Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Commentaires GHI - Page 6

  • Suisse-Europe : le Conseil fédéral a peur !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 07.05.25

     

    Le peuple et les cantons. C’est ce duo, et lui-seul, qui constitue le souverain de notre pays. L’arbitre ultime des grandes décisions, celles qui touchent au destin de la nation. Une initiative populaire fédérale par exemple, pari du peuple lancé à lui-même, terriblement difficile à faire passer, tant les obstacles sont nombreux, exige la double majorité, peuple et cantons. C’est une question de légitimité pour changer la Constitution, représenter à la fois la majorité numérique des votants, mais aussi respecter ce petit miracle suisse qui s’appelle le fédéralisme. Vingt-six cantons, qui ne sont pas des circonscriptions administratives, ni des préfectures, régies d’une capitale. Non, nos cantons sont des Etats ! Chacun d’entre eux est spécifique, passionnant, par son Histoire, sa manière d’aborder les questions scolaires, sanitaires ou policières. Le tissu des cantons est le corps vivant de notre pays.

     

    Cette attention aux profondeurs complexes et fragiles de la Suisse, la Conseil fédéral, une nouvelle fois, la jette aux orties. Il a décroché de nouveaux Accords avec l’Union européenne, fort bien, discutons-en. Nous tous, les citoyennes et citoyens de ce pays ! Et pas seulement le Parlement ! Et surtout pas les seuls « partis » ! Un Accord qui scelle le destin du pays, dans des domaines non seulement économiques (à ces derniers, le peuple suisse est très ouvert), mais dotés d’un volet institutionnel, notamment par rapport à la Cour de justice européenne, doit être ratifié, le jour venu, à l’issue d’un vaste débat populaire, par un mode garant de la légitimité la plus ancrée. En clair, comme le 6 décembre 1992, par la double majorité, peuple et cantons. Il n’y a aucune autre solution. L’affaire n’est pas juridique, de grâce épargnons-nous les doctes démonstrations de profs de droit. Non, elle est politique. Et elle est identitaire à la texture même de notre pays.

     

    Dans toute cette histoire, le Conseil fédéral a peur. Peur des cantons, nous l’avons montré. Peur de la montée du sentiment, non anti-européen (nous aimons passionnément notre continent), mais anti-UE, dans les couches profondes du peuple suisse. Peur de déplaire à une doxa pro-UE qui, malgré toutes réalités, continue de régner à Berne, dans les Universités, chez les juristes, dans les médias. Ça fait du monde ? Non, pas tant que ça, face au corps électoral d’un certain dimanche.

     

    Au fond, le Conseil fédéral a peur de la Suisse. Peur de son propre pays. Peur de l’attachement viscéral à la souveraineté politique. Peur de lui-même, de ses propres faiblesses, en jugement, en lucidité et en cohésion. Peur de ce vieux fantôme de la Suisse profonde, pas celle des villes, pas celle des nantis, non, celle des patriotes au cœur simple et ardent. L’homme d’Etat suisse que j’ai le plus admiré en quarante ans de journalisme, Jean-Pascal Delamuraz, l’avait affronté à ses dépens, ce vieux fantôme, en 1992. Il s’était battu comme un lion. Il avait perdu. Mais lui, au moins, tel Dom Juan face aux flammes, n’avait pas peur.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Le paradis

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 30.04.25

     

    L’olivier. Le cyprès. Le pin parasol. La vigne basse, taillée proche de la terre. L’iris. Le jasmin. Le laurier. L’arbre de Judée, aux floraisons de sang. Les murs de pierres apparentes, irrégulières, enflammées de soleil dans l’oblique du soir. Les toits de tuiles romaines. Les bornes milliaires, le long des voies antiques, avec des noms d’empereurs, Aurélien, Domitien. Les dieux gaulois qui se sont confondus, au fil des siècles, avec les divinités romaines. Les premiers édifices chrétiens, sur tel oppidum, bâtis exactement sur les sites celtiques. Rome, la Gaule : deux mondes en fusion lente, comme inspirés, ou plutôt aspirés, l’un par l’autre.

     

    Ce miracle, c’est la Provence. Romaine, avant le reste de la Gaule, et même grecque, par comptoirs. Toute ma vie, je m’y suis rendu, la première fois il y a soixante ans, en famille. Et toujours, l’intensité d’un souvenir : celui du voyage d’études sur la Provence grecque, printemps 1977, avec Olivier Reverdin, André Hurst, et des camarades passionnés dont je garde un souvenir ému. Nous étions un peu cinglés d’inscriptions, à déchiffrer immédiatement, en grec, en latin, des pierres tombales pour la plupart. Nous étions marbrés.

     

    Un demi-siècle après, à chaque voyage, je laisse la Provence venir à moi. Juste être là. Dans la splendeur de la lumière. Il n’y a plus ni Grèce, ni Rome. Il y a juste le paradis. A portée des mortels.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Des temps difficiles ? Fort bien, serrons les rangs !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 30.04.25

     

    Dans les temps troubles ou difficiles, la Suisse doit se concentrer sur elle-même, veiller à ses intérêts vitaux et à sa cohésion nationale. Nous sommes un tout petit pays, au cœur d’une Europe que nous aimons, dont nous avons toujours partagé le destin, je parle du continent lui-même, et pas de la machinerie appelée « Union européenne ». Les pays qui nous entourent, France, Allemagne, Italie, dont nous parlons les langues, sont nos partenaires naturels dans l’ordre des échanges, des intérêts mutuels que nous nous portons, mais aussi du commerce, de la culture. Pour ma part, je n’ai pas pris l’avion depuis quinze ans, je voyage infatigablement dans ces trois pays-là, Allemagne principalement, je creuse leurs langues, leur Histoire. Le bout du monde ne m’intéresse pas.

     

    Des temps troubles ? Oui, bien sûr, lorsque le locataire de la Maison Blanche se conduit en Roi Ubu, arbitraire, menaçant, passant d’un avis à son contraire sans la moindre vergogne, faisant grimper les droits de douane, revenant trois jours après sur sa décision, c’est théâtral, mais fatiguant. L’économie a besoin de stabilité, et nous les Suisses plus encore, attachés à des valeurs comme la compétence, le travail, la confiance avec les partenaires, le souci de finition. Alors, au milieu du fracas, restons calmes. Concentrons-nous sur nous-mêmes.

     

    Ne tombons pas dans le travers de tous ces beaux parleurs parisiens, surexcités, sur leurs chaînes privées, à nous gratifier de leur avis, sans la moindre compétence fondée, à propos du monde entier. Les mêmes histrions, tour à tour, furent spécialistes des maladies infectieuses, de la question ukrainienne, du Proche-Orient, de l’affectation carcérale des caïds de la drogue. Nul sujet n’échappe à leur sagacité extralucide. Le maître de cérémonie n’invite même plus de politiques, à quoi bon s’en embarrasser, il trône au milieu d’une cour de « chroniqueurs », qui ont réponse à tout et nous livrent leurs combats de coqs.

     

    Face à ce caquetage permanent, je bénis notre Suisse. Nous organisons nos débats en fonction d’une démocratie citoyenne, la plus accomplie au monde, où tout procède du peuple souverain. Quatre fois par an, nous votons, sur les sujets communaux, cantonaux ou fédéraux. Par le référendum, nous pouvons attaquer une loi. Mieux encore, par l’initiative, c’est le peuple lui-même qui s’adresse au peuple, sur un sujet sorti du radar des élus. Nos débats citoyens, nous les organisons sur le fond, sur les idées elles-mêmes de la politique, nous expliquons les enjeux en profondeur, nous opposons les antagonistes avec respect mutuel, pertinence, souci de complétude et de clarté.

     

    Nous entrons dans des temps difficiles ? Fort bien, serrons les rangs. Intéressons-nous à nous-mêmes. Définissons nos intérêts vitaux, souveraineté alimentaire, circuits courts, relance de l’industrie, de la sidérurgie, de l’acier, organisation de la solidarité avec tous nos concitoyens, à commencer par les plus démunis. Calme, amour du pays, compétence, cohésion sociale. C’est la clef de notre survie.

     

    Pascal Décaillet