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Commentaires GHI - Page 14

  • Profs d'allemand, passionnez vos élèves !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 12.02.25

     

    L’allemand : l’une des plus belles langues du monde. Par sa musicalité, quand elle est chantée, ou quand on en lit les poèmes à haute voix, en respectant la métrique (plus complexe qu’en français), en marquant chaque virgule, en respirant, en soulignant les silences, comme en musique, tout cela devrait s’apprendre dès le plus jeune âge. Mais si la langue allemande ravit les sens, elle séduit infiniment, aussi, les cerveaux. Comme le latin, comme le grec, elle exige, dès l’enfance, un effort intellectuel pour se plonger dans une syntaxe pas toujours simple. Prenez Thomas Mann, prenez Kafka, les deux plus grands narrateurs de langue allemande (avec Musil) du vingtième siècle, il faut entrer dans la structure de la phrase, c’est une ascèse, un chemin vers l’art, il y faut un effort cérébral. Il existe, chez Thomas Mann, dans la Mort à Venise comme dans de plus longs romans, des descriptions de maladie, par exemple, ou de symptômes, d’une époustouflante précision, qui passionne les médecins. Nous sommes dans un art du récit d’une finesse rarement atteinte.

     

    Alors, comment un prof d’allemand peut-il passionner ses élèves, disons au niveau Collège (15 à 19 ans), encore que la dernière année du Cycle d’orientation, pour les meilleurs d’entre eux, puisse déjà donner accès à des textes littéraires ? Ma réponse : j’avance ici une piste que j’avais expérimentée, avec mes élèves, en ces temps très lointains où j’enseignais l’allemand, avant de me plonger, il y a quarante ans, dans le journalisme. Je dis qu’il faut prendre des poèmes, et les faire lire impérativement à haute voix par les élèves. En reprenant vingt fois, cent fois, la lecture, toutes voix confondues, jusqu’à la maîtrise acquise de la métrique (le iambe de Hölderlin, par exemple, d’inspiration grecque, s’impose plus vite que prévu à toute oreille un peu exigeante sur la musicalité). Exercice à faire ensemble, toute la classe, prof compris, dans la fraternité devant l’œuvre à conquérir ensemble, et surtout dans la bonne humeur ! On laisse aller les voix, on cherche ensemble, on rit, en s’énerve, on est solidaires dans la réussite ou l’échec de l’exercice. On restitue enfin à la poésie cette part d’oralité dont il n’aurait jamais fallu la dessaisir.

     

    Je vais plus loin. J’invite les profs d’allemand à faire chanter leurs élèves. Tous ensemble, dans le même esprit de recherche solidaire et joyeuse. Chanter quoi ? Mais Brecht, bien sûr, dans ses incomparables parties du chœur (là aussi, inspirées de la tragédie grecque, Sophocle notamment), sur la musique exceptionnelle du Kurt Weill ! Et puis, emmenez-les au concert, écouter des Lieder, Schubert, Schumann, Brahms, Mahler, Hindemith, Richard Strauss, sur des poèmes que vous aurez précédemment lus à haute voix, en classe. Et là, chers profs d’allemand, vous qui avez choisi ce magnifique métier, je ne dis pas que vos élèves vont tous finir germanistes. Mais vous aurez dit la langue ensemble. Vous l’aurez respirée. Vous l’aurez chantée. Vous aurez semé, Un jour ou l’autre, vous récolterez,

     

    Pascal Décaillet

  • La grande errance sociétale

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 05.02.25

     

    En quarante ans de journalisme, j’ai toujours laissé hors de mon champ les « sujets de société ». Je m’occupe de politique (au sens le plus large, celui de la Cité, des citoyennes et citoyens), d’économie (passion croissante depuis deux décennies que je suis entrepreneur), de cohésion sociale, de culture. Et je crois bien que la ligne de fracture est là, dans la meute anti-Trump de 2016 : les « sociétaux » le haïssaient à cause de ses positions face au féminisme, par exemple, ses airs de sheriff, ou de matamore. Les « politiques » attendaient de voir. 

     

    Ça n’était pas un combat gauche-droite (Mme Clinton défendait la droite financière la plus libérale), non, c’était un chaotique malentendu entre deux approches du réel. Les « sociétaux » jugeaient l’homme, s’exaspéraient de ses excès, s’étranglaient de sa « vulgarité ». Les politiques analysaient le propos, le programme, le retour à l’isolationnisme et au protectionnisme économique, par exemple. Bref, ils voyaient plus large, plus factuellement, refusaient de s’incarcérer dans un jeu d’apparences. Ils avaient raison, quant à la démarche.

     

    C’était la forme contre le fond. Le vrai débat eût été de confronter le programme de Mme Clinton et celui de Donald Trump. L’internationalisme de l’une, le nationalisme de l’autre, par exemple. Pour cela, il faut s’intéresser au fond des choses. Mais juste dire « Il est vulgaire », c’est d’une détresse de jugement sidérante.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

       

     

  • Trump : ni meute, ni pâmoison!

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 05.02.25

     

    Vous vous souvenez quand même de la campagne électorale américaine de 2016, j’espère ! Le duel entre Donald Trump et sa rivale démocrate, Hillary Clinton. Ici, en Suisse romande, à part votre serviteur et de rarissimes autres, tous les chroniqueurs, tous les éditorialistes, toute l’officialité étaient pour elle, et contre lui. Pour ma part, je ne disais pas « Trump est génial », loin de là. Je disais juste que ses thèmes de campagne avaient davantage de chances de toucher l’Amérique profonde que ceux de Mme Clinton. Elle tenait un discours démocrate de salon très convenu, très intelligentsia de la Côte Est, très international. Lui, au contraire, parlait état des routes et des voies ferrées, vieillissement de l’industrie et des infrastructures, dérégulation migratoire sur la frontière Sud. Au final, il fut élu. Puis, battu quatre ans plus tard face à Biden, Puis, une nouvelle fois élu, en novembre 2024, face à Kamala Harris.

     

    Pendant la campagne de 2016 déjà, une chose me frappait : les opposants, sous prétexte que Trump était « vulgaire », ne parlaient que de sa personne, de ses outrances. Il s’est même trouvé une chroniqueuse romande pour ironiser sur la couleur « peroxydée » de ses cheveux ! Le degré zéro de l’analyse politique. C’est terrible, ces gens, cette ignorance des principes mêmes de la politique, qui ne voient que les personnes, et jusqu’à leur physique, et n’ont aucune capacité à parler programme, contenu, vraies préoccupations de la population, à commencer par les plus démunis. En quatre ans, le catastrophique Joe Biden a multiplié les guerres et les soutiens par dizaines de milliards aux pays en guerre, Trump n’avait mené aucune guerre dans ses quatre ans à lui, on continuait pourtant à encenser le gentil Démocrate, et vilipender l’odieux Républicain. Parce qu’il était « vulgaire ».

     

    « Vulgaire » ? Je ne m’en félicite pas. Je dirais même que Trump n’est vraiment pas le type avec qui j’aurais envie de partir en vacances. Mais enfin, soyons assez grands, assez mûrs, assez cultivés politiquement, assez ancrés dans l’ascèse de l’analyse historique, pour ne pas juger les politiques sur ce qu’ils « sont ». Mais sur ce qu’ils « font » ! Or, en termes de réussites économiques, le premier mandat de Trump avait été remarquable, il fut juste plombé par le Covid, tout autre au pouvoir en eût aussi payé le prix.

     

    Trump, depuis le 20 janvier, est à nouveau aux affaires, pour quatre ans. Réussira-t-il ? C’est strictement impossible à prévoir. Nous sommes, plus que jamais, dans un champ politique ouvert, où tout peut advenir, à commencer par le pire. Reste que la meute des anti-Trump de 2016, et 2020, se trouve aujourd’hui éclipsée par celle des pro-Trump. Je déteste la seconde autant que la première. J’ai détesté, dès 2016, la démolition gratuite et stupide du candidat Trump. Tout autant, je rejette sans appel l’actuelle pâmoison des pro-Trump en Suisse romande. Cela, pour une raison simple : nous sommes, vous et moi, des hommes et des femmes libres. Des esprits capables de juger. Alors, jugeons. Et rejetons toute meute, d’où qu’elle vienne.

     

    Pascal Décaillet