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Le monde n'existe pas. Seules existent les nations !

 

Commentaire publié dans GHI - Mercredi 29.01.25

 

Je ne vous fais pas un dessin de la situation mondiale, vous êtes assez grands pour saisir : la grande illusion d’une planète multilatérale s’effondre. Les nations, les rapports de forces, reviennent. C’est valable aux Etats-Unis, en Russie, en Chine, il n’y a guère que quelques agneaux européens pour croire encore à l’existence d’une quelconque rationalité mondiale qui triompherait des forces telluriques, affectives, patriotiques, inhérentes à chaque nation, séparément. Nos beaux esprits, au lieu de parcourir des rapports de l’ONU, feraient mieux de lire, lire, et lire encore les « Reden an die deutsche Nation », Discours à la Nation allemande, prononcés en décembre 1807 par le philosophe Johann Gottlieb Fichte, à Berlin, au nez et à la barbe des troupes napoléoniennes, qui ont occupé la Prusse entre deux batailles décisives, celle d’Iéna en 1806, et la grande bataille libératrice des peuples allemands, la « Völkerschlacht », celle de Leipzig, en octobre 1813. L’enfant Wagner, natif de cette ville, avait cinq mois.

 

Vous préférez la France ? Lisez absolument « L’Histoire de la Révolution française », de Jules Michelet. Vous y verrez comment la composante nationale, ce patriotisme surgi d’en-bas, cette ferveur des Soldats de l’An II au moment des Guerres de la Révolution où la France était seule contre tous, s’est révélé un facteur plus fédérateur que toutes les idéologies, d’ailleurs férocement contradictoires, de la Convention. Alors que l’aristocrate, l’Emigré à Coblence ou en Belgique, prônait le retour transfrontalier à l’Ordre féodal. C’est l’idée de nation, de souverainerté, qui a protégé le legs révolutionnaire !

 

Seulement voilà. Pour percevoir ces choses-là, il faut lire. Se plonger dans l’Histoire. S’immerger dans chaque contexte, sans juger avec les anachronies d’aujourd’hui. Cette ascèse ne nous amène guère à parler « d’Europe », concept flasque, inexistant sur le plan politique, échafaudage d’idées, tout au plus. Non, il nous faut parler de la France, de l’Allemagne, de la Russie, de l’Italie, leurs peuples, leurs Histoires, leurs mythes fondateurs, la lente création de leurs identités nationales. Il faut passer par l’étude des textes et des langues, se plonger par exemple dans l’éblouissant « Dictionnaire de la langue allemande », des Frères Grimm (publié de 1838 à… 1961 !), lire les poèmes, s’imprégner des musiques, c’est cela qui légitime un discours sur les pays d’Europe. Cela, et non les rapports de Bruxelles.

 

Que fait Fichte, dans ses Discours de 1807, en pleine occupation française ? Il nous parle de la langue allemande. Des mots allemands. De pédagogie. De la formation des opinions. Il dit aux Allemands, et notamment aux Prussiens, ce qu’ils sont, de quelles profondeurs ils émergent. Il ne parle ni de l’Europe, ni du monde. Il jette les bases de l’idée nationale allemande, six décennies avant l’Unité. Lisez Fichte, lisez Michelet, creusez l’idée de nation. Ne vous laissez pas empoudrer par les fadaises mondialistes.

 

Pascal Décaillet

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