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Commentaires GHI - Page 12

  • Les éditorialistes en robe d'hermine

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 05.03.25

     

    Pendant des décennies, je me suis senti bien seul, en Suisse romande, dans l’exercice éditorial. A vrai dire, depuis la chute du Mur de Berlin, le 9 novembre 1989. M’en étais-je réjoui ? Oui, pour le destin allemand. Mais en lectures et récupérations idéologiques, pas du tout ! Je n’ai jamais cru, une seule seconde, à la « victoire définitive du capitalisme », pas plus d’ailleurs qu’à la « chute irréversible du communisme ». Pas plus qu’à l’effacement, à terme, de la Russie. J’ai toujours cru aux zones d’influence, qui déterminent les rapports de forces, et non les « déclarations d’indépendance », en s’imaginant qu’on va se placer sous le parapluie de l’Occident. Bref, je ne marche jamais aux histoires de gentils et de méchants, je garde en politique internationale une tête absolument glacée, pour moi la lucidité doit primer sur la morale, les bons sentiments, le manichéisme.

     

    Dans tous ces domaines, j’étais minoritaire, parfois même seul, dans l’univers éditorial romand. De même, face aux guerres balkaniques, pendant toute la décennie 1990. Je n’ai jamais applaudi béatement à l’éclatement de l’ex-Yougoslavie. Jamais diabolisé les Serbes. Toujours invité à décrypter ce conflit comme une volonté américaine de prendre pied, via l’OTAN, dans les Balkans, et d’accéder ainsi à des sources d’énergie renforçant leur puissance en Europe. Pendant ce temps, la meute des éditorialistes romands, consanguins comme jamais, nous abreuvait de morale, désignait le coupable et l’innocent. Elle n’analysait pas, elle montait en chaire.

     

    Ils ne savent faire que cela, moraliser, sataniser. Leur vie n’est qu’un interminable Jugement dernier, les bons d’un côté, les méchants de l’autre. Leur manque d’ascèse historique (lire des livres, consulter des archives, donnant la parole à tous, laissant ainsi se révéler, sur des milliers de lectures, au fil des décennies, une photographie nuancée du réel), ils le compensent par des comportements de juges, de procureurs. Leur vêtement de prédilection, c’est la robe d’hermine. Notre univers éditorial, ces dernières décennies, n’avait plus rien à voir avec l’exercice constant de lucidité que nous proposait un René Payot, dans le Journal de Genève. Il est devenu un club de moralistes, jetant l’opprobre, faisant procès, condamnant à l’emporte-pièce, ostracisant, exécutant, damnant la mémoire, imposant, telle une Congrégation pour la doctrine de la foi, la version officielle, unique, irréfutable.

     

    Nous sommes début mars 2025. Les choses ont-elles changé ? Oui, d’autres voix se sont mises à poindre, je les salue. Pour autant, ma solitude demeure. Car je commence à percevoir, au sein des nouveaux vainqueurs, la même tendance au catéchisme inscrit dans le marbre. La même intolérance. La même tendance à s’ériger en cléricature. C’est, notamment, le cas face au conflit au Proche-Orient, où tout défenseur de la Palestine se voit immédiatement mis à l’écart. C’est insupportable. J’y reviendrai.

     

    Pascal Décaillet

  • L'anglais ? Non, merci !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 26.02.25

     

    Nous avons, en Suisse, quatre magnifiques langues nationales : l’allemand, le français, l’italien, le romanche. L’anglais n’en fait pas partie. En aucun cas un document officiel, émanant de la Confédération, d’un Canton ou d’une Commune, ne doit porter un titre en anglais. En aucun cas, le Président de la Confédération, un Conseiller fédéral, un Conseiller d’Etat, ni un Maire, ne doit s’exprimer en anglais, dans une allocution officielle. L’anglais n’est pas une langue suisse.

     

    Nous avons, en Suisse, de grandes régies, dont la majorité du Capital est détenue par la Confédération. En aucun cas, un document quelconque de La Poste, ni de Swisscom, ni d’aucun corps contrôlé par la Suisse fédérale, ne doit être libellé en anglais. Il n’y a strictement aucune raison pour que celle langue extracontinentale s’impose en Suisse, cœur de l’Europe, traversée historiquement, linguistiquement, religieusement, par tous les grands courants germaniques, latins, et même rhétiques. Mais pas par la langue anglaise !

     

    Parler anglais en Suisse (à part, bien sûr, si on est anglophone ou international de passage, et qu’on n’a aucun autre moyen de communiquer), c’est s’aligner servilement sur la première puissance impérialiste de la planète, et peu importe qu’elle soit dirigée par Trump, Biden, Obama ou un autre. Non, non et non ! Parlons français. Parlons allemand. Parlons italien. Parlons romanche. Soyons suisses. Et fiers de nos racines.

     

    Pascal Décaillet

  • Vive la Commune, cri primal du désir politique !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 26.02.25

     

    Immergé comme jamais dans les élections municipales des 23 mars et 13 avril prochains, je nage depuis début janvier dans les préoccupations, mais aussi dans les rêves et les désirs de nos 45 Communes genevoises. J’écoute des centaines de candidats, tous partis confondus. Et lentement, commence à germer dans mon esprit un état des lieux, précis et documenté, sur le statut de la Commune à Genève, petite ou grande, peuplée ou non, urbaine ou campagnarde, ce qu’elle est, ce que sont ses aspirations en champs de compétences, en autonomie, en dignité par rapport au Canton. Le premier constat, c’est que la taille importe peu, la Commune est l’instance citoyenne première, surgie du fond des âges, proche, viscérale, où se jouent des aspirations citoyennes concrètes, immédiatement visibles, fondamentales dans le lien de confiance qui fonde l’essence même du Contrat social. Cet échelon premier, tellement précieux, doit non seulement être maintenu, mais renforcé.

     

    Du fond des âges, oui. Notre Canton, l’un des plus récents dans l’Histoire suisse, ne date que de 1815, c’est hier. Mais nos Communes existaient déjà depuis des siècles. Dans la plupart d’entre elles, nous avons des traces et des archives médiévales, parfois même des strates d’archéologie antique. On sait aussi que, pendant la période française de Genève, entre 1798 et 1813, la Commune fut gérée d’en haut, de façon jacobine, et qu’il en reste aujourd’hui, hélas, des habitudes, à en juger par l’arrogance du Canton, « autorité de tutelle », notamment dans les questions d’aménagement du territoire. Chez nos voisins vaudois, la Commune a beaucoup plus d’autonomie, le Canton la prend au sérieux, la respecte. Mon sentiment dominant, à l’écoute de ces foules de candidats qui se pressent dans mes émissions, est celui du déficit d’écoute de la Commune, par rapport à l’autorité cantonale. La Constituante n’a pas résolu cette question majeure, il faut s’y atteler dès la prochaine législature.

     

    Mais la Commune, c’est surtout le cri primal du désir politique. Au milieu des clans, des familles, des sociétés locales, la Mairie et le délibératif constituent le premier contact avec cette grande ambition républicaine qui s’appelle l’Etat. On y prend des décisions immédiatement visibles, on doit en répondre dès qu’on descend dans la rue, et qu’on croise un administré qui vous engueule, pas question d’anonymat, et ce risque permanent de clash, dès qu’on met les pieds dans un bistrot, est magnifique. Il calme les ardeurs d’autoritarisme, remet en place l’édile dans son rôle de serviteur, et non de féodal installé. Enfin, la Commune, dans ses projets culturels ou sportifs, charrie des rêves, une valeur ajoutée pour toute une population, et c’est magnifique. De cette dimension de désir, le Canton devrait s’inspirer. La politique, c’est construire ensemble, et c’est un fils d’ingénieur qui vous le dit. Bâtir, donc rêver. Rêver, donc vivre. Vive la Commune !

     

    Pascal Décaillet