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Commentaires GHI - Page 9

  • Mortels, mais lucides

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 02.04.25

     

    Un parlement cantonal. Un délibératif municipal. Une émission politique à la télévision. Les colonnes d’un journal, comme celui que vous avec entre les mains. Un réseau social bien géré, où l’on s’exprime sur le fond, et non sur les personnes. Entre tout cela, un point commun : constituer un forum de discussion. Un lieu où des gens s’expriment, sur des sujets d’intérêt public. On n’est pas d’accord, on pose ses arguments, on s’explique, au besoin on s’engueule un bon coup, comme on le fait depuis 150 ans, dans les bistrots valaisans, entre radicaux et conservateurs. C’est vif, mais fraternel.

     

    Ce que nous devons conserver, c’est cela. Un lieu, peu importe où, peu importe le support, où puissent s’exercer les antagonismes de la Cité. La gauche contre la droite, les libéraux contre les étatistes, tout ce que vous voulez. Il ne s’agit pas d’être de gauche ou de droite. Il s’agit de maintenir, dans l’espace public, des aires de discussions, non sur l’intimité de l’individu, mais sur les enjeux qui nous sont communs. Pour cela, il faut des participants ayant un minimum de sens du collectif, de la République, de l’intérêt supérieur d’une communauté politique, tiens par exemple la nation. Et là, on pourra commencer à construire quelque chose.

     

    Le combat de ma vie, c’est cela. Parler, et faire parler, de la Cité. Celle d’Aristote. Notre lieu de vie, à nous, êtres sociaux. Mortels, mais assoiffés de lucidité.

     

    Pascal Décaillet

  • Le péché originel de la Réunification

     

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 02.04.25

     

    Journaliste depuis quarante ans, j’étais déjà à la RSR lorsque le Mur de Berlin est tombé, le 9 novembre 1989. Je me souviens, ce jour-là, d’avoir traduit, jusque tard dans la nuit, pour les Matinales du lendemain, les discours de Willy Brandt, Helmut Kohl et Hans-Dietrich Genscher. J’avais un casque sur les oreilles, et une machine à pédales qui me permettait, avec le pied gauche, de faire reculer le magnéto, et avec le droit, de l’avancer, tout en surimprimant ma voix, en français, à la version originale allemande. C’étaient encore les bandes magnétiques, sur lesquelles j’ai travaillé les dix premières années de mon parcours à la radio. Ca, c’est pour l’anecdote.

     

    J’en viens au fond. Bien qu’immensément germanophile (je l’ai été toute ma vie), je me suis tout de suite méfié de la chute du Mur. Oh, pour le peuple allemand, je m’en suis évidemment réjoui : il retrouvait une grande patrie unique, après plus de quarante ans de division. D’une phrase, saisissante comme jamais, le grand Willy Brandt, au soir de sa vie en ce 9 novembre 1989, avait tout résumé en quelques mots : « Jetzt kann zusammenwachsen, was zusammengehört ». « Maintenant, ce qui est du même terreau va pouvoir grandir ensemble ». Mais pour le reste, oui, je me suis immédiatement méfié : j’ai très vite perçu que, sous le mot magnifique de « Réunification », le glouton Helmut Kohl, chancelier atlantiste à l’Ouest, aux ordres du capitalisme, allait purement et simplement phagocyter la DDR. L’avaler toute crue !

     

    L’ogre rhénan est allé au-delà de toutes mes craintes. L’Allemagne de l’Est, entendez les trois nations historiques que sont la Prusse, la Saxe et la Thuringe, berceaux de ce que la civilisation allemande a produit de plus grand, Luther et Bach par exemple, mais aussi Kant, a été purement et simplement annexée, comme un pays conquis, par l’Ouest. Son économie a été foutue par terre, on a mandaté une fiduciaire ultra-libérale pour transformer la DDR en régime capitaliste. Les verrous de protection sociale, dont certains excellents, ont sauté. On a instillé dans ce pays, où le sens du collectif était particulièrement poussé, un venin d’individualisme atlantiste, d’inspiration reaganienne et thatchérienne, qui n’a strictement rien à voir avec la grande tradition de la pensée prussienne, encore moins avec la conception luthérienne de la société. On a dénaturé la DDR. On l’a saccagée, On en a fait un satellite, vassal de l’idéologie capitaliste de l’Ouest. On a déboulonné Marx pour le dollar. Cette Allemagne-là, quoi qu’on pût penser de son régime politique, valait tellement mieux.

     

    Ce qui arrive aujourd’hui, dans les Länder de l’ex-DDR (Thüringen, Sachsen, Sachsen-Anhalt, Brandenburg, Mecklenburg-Vorpommern), va puiser ses racines dans la brutalité de l’annexion par l’Ouest, dans les années qui ont suivi 1989. Le corps social de l’ex-DDR a été lacéré, déchiqueté. On a voulu lui greffer un modèle libéral, et même ultra, qui n’avait rien à voir avec sa tradition. L’Allemagne d’aujourd’hui en paye le prix. Il fallait, une bonne fois, que ces choses-là fussent dites.

     

    Pascal Décaillet

  • Le réarmement allemand

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 26.03.25

     

    Le « réarmement européen », nouvelle trouvaille d’Emmanuel Macron pour faire oublier la dette abyssale de la France, ce sont des mots, et seulement des mots. Il ne pourrait exister de « défense européenne » que s’il y avait, en amont, une Europe politique, nous en sommes loin, à des années-lumière.

     

    Considérons le réel, tel qu’il est : l’Europe, pour l’heure, n’existe pas, hors du fatras administratif de Bruxelles. L’échelon de souveraineté, l’échelon affectif, l’échelon mémoriel, c’est celui des nations. La nation française, la nation allemande, etc. Et les armes que chaque nation se forge, ce sera pour les utiliser, le jour venu, non pour « l’Europe », concept flou et flasque, mais pour elle-même. Les armes françaises serviront à la France. Et les allemandes, à l’Allemagne.

     

    Le réarmement allemand ! C’est une autre paire de manches ! Le programme massif, sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale, voté par le Bundestag, prévoit des centaines de milliards pour relancer l’armement et une industrie qui en a sacrément besoin, tant elle a vieilli.

     

    Il y a une différence entre les Français, qui sont des beaux parleurs, et les Allemands : ces derniers, quand ils prennent un engagement, ils le tiennent. Ils vont jusqu’au bout. L’Allemagne va donc se réarmer massivement. C’est une première depuis 1945. Le jour venu, elle aura ses armes à sa disposition. Pour sa propre politique. La page de l’après-guerre est tournée.

     

    Pascal Décaillet