, certains portent la responsabilité d'avoir, de l'intérieur de la rédaction, coulé le Journal de Genève (1826-1998). L'ADN de ce dernier était l'analyse, le commentaire, le recul, la mise en perspective historique, la qualité des plumes. "Certains" n'ont pas trop apprécié qu'il tente de devenir un bureau de détectives. A la Chandler. Avec ventilateurs et bouteilles de whisky.
     
    Ces dernières années, les journalistes ont totalement perdu leur monopole sur le commentaire, et c'est très bien ainsi : sur ce même réseau où j'écris ces lignes, et où je me sens si bien, tout humain peut créer un compte, nous donner son avis sur ce qu'il veut.
     
    Les journalistes ont perdu ce monopole, alors ils ont trouvé une combine pour bien nous persuader qu'ils sont "indispensables à la démocratie" : ils reconnaissent leur défaite sur la dimension éditoriale, mais en contrepartie, ils tentent sur tous les tons de nous convaincre qu'ils ont, seuls au monde, autorité à établir des "faits". Je vous en parlerai, un jour aussi, de ce terrorisme du factuel, dont il convient de démonter la grande illusion. Alors, comme tout repose désormais sur la dogmatique des "faits", il faut évidemment sauver le Temple delphique de leur élaboration, les agences de presse. En leur donnant de l'argent.
     
    En boucle, on nous répète que les "faits", ancrés dans une prétendue recherche impartiale de la vérité, ne relèvent pas de l'idéologie, contrairement à l'éditorial. C'est faux, et j'y reviendrai. Et surtout, c'est à géométrie variable : quand les journalistes français interrogent Eric Zemmour, l'invité a immédiatement droit à l'ineffable exercice du "fact-checking" (en anglais, ça fait plus sérieux), en fin d'émission, pour bien montrer au public à quel point il brode, et raconte des salades. Que la même équipe soit invitée à l'Elysée pour interviewer Emmanuel Macron, toute syllabe présidentielle sera bue et sanctifiée, sans la moindre remise en cause "factuelle". Deux poids, deux mesures. Le "fait", instrumentalisé.
     
    Nous sommes à l'époque des réseaux sociaux. On peut montrer son chat, les plats que l'on déguste, chacun est libre. On peut aussi commenter, nous ne nous en privons pas. Mais rien, strictement rien, n'interdit à un quelconque quidam, habité par la mission d'établir "les faits", de se livrer à l'exercice. S'il accomplit bien son boulot, au fil du temps, cela se verra, cela se saura. Et il aura, un jour, tout crédit pour servir de référence. Les journalistes ont perdu le monopole du commentaire. Ils perdront bientôt celui des "faits". Et les agences de presse, pour nous convaincre de leur foncière utilité, pourront peut-être nous rétablir les pigeons-voyageurs. C'est léger, c'est discret, c'est fiable. Et ces volatiles providentiels seront peut-être bien les derniers, à part quelque poète maudit, à vivre de leurs plumes.
     
     
    Pascal Décaillet