Commentaire publié dans GHI - Mercredi 14.02.24
La Suisse est un pays souverain. Comme tous les autres pays qui nous entourent, elle s’est forgée elle-même son indépendance, elle l’a défendue au fil des siècles, soit par l’épée, soit par la diplomatie, soit par le dynamisme économique. Une nation n’existe, et ne persiste, que pour l’avoir furieusement voulu, rien ne se fait tout seul, il ne faut compter que sur soi-même, pas sur nos voisins, encore moins sur des conglomérats supranationaux. Si nous n’avons pas, dans la chaleur de nos viscères, cette volonté d’exister, eh bien c’est très simple : nous disparaîtrons. Englobés par d’autres, absorbés, soit par les armes, soit par l’influence, soit par une patiente assimilation. Ainsi, maintes communautés humaines, au fil de l’Histoire, furent doucement phagocytées, par défaut de vouloir vivre, et se battre.
Dès l’enfance, je me passionnais par exemple pour le destin des Étrusques, dont je vous recommande les magnifiques musées, à Rome (Villa Giulia) ou dans les collines de Toscane : attachante, remarquable civilisation, mais qui peu à peu perdit son autonomie politique au profit de Rome. Mais, fou d’Histoire allemande, je pourrais tout autant vous orienter sur la douce disparition de la Saxe, ou de la Franconie, ou du Palatinat, ou de la Silésie historique, en faveur du mouvement unitaire de 1866. Et les Provinces françaises, celles d’Ancien Régime, qui eurent nom Bourgogne, Aquitaine, ou Provence, le jacobinisme révolutionnaire les a cassées, au profit des Départements, avec chaque fois un Préfet, dépendant du Ministère de l’Intérieur.
Notre pays, la Suisse, est minuscule, au cœur de cette Europe que nous aimons. Il est frêle, nous ne sommes que 9 millions, les Français sont près de 70, les Allemands près de 90 millions. Et c’est justement parce que nous sommes petits, fragiles, que nous devons nous montrer totalement intransigeants sur notre indépendance. Si je devais lancer une initiative Décaillet, comme il y eut en 1970 l’initiative Schwarzenbach, elle amenderait la Constitution fédérale avec les sept mots suivants : « La souveraineté nationale n’est pas négociable ». Elle n’interdirait nullement les relations les plus amicales avec tous les pays qui nous entourent, ni les échanges, ni le dialogue. Mais elle poserait comme inaltérable le droit et le devoir de notre petit pays à disposer de lui-même. Ouverture à l’étranger, oui. Amour du continent européen, de ses langues, de ses cultures, oui. Subordination à un ensemble, non. C’est si compliqué à comprendre ?
Notre Histoire suisse, nous avons lieu d’en être fiers. Depuis 1848, nous avons mis au point des institutions, un fédéralisme, une démocratie directe, que tant de voisins nous envient. Nous avons édicté des lois sociales, au premier plan desquelles l’AVS, mais tant d’autres aussi, qui ancrent notre cohésion interne. Pour défendre cela, nous devons affirmer avec férocité notre souveraineté. Nous parlons à tous, mais notre destin nous appartient.
Pascal Décaillet