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Commentaires GHI - Page 4

  • Palestine : la droite suisse roupille !

     

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 08.10.25

     

    Vous connaissez ma position en faveur de la Palestine, et d’un Etat palestinien. Mon amitié aussi, égale, symétrique, pour le peuple d’Israël, je n’en dirais pas autant de l’actuel gouvernement, et sa politique à Gaza. Bref, vous me savez, sur le terrain du Proche-Orient, homme de dialogue et de paix. Mais une chose m’époustoufle : le silence glacé de l’univers des droites, en Suisse, face à l’horreur de ce qui se passe à Gaza. Tout au plus certains appellent-ils à l’urgence d’une action humanitaire, ce qui est bien le moins, et pour tout dire minimaliste. Aucune réflexion sur l’Histoire du peuple palestinien, au moins depuis 1948, ses souffrances, ses combats, ses déchirements entre factions adverses, son espoir d’être un jour reconnu, à hauteur d’Etat. Comme le fut Israël, à juste titre, trois ans après la fin de la Shoah.

     

    Aucune approche en profondeur, non plus, de l’Histoire et des identités mêlées du monde arabe. Je ne demande pas de remonter à Saladin. Mais au moins à Nasser, ce chef immense de l’Égypte, combattant de son pays, concepteur d’une unité arabe, qui demeure aujourd’hui à l’état de rêve ancien. Aucune conception, dans notre bonne droite suisse bourgeoise, celle notamment du PLR, le parti de M. Cassis, mais aussi au Centre et à l’UDC, de l’Histoire des mouvements d’émancipation dans le monde arabe, contre le colon français ou britannique. Aucune idée, dans la droite suisse, de ce que fut, dès le début de la présence française, avec l’Émir Abdelkader (1808-1883), puis les multiples courants des générations suivantes, l’idée, propagée dans l’ombre de la colonisation, d’une Algérie souveraine, indépendante.

     

    Ces choses-là, qui nous sont si proches, ne semblent pas intéresser la droite suisse. La seule orthodoxie est celle de M. Cassis, ancien vice-président d’un groupe d’amitié Suisse-Israël, totalement acquis à l’un des belligérants, Israël, totalement sourd à l’idée même de la Palestine. Au-delà d’une indifférence dans l’ordre de l’empathie, il y a pire : une abdication intellectuelle dans l’ordre de la lucidité. C’est comme si M. Cassis, un homme intelligent pourtant, fermait ses yeux quand on évoque devant lui l’idée palestinienne. Il ne ferme pas seulement son cœur, mais son regard, son accès au réel. Pour un ministre des Affaires étrangères, c’est une faute. La tâche première, à un tel niveau de responsabilité, est d’ouvrir son esprit au maximum d’informations, de tous les camps. La cécité volontaire, à un tel poste, tutoie la folie.

     

    Qui soutient la Palestine, en Suisse ? La gauche. Les manifs sont des liturgies de gauche, avec tous leurs attributs habituels, les mêmes que sur d’autres sujets. La gauche soutient la Palestine, et elle a raison. Mais la droite suisse ? Les droites, en Suisse ? Le massacre recommencé de Gaza ne les intéresse pas ? Elles ne veulent pas voir, pas entendre ? Elles ferment leurs cœurs, leurs yeux, leurs cerveaux ? C’est dommage. Elles méritent mieux. Les victimes de Gaza, aussi.

     

    Pascal Décaillet

  • Sales tronches

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 01.10.25

     

    Rien de pire que la mémoire officielle. Toujours et partout, elle suinte la propagande des puissants du moment. Pour se glorifier. Se justifier dans leur pouvoir. Se maintenir dans leurs postes, leurs privilèges, leurs prébendes. Nul n’y échappe, ni la gauche, ni la droite, ni les bien intentionnées, les bien-pensants, les béni-oui-oui, le initiés, les clercs, les officiels.

     

    Les voix de la mémoire ne doivent pas venir des puissants, mais justement des opprimés. Des oubliés. Des laissés pour compte. C’est valable en politique, comme dans une relation amoureuse : on étouffe les intonations des vaincus, ou des largués. On tricote une histoire officielle, propre, parfumée. Le romancier, seul, peut la restituer ? Mais à quoi travaille-t-il, ce jongleur de sortilèges : à la justesse du sujet, ou à sa propre écriture ? C’est compliqué la mémoire, elle est sœur de mille faussaires, elle doit trouver son chemin parmi ceux qui veulent lui tordre le cou.

     

    Les puissants, tiens par exemple en politique ? Les pires ! A quoi servent leurs ineffables « conférences de presse », si ce n’est à tenter d’imposer la version du pouvoir ? Et il faudrait accourir à leur liturgie, comme d’autres se pressent à Versailles, pour le Petit-Lever ? Et il faudrait, dociles, recracher leurs mots ? Et il faudrait se contenter, tout au plus, de leur « poser des questions » ? Refusons ce cirque. Soyons ce que nous devons être : des sales tronches.

     

    Pascal Décaillet 

     

  • La mémoire, la vie qui passe, la Comtesse

     

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 01.10.25

     

    La mémoire. C’est l’un des thèmes historiques, mais aussi littéraires et musicaux, qui me travaillent le plus. La mémoire, non comme accumulation, comme il en irait de la capacité d’un ordinateur à stocker des données, mais comme révélateur de tout ce qu’au fond nous sommes : des êtres sensibles, affectifs, avec un passé, des traces, des cicatrices, des souffrances, des joies. Tout ce qui nous fonde. Ce qui fait de chacun d’entre nous un être unique, singulier. Comme toi j’ai des yeux, des jambes et des bras, comme toi j’ai un cerveau, avec toi je partage une structure humaine. Mais ma mémoire, en ce qu’elle a d’affectif et de propre à mon parcours de vie, me singularise. Toute l’Histoire littéraire, à commencer par les invocations homériques à la Muse, prétend restituer des fragments de mémoire. Ne dit-on pas d’un roman qu’il « raconte une histoire » ?

     

    L’être humain pourrait se contenter de vivre sa vie, d’ailleurs on nous invite à saisir l’instant, jouir du temps présent. Mais non, la mémoire est là, qui nous laboure et nous travaille. L’être humain dort, sa mémoire surgit dans ses rêves. Il voyage, la mémoire d’un pays l’assaille de représentations, noms de rues, statues, monuments, airs d’opéras. Tu retrouves un vieil ami, vous laissez poindre les souvenirs partagés du passé. Tant de fois, les humains passent leur temps à se raconter leur propre vie, ou alors la vie des autres. On fragmente ensemble, en la bricolant, la mosaïque de la mémoire.

     

    Quand je lis, pour la centième fois, l’époustouflant triptyque biographique de Charles de Gaulle, par Jean Lacouture (un volume publié par an, 1984, 1985,1986), c’est pour retrouver, comme chez Plutarque, la vie d’un homme illustre, mais surtout pour me laisser emporter, une fois encore, par le style de Lacouture (un homme unique, délicieux, que j’ai maintes fois interviewé), vivre avec lui sa mise en scène du passé, et au fond, comme dans Homère, l’écouter tout simplement me raconter une histoire. En 84, 85, 86, par trois fois, dès 9h, heure d’ouverture d’une grande librairie des Rues-Basses, je faisais la queue le premier jour, à la première heure, pour acheter l’un des éléments du triptyque. Je voulais vivre cette mémoire-là, intensément. Même excitation que pour Chateaubriand, Rousseau, ou aujourd’hui Annie Ernaux : racontant sa vie, elle nous raconte aussi les nôtres, comme dans « Les Années », ce chef d’œuvre de simplicité et de sobriété. C’est sa mémoire à elle, mais elle remue chacune des nôtres. Particulière, elle résonne universel.

     

    J’aurais tant à dire sur la mémoire musicale. L’œuvre. La partition. L’interprétation. La connaissance du thème, parfois par cœur, chez l’auditeur, sa soif pourtant de l’entendre, encore et toujours, mille et mille fois recommencé, jamais le même en fonction des interprètes, comme une source de vie, toujours recommencée. A l’image de cet air immortel, celui de la Comtesse, Noces de Figaro, acte II, première apparition : la mémoire qui surgit, la sienne, la nôtre, la vie d’une femme, notre destin à tous, universel.

     

    Pascal Décaillet