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Commentaires GHI - Page 15

  • L'impératif social

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 21.05.25

     

    Premiers mois au pouvoir de Donald Trump, Ukraine, Proche-Orient, élections municipales à Genève, mort du Pape : tant de sujets qui nous ont occupés, et qui nous ont, hélas, détournés pour un temps de ce qui doit être, à mes yeux, notre préoccupation majeure : la douce, lente et solide construction de notre Suisse sociale. Au fond, ce qui nous lie. Ce qui, depuis 1848, nous fait tenir ensemble.

     

    Sans une attention soutenue aux uns et aux autres, et principalement aux plus faibles d’entre nous, la Suisse s’écroule. La cohésion sociale, entre nantis et dépourvus, entre générations, entre villes et périphéries, entre plaine et montagne, loin d’être un luxe, est une condition de notre survie. A quoi bon faire la Suisse, si c’est pour oublier les Suisses ?

     

    Les grands chantiers, on les connaît : la santé, les retraites. A Berne, ils sont immenses, avec des enjeux structurels autrement plus importants que toutes les autres questions, à part la sécurité, la formation, l’agriculture, la souveraineté alimentaire, et surtout cette relance de l’industrie que j’appelle de mes vœux, y compris ici, depuis tant d’années.

     

    A Berne, loin des projecteurs, d’excellents parlementaires, à gauche comme à droite, font avancer, pas à pas, des dossiers moins spectaculaires que la Caisse unique, ou l’âge de la retraite, mais d’une importance majeure. Donnons-leur la parole ! Débattons-en ! La Suisse sera sociale, solidaire, ou disparaîtra.

     

    Pascal Décaillet

  • Le retour des cendres, ça vous parle ?

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 21.05.25

     

    Il y a, en chacun d’entre nous, une part d’intimité qui doit être sacrée. On peut appeler ça « la vie privée », au respect de laquelle je suis infiniment attaché. Mais il est des tréfonds qui vont plus loin encore. A chacun d’entre nous de tenter d’en prendre la mesure, pour lui-même. Je n’ai, à cet égard, aucune leçon à donner, aucune autorité, aucune recette, aucune approche préfabriquée, qui serait calquée sur une grille de lecture, religion, psychanalyse, que sais-je ? Chacun de nous doit bien sentir, quelque part en lui, la possibilité d’un gouffre. Face à soi-même, la fragilité d’un vertige. Dans la vie consciente, éveillée, on oublie tout ça, on rayonne, on séduit, on tente d’aller vers l’autre. Et puis, le surgissement d’un rêve, et l’autre vie qui se rappelle à nous. Chacun de nous chemine, sur la ligne de crête, entre ces deux mondes, d’un côté la vie sociale, de l’autre les ébullitions intérieures. Chacun de nous fait ce qu’il peut.

     

    Et puis, quoi ? Et puis, comme le chante Mouloudji, dans l’un de ses plus beaux textes, « Faut vivre ! ». Le temps qui nous est imparti, après tout, n’est pas infini. Vivre, oui, mais quelle vie ? Accomplir une fonction sociale, se réaliser à fond dans un métier qui nous passionne, y affûter ses compétences, les élargir. Tout cela, oui, bien sûr. Mais l’autre vie ? Celle qui nous lance des appels, ces figures qui reviennent, ces vieux rêves auxquels on avait cru renoncer, et qui soudain surgissent ? Tout cette glaise de notre passé, celle qui nous a façonnés, celle qu’on a reniée, celle qu’on n’a pas voulu voir, celle qu’on a voulu oublier, on se défend comme on peut : « Faut vivre ! ».

     

    Un homme, une femme, c’est une vie consciente et une vie refoulée, c’est un passé, des ruptures, des cicatrices. Des maladies aussi, parfois. On les a combattues, de toutes ses forces. Et, si on a eu la chance de gagner, alors on oublie tout, les souffrances, on se demande même on si l’a bien vécue, cette guerre féroce pour la guérison. On ne retient que la légèreté du salut. « Faut vivre ! », alors on oublie. J’ai eu la chance de le voir, Mouloudji, avec quelques amis, dans un cabaret parisien, près de la Bastille, en 1988. Me traverse encore, comme une lave de mémoire, mon émotion, l’écoutant interpréter cette chanson, « Faut vivre ! ».

     

    Alors, la part d’intimité, en chacun de nous ? Bien sûr que je plaide avec passion pour elle, et pour son absolu respect par les tiers. Mais mes mots sont inutiles, chacun sait très bien, au fond, ce qu’il doit à cette petite musique intérieure. Un gouffre ? Un vertige ? Une perte d’équilibre ? Une boîte noire ? Ou alors, peut-être, un retour des cendres. Un cérémonial du souvenir. Une liturgie, dans une langue que seule aurait parlée notre vie ancestrale, et que l’univers de la raison, de la démonstration, de la nécessité sociale, nous aurait fait oublier. Voyez, je donne des mots, et déjà mes paroles sont vaines. Envolées, avec le vent. « Faut vivre ! » : alors vivons, le plus intensément possible. Le temps de vivre est déjà si court, non ?

     

    Pascal Décaillet

  • Brûlante d'actualité

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 14.05.26

     

    Rerum Novarum, l’Encyclique de 1891, est un écrit politique. Au sens le plus large, le plus noble, celui de la Cité. Elle est, au fond, une réflexion sur ce qui nous lie. Que vous en partagiez ou non les fondements spirituels, que vous soyez ou non habités par la foi, peu importe : je vous invite, comme citoyens, à prendre connaissance de ce texte, parce qu’il articule une réflexion, en profondeur, sur la nature même du travail, sa finalité. C’est cela qui compte. A l’époque de la Révolution industrielle, mais tout autant aujourd’hui, en mai 2025.

     

    Au fond, si ce texte nous parle tant, c’est parce qu’il pourrait être d’aujourd’hui. Toute la pensée de Léon XIII tente de définir ce que doit être le travail, dans une vie humaine. Elle en reconnaît la nécessité, et même la haute valeur, possiblement libératrice, mais insiste pour que toute activité professionnelle, y compris dans les fonctions les plus modestes, soit émancipatrice. Plutôt que dévorante, aliénante. C’est cela, l’essentiel à retenir.

     

    Et cela qui brûle d’actualité. Nous avons tous à mener une réflexion sur notre relation avec le profit. Sur les errances du capitalisme, du libéralisme sauvage. Sur la robotisation. Sur notre inféodation à des monstres technologiques planétaires. En cela, le choix d’un prénom est évidemment tout, sauf gratuit : le nouveau Pape nous donne, par ce seul acte symbolique, des pistes majeures. A nous tous de nous en emparer.

     

    Pascal Décaillet