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Commentaires GHI - Page 2

  • Le marché comme religion, ça suffit !

     

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 10.09.25

     

    Le marché, le marché, le marché : à partir de la chute du Mur de Berlin (9 novembre 1989), et la prétendue « victoire définitive du capitalisme » (qui est un leurre total), ils n’avaient plus que ce mot-là à la bouche : le marché. Sous prétexte que l’Union soviétique s’effondrait, et le communisme avec elle, on nous a bassinés pendant des décennies avec un nouveau dieu : le marché. On lui a voué un culte, qui rappelle celui du Veau d’or. On lui a prêté toutes les vertus : régulatrice (plus besoin d’Etat), générateur de prospérité (le fameux ruissellement). On est même allé, comble d’ignorance et de naïveté, jusqu’à en faire un facteur de paix, de rapprochement entre les peuples. On est entré dans l’ère du marché-roi comme on entre en religion.

     

    Prenez l’Union européenne. Les premières années, quand elle s’appelait « Communauté », de 1957 à 1992, ont été une belle aventure. Concorde entre les peuples d’un continent qui s’était tant déchiré, démarche de paix, accès aux produits de nécessité (charbon, acier) de pays voisins et amis. Tout a basculé en 1992, avec l’Accord de Maastricht, et la religion du marché. Il fallait que l’Europe soit libre-échangiste, libérale, voire ultra. Il fallait qu’elle abolisse ses frontières intérieures, s’ouvre aux flux migratoires, jette aux orties les politiques monétaires nationales, au profit d’un « grand marché européen ». C’est à partir de ce moment, très exactement, que l’Europe s’est dévoyée. Elle s’est donnée corps et âme au marché. Elle y a perdu son âme.

     

    Coïncidence, 1992, c’est aussi, en Suisse, le 6 décembre, le « non » du peuple et des cantons à l’Espace économique européen. Moins de deux mois après le « oui » français, du bout des lèvres, à l’Europe libérale de Maastricht ! La Vieille Suisse, celle de Blocher, l’avait emporté sur la « Suisse ouverte » de Delamuraz. Correspondant à Berne de la RSR, j’avais couvert cette campagne à fond, dans tous les cantons suisses, je suivais particulièrement les déplacements de Delamuraz, je pensais encore, à la fin du printemps, que le « oui » allait gagner. Je m’étais trompé. En Suisse romande, nous nous étions (presque) tous trompés.

     

    Nous sommes en 2025. Je le dis sans hésitation, nous devons rompre avec la religion du marché. Nous devons remettre le monde du commerce à sa place, qui est évidemment importante dans l’économie, mais qui n’a pas à dicter nos politiques, ni nos lois. Une communauté humaine, en l’occurrence une nation, c’est un autre horizon d’attente qu’une servile pâmoison face aux puissances putatives du marché. En matière d’agriculture, d’industrie nationale, de production de médicaments, de politiques de santé, et aussi en matière d’éducation, nous avons des impératifs autrement plus nobles que la génuflexion devant le libre-échange. Nous avons besoin, au plus haut niveau de la Suisse et dans nos cantons, d’un Etat fort, redistributeur, soucieux de cohésion et de justice sociales. Attaché aux intérêts supérieurs de le personne humaine. Et non esclave des dividendes.

     

    Pascal Décaillet

  • Le libéral de l'étape

     

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 03.09.25

     

    Un candidat du Centre et des Verts libéraux, un candidat du MCG, un candidat de l’UDC, soutenu par le PLR. Le mois qu’on puisse dire, c’est que la droite genevoise ne part pas gagnante, en affichant une nouvelle fois ses divisions, dans la course au Conseil d’Etat. Bien sûr, chacun promet de se désister pour le meilleur au soir du premier tour, mais en l’état, face à une gauche (presque) unie, le défaut tactique est criant.

     

    D’autant que l’affaire est complexe. Qui est à droite, qui l’est moins ? Peut-être pas celui que vous croyez. Face au candidat UDC-PLR, le Centre a beau clamer ses valeurs humanistes, il n’en aligne pas moins le candidat le plus économiquement libéral des trois de droite. M. Magnin ne s’en cache pas, d’ailleurs.

     

    Et sur cette échelle, autrement brûlante de pertinence et d’actualité que celle des pseudo valeurs morales, M. Dugerdil se révèle le défenseur d’une droite patriote, mais aussi protectionniste. M. Gerzner, candidat MCG, défend, lui aussi, le rôle régulateur de l’Etat. Le libéral de l’étape, c’est bel et bien M. Magnin.

     

    L’électorat de droite doit le savoir : il y a déjà deux adeptes de la droite économique libérale au Conseil d’Etat, Mmes Fontanet et Bachmann, ainsi que deux radicaux historiques, Mme Hiltpold et M. Maudet. Telles sont les vraies étiquettes, données par les esprits libres, férus d’Histoire, d’indépendance et de lucidité que nous voulons être. Reste à l’électorat de droite à arbitrer les équilibres.

     

    Pascal Décaillet

     

  • La peste soit des ratiocineurs!

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 03.09.25

     

    Il y a des gens qui adorent la discussion. S’asseoir avec d’autres humains, de préférence autour d’un verre, et pérorer à n’en plus finir sur des thèmes à la mode. Il faut, à tout prix, qu’émerge la parole. En général, on n’écoute l’autre que distraitement, on rumine sa contre-attaque, et puis, au bon moment, on la sort, on la déploie, tout fier, tout sonore à l’idée d’avoir marqué des points. A ce petit jeu, personne ne convertit personne, chacun campe sur ses positions, on a juste passé un peu de temps à déglutir du langage. On a roté des arguments. On s’est pavané de mots. On se quitte bons amis. On se promet de se revoir. Eh oui, l’humain est un être de langage. Il a besoin de sortir des mots, comme le dragon crache du feu.

     

    Les plus prétentieux, ceux qui se piquent de philosophie, vous établiront bien sûr une hiérarchie dans l’échelle des discussions. Ils condamneront celles du café du commerce, vous inciteront à vous élever vers la discussion organisée, le « débat », la fructueuse « disputatio » dont doit absolument surgir une conclusion, bienfaitrice à l’entendement humain. Je vais vous faire une confidence : j’ai lu, en grec, une quantité de Dialogues de Platon. Ils mettent en scène, dans une écriture magnifique et subtile, les discussions reconstituées de Socrate avec ses disciples. Socrate en est le personnage principal, mais un personnage quand même, comme au théâtre : il questionne, tend des perches, ou des pièges, il réplique, et finalement met en boîte l’imprudent au raisonnement mal posé.

     

    L’écrivain, c’est Platon, pas Socrate. Platon fait parler le grand philosophe, comme l’évangéliste fait parler Jésus. Socrate, le Christ : deux figures absolument majeures de notre civilisation, n’ayant jamais écrit eux-mêmes, mais figurés peu après leur passage sur terre par des auteurs ayant été leurs disciples. Deux millénaires que les plus grands penseurs s’interrogent sur cet effet d’écho, de reconstitution, en effet fascinant. Les étudiants en philosophie lisent tous Platon, et c’est très bien. Hélas certains d’entre eux, dans les plus arrogants, se prennent pour Socrate : rien ne les ravit davantage que prendre l’interlocuteur pour un disciple, le laisser s’avancer dans un raisonnement, surgir à la première faille, reprendre ses mots pour enfin le confondre. Ils se prennent pour Socrate, comme l’apprenti-dessinateur se prend pour Le Caravage.

     

    Ils sont tout fiers d’être de la race des raisonneurs. Ceux qui ont de la méthode. Ceux qui savent poser un problème, induire, déduire, poser un syllogisme, brandir une conclusion. Pour ma part, ami lecteur, je préfère encore le joyeux désordre, avec toutes ses impasses sémantiques, de la bonne vielle discussion de bistrot, où on se harponne à mesure qu’on trinque, sans trop se prendre au sérieux, à la sécheresse démonstrative de tous ces ratiocineurs. Ils se piquent d’aimer le sens. Mais aiment-ils le verbe, sa puissance de feu, de joie, ses vertus musicales, son humaine animalité, à la fois viscérale, allusive et souriante ?

     

    Pascal Décaillet