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Commentaires GHI - Page 4

  • Floraison de chantiers : ça suffit !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 28.05.25

     

    Genève étouffe sous les chantiers, c’est la fureur printanière, avec sa floraison de routes barrées, tronçons interdits à la circulation, pelles mécaniques, marteaux piqueurs, agents de circulation en jaune n’ayant pas la moindre idée de la signalétique du trafic, certains se prenant pour des Rambos. Bref, la routine ? Non, bien pire, cette année ! La nouvelle mode, ce sont les ineffables « réseaux thermiques structurants », ceux qui, tels le poinçonneur de Gainsbourg, font des trous, des gros trous, encore des gros trous, toujours et partout, sans préavis, sans crier gare, mettant le bon peuple de Genève, tout benoît de stupeur, devant le fait accompli.

     

    Le bon peuple, oui, celui qui trime toute l’année, se lève le matin pour aller bosser, gagne sa vie sans jamais recevoir, quant à lui, la moindre subvention, celui qui entretient sa famille, fait vivre la société, crée la prospérité du canton, a besoin de son véhicule pour aller au boulot. Celui-là, oui, ce bon bougre, tout juste bon à cracher au bassinet fiscal, voilà qu’en plus, de façon décuplée par rapport aux années précédentes, on vient l’emmerder un maximum avec des trous, des cratères, des tranchées dignes de la Somme et de Verdun, des instruments de chantier qui n’en peuvent plus de faire « tûûût, tûûût ! », des agents de chantier qui se croient tout permis, se comportent comme en terrain conquis.

     

    Tout cela, pourquoi ? Parce que quelques beaux esprits, nourris d’idéologie Verte et de théologie planétaire, se sont mis en tête d’aller trouver dans chaque sous-sol de la Ville des « réseaux thermiques structurants ». Non, mais qui les contrôle, les SIG ? Sont-ils un fief, à part ? Un Etat dans l’Etat ? Qui contrôle cette régie ? Est-elle en roue libre ? Quelle direction politique donnent le Conseil d’Etat, le Grand Conseil ? Existe-t-il, tout en haut, une coordination des chantiers, à Genève, tout comme devrait exister, d’ailleurs, une coordination des autorisations de manifester, le samedi, cortèges politiques, marathons, triathlons, réjouissances prétendument populaires, souvent destinées à calmer la bête sociale possiblement contestatrice, en lui balançant, comme à Rome, des jeux.

     

    La qualité de la vie des Genevois, tout le monde s’en fout ? Vous bossez, vous payez vos impôts, vous vous la coincez : c’est ce triptyque qu’on nous esquisse, comme modèle de vie ? Nos autorités n’ont établi aucune espèce de vision coordonnée entre les chantiers, entre les manifestations, elles laissent faire l’économie, elles puisent dans les deniers des contribuables pour perforer Genève comme la bande-son d’un piano mécanique, certaines rues ressemblent bientôt à la Lune, celle d’Hergé, celle des Dupondt, celle d’Armstrong. Les usagers de la voie publique, tous véhicules confondus, on s’en fout. Ils sont là pour faire l’économie, payer des impôts, engraisser une machine de croissance qui échappe à tout contrôle. Il y a un moment où il faut faire savoir à cette bande d’irresponsables que ça suffit.

     

    Pascal Décaillet

  • L'impératif social

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 21.05.25

     

    Premiers mois au pouvoir de Donald Trump, Ukraine, Proche-Orient, élections municipales à Genève, mort du Pape : tant de sujets qui nous ont occupés, et qui nous ont, hélas, détournés pour un temps de ce qui doit être, à mes yeux, notre préoccupation majeure : la douce, lente et solide construction de notre Suisse sociale. Au fond, ce qui nous lie. Ce qui, depuis 1848, nous fait tenir ensemble.

     

    Sans une attention soutenue aux uns et aux autres, et principalement aux plus faibles d’entre nous, la Suisse s’écroule. La cohésion sociale, entre nantis et dépourvus, entre générations, entre villes et périphéries, entre plaine et montagne, loin d’être un luxe, est une condition de notre survie. A quoi bon faire la Suisse, si c’est pour oublier les Suisses ?

     

    Les grands chantiers, on les connaît : la santé, les retraites. A Berne, ils sont immenses, avec des enjeux structurels autrement plus importants que toutes les autres questions, à part la sécurité, la formation, l’agriculture, la souveraineté alimentaire, et surtout cette relance de l’industrie que j’appelle de mes vœux, y compris ici, depuis tant d’années.

     

    A Berne, loin des projecteurs, d’excellents parlementaires, à gauche comme à droite, font avancer, pas à pas, des dossiers moins spectaculaires que la Caisse unique, ou l’âge de la retraite, mais d’une importance majeure. Donnons-leur la parole ! Débattons-en ! La Suisse sera sociale, solidaire, ou disparaîtra.

     

    Pascal Décaillet

  • Le retour des cendres, ça vous parle ?

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 21.05.25

     

    Il y a, en chacun d’entre nous, une part d’intimité qui doit être sacrée. On peut appeler ça « la vie privée », au respect de laquelle je suis infiniment attaché. Mais il est des tréfonds qui vont plus loin encore. A chacun d’entre nous de tenter d’en prendre la mesure, pour lui-même. Je n’ai, à cet égard, aucune leçon à donner, aucune autorité, aucune recette, aucune approche préfabriquée, qui serait calquée sur une grille de lecture, religion, psychanalyse, que sais-je ? Chacun de nous doit bien sentir, quelque part en lui, la possibilité d’un gouffre. Face à soi-même, la fragilité d’un vertige. Dans la vie consciente, éveillée, on oublie tout ça, on rayonne, on séduit, on tente d’aller vers l’autre. Et puis, le surgissement d’un rêve, et l’autre vie qui se rappelle à nous. Chacun de nous chemine, sur la ligne de crête, entre ces deux mondes, d’un côté la vie sociale, de l’autre les ébullitions intérieures. Chacun de nous fait ce qu’il peut.

     

    Et puis, quoi ? Et puis, comme le chante Mouloudji, dans l’un de ses plus beaux textes, « Faut vivre ! ». Le temps qui nous est imparti, après tout, n’est pas infini. Vivre, oui, mais quelle vie ? Accomplir une fonction sociale, se réaliser à fond dans un métier qui nous passionne, y affûter ses compétences, les élargir. Tout cela, oui, bien sûr. Mais l’autre vie ? Celle qui nous lance des appels, ces figures qui reviennent, ces vieux rêves auxquels on avait cru renoncer, et qui soudain surgissent ? Tout cette glaise de notre passé, celle qui nous a façonnés, celle qu’on a reniée, celle qu’on n’a pas voulu voir, celle qu’on a voulu oublier, on se défend comme on peut : « Faut vivre ! ».

     

    Un homme, une femme, c’est une vie consciente et une vie refoulée, c’est un passé, des ruptures, des cicatrices. Des maladies aussi, parfois. On les a combattues, de toutes ses forces. Et, si on a eu la chance de gagner, alors on oublie tout, les souffrances, on se demande même on si l’a bien vécue, cette guerre féroce pour la guérison. On ne retient que la légèreté du salut. « Faut vivre ! », alors on oublie. J’ai eu la chance de le voir, Mouloudji, avec quelques amis, dans un cabaret parisien, près de la Bastille, en 1988. Me traverse encore, comme une lave de mémoire, mon émotion, l’écoutant interpréter cette chanson, « Faut vivre ! ».

     

    Alors, la part d’intimité, en chacun de nous ? Bien sûr que je plaide avec passion pour elle, et pour son absolu respect par les tiers. Mais mes mots sont inutiles, chacun sait très bien, au fond, ce qu’il doit à cette petite musique intérieure. Un gouffre ? Un vertige ? Une perte d’équilibre ? Une boîte noire ? Ou alors, peut-être, un retour des cendres. Un cérémonial du souvenir. Une liturgie, dans une langue que seule aurait parlée notre vie ancestrale, et que l’univers de la raison, de la démonstration, de la nécessité sociale, nous aurait fait oublier. Voyez, je donne des mots, et déjà mes paroles sont vaines. Envolées, avec le vent. « Faut vivre ! » : alors vivons, le plus intensément possible. Le temps de vivre est déjà si court, non ?

     

    Pascal Décaillet