Sur le vif - Vendredi 13.06.25 - 16.40h
16.40h - Plusieurs fois millénaire, jamais asservie, brillant de tous les feux de la langue et de la science, la vieille Perse, avec toute la complexité interne de ses composantes, est depuis si longtemps l'arbitre du Moyen-Orient. Elle l'a toujours été. Elle le demeurera.
C'est elle qu'il faut voir, je le dis depuis 46 ans, elle comme continuité historique, nationale, au-delà des régimes, et quelle que soit la sympathie ou la révulsion que nous inspire tel ou tel pouvoir d'un moment, celui du Shah ou celui des mollahs.
Depuis 46 ans, l'image de la vieille Perse, en Occident, est conditionnée par plusieurs propagandes, dont celle, au premier plan, des Etats-Unis d'Amérique. Leur humiliation, subie sous Carter lors de l'échec à libérer les otages, ils ne l'ont jamais digérée.
Cette vieille Perse, elle était là il y a des millénaires, déjà puissante. Elle est là aujourd'hui. Elle le sera dans des milliers d'années.
Cette continuité, que nous impose-t-elle ? Non pas d'approuver le régime des mollahs, bien sûr. Mais de lire les rapports de forces, les chaînes entre les causes et les effets, avec la parfaite froideur de ceux qui cherchent à comprendre. Et surtout, avec la prise en compte de la dimension diachronique.
Elle nous impose autre chose, aussi, et j'y tiens plus que tout. Ne pas articuler le moindre mot sur la civilisation persane, ses antagonismes internes, les rapports entre villes et campagnes, les relations entre chiisme et sunnisme, sans avoir profondément étudié, de l'intérieur, les éléments de langue, de culture, de religion, et bien sûr de rapports de domination entre classes sociales.
Idéalement, on devrait s'interdire de parler d'un pays dont on ignore la langue. Quand j'entends encore, y compris dans des milieux prétendument autorisés, d'improbables escogriffes, chez nous, ranger la civilisation persane dans le monde arabe, je me dis que l'ignorance, dans notre "Occident", est au pouvoir.
Je termine avec une remarque. Quoi qu'on pense du nucléaire iranien, il est tout de même assez piquant de trouver, au premier rang de ses contempteurs, la première puissance mondiale, la mieux armée sur le plan nucléaire. Et, au passage, encore la seule, à l'heure (bien fragile) où j'écris ces lignes, à avoir fait usage de l'arme atomique. C'était pour détruire deux villes japonaises, à quelques jours d'intervalle, en août 1945.
Je ne sache pas que la "justice internationale" ait cru bon, au cours de ces 80 dernières années, de se saisir de ces deux escapades aériennes. Sans doute manque-t-elle de temps. Pour pourchasser unilatéralement le coupable désigné par les Etats-Unis, et lui-seul, pendant les guerres balkaniques des années 1990, elle l'avait apparemment trouvé, ce temps.
Pascal Décaillet