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Commentaires GHI - Page 12

  • Bavardages sur le néant

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 13.11.24

     

    Il y a quelques années encore, un « chroniqueur » était une plume, ou une voix, qui surgissait de façon régulière, tel jour et à telle heure, pour nous livrer sa compétence, son regard, ses lumières. On l’attendait, on se réjouissait de le lire ou l’entendre. Toute mon adolescence, abonné au Nouvel Observateur, je trépignais de découvrir Delfeil de Ton, ou Jean Daniel, ou Françoise Giroud. Dans les années cinquante, les lecteurs du Figaro brûlaient de savourer le redoutable et souvent vipérin « Bloc-Notes », de François Mauriac.

     

    Depuis une décennie ou deux, le mot « chroniqueur » a dévié. Il désigne aujourd’hui, sur les chaînes privées françaises, un homme ou une femme qui s’en vient faire salon au sein d’une équipe, toujours la même. Et qui salive à donner son avis sur tout, et n’importe quoi. Le chroniqueur n’est plus spécialiste, il est juste fragment de mondanité, paravent de bavardage. Le meneur d’antenne aligne les sujets du jour, on part dans tous les sens, les « chroniqueurs » surenchérissent de rivalité dans le génie du Café du Commerce, et puis on va se coucher.

     

    Rarement l’usage d’un mot n’aura autant été dévalorisé que celui de « chroniqueur ». Ce qui, à l’origine, procédait d’une connaissance intime du sujet, de la finesse d’une plume ou de la qualité d’une voix, s’est proprement liquéfié, jusqu’à devenir bavardages sur le néant. Ça vous convient ? Moi, pas trop.

     

    Pascal Décaillet

  • Il était une fois la DDR

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 06.11.24

     

    Tombées en 1945 dans la zone d’occupation soviétique de l’Allemagne, la Prusse, la Saxe et la Thuringe historiques ont eu l’obligation de former un régime communiste, et c’est ainsi qu’elles ont constitué, dès 1949, la DDR, République démocratique allemande. En même temps, à l’Ouest, sous occupation américaine, britannique et française, se formait l’Allemagne fédérale, capitaliste, et hyper-américanisée.

     

    Deux mondes. Très attachés à l’un comme à l’autre, les connaissant, respectueux de leurs différences, n’ayant jamais eu de ma vie un seul mot contre la DDR, je pensais, dans ma jeunesse, que ces deux univers étaient pour toujours séparés. Je me suis trompé. Le 9 novembre 1989, il y a juste 35 ans, le Mur de Berlin est tombé. Avec lui, la DDR, pays souverain, a été emporté. Avalé, phagocyté, par la gloutonnerie capitaliste d’Helmut Kohl.

     

    Ce qu’on appelle « Réunification », un bien beau mot, cache hélas une autre réalité : rachat glacial, méprisant, de l’Allemagne de l’Est par celle de l’Ouest. Tout cela, sous la bénédiction d’une opinion publique occidentale ânonnant toute la propagande de l’Ouest contre la DDR. 35 ans plus tard, les historiens sérieux font la part des choses. Le régime, certes, imposé par Moscou, était insupportable, je n’ai jamais dit le contraire. Mais le legs de la DDR, en vie associative, en protection sociale, en ambitions culturelles, théâtrales, musicales, sportives, méritait un autre destin que d’être balayé les valets de l’Oncle Sam. Une part de la DDR doit être réhabilitée. Je m’y emploie.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Des irresponsables laissent crever notre industrie !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 06.11.24

     

    J’ai passé mes premières années à quelques mètres des mythiques usines de Sécheron. Il y avait encore du travail. Des ouvriers. Le parfum d’une activité humaine, sur le métal. A cette époque, il y avait encore les Charmilles, Alusuisse à Chippis, la métallurgie du Triangle d’or, Argovie et Zurich, la machine-outil dans l’Arc jurassien. La Suisse n’a, certes, jamais été un géant industriel, surtout en comparaison de son exceptionnel voisin du Nord, l’Allemagne, première puissance économique d’Europe (hélas, aujourd’hui bien essoufflée), quatrième du monde. Mais tout de même, notre petit pays, si pauvre en matières premières, en minerai, a su, sous l’impulsion géniale et visionnaire des radicaux de 1848, tirer un profit remarquable des quelques secteurs d’excellence dans lesquels la Révolution industrielle l’avait lancé.

     

    Le plus prestigieux de tous, encore bien vivant aujourd’hui, est évidemment l’horlogerie, mais notre petite et courageuses Suisse avait aussi marqué des points décisifs dans la métallurgie, et même dans la sidérurgie. Lâchement abandonnés, depuis quarante ans, par des irresponsables, ces secteurs, aujourd’hui, se meurent, dans la cynique indifférence des pouvoirs publics. Prenez les légendaires verreries de Saint-Prex (VD), que j’ai eu l’honneur, dans mon enfance, de visiter en famille, ainsi que tant d’autres usines. Prenez Stahl Gerlafingen (SO) : chaque fois, le même scénario, sans soutien sur les conditions de leur survie, ces entreprises ferment des sites, licencient, les syndicats se fâchent, la presse en fait ses titres quelques jours, puis passe à autre chose. Et le libéralisme, dans ce qu’il a de pire, cette absence de volonté d’Etat, cette carence dans le dessein collectif, laisse doucement disparaître ces fleurons de notre génie industriel suisse.

     

    La Suisse doit se réinventer une passion industrielle. Et pas seulement dans « l’innovation », ce mantra de quelques petits marquis lausannois, dont certains n’ont jamais sans doute mis les pieds dans une usine. Non, la Suisse doit, à tout prix, sauver sa métallurgie, et même sa sidérurgie. L’Etat, fédéral ou dans les Cantons, doit aller beaucoup plus loin que la simple formule, totalement démissionnaire, consistant à assurer aux acteurs industriels des « conditions cadres ». Ces deux mots, répétés à l’envi, ne veulent strictement rien dire. La Confédération, les Cantons, doivent remettre l’industrie au cœur des passions collectives de la Suisse. Ils doivent impérativement baisser les coûts de l’électricité pour la sidérurgie, la France le fait, tous le font ! Ils doivent revenir au protectionnisme en matière industrielle, comme dans le domaine agricole. Ils doivent tourner la production vers les besoins du marché intérieur, ceux du peuple suisse, et se laisser moins tyranniser par l’exportation. Ils doivent redonner à chaque Suisse, chaque Suissesse, à nos jeunes, la passion du désir industriel. Hélas, nous en sommes si loin. Quatre décennies de libéralisme financier ont mis à terre un fleuron de notre Suisse moderne.

     

    Pascal Décaillet