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Commentaires GHI - Page 2

  • Au coeur de tout, la passion pour la Cité !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 19.03.25

     

    Quarante ans de journalisme. Des décennies de combat pour la politique. Non pour une faction en particulier, mais pour la politique, en elle-même, au sens le plus noble : celui de la Cité. De longues années d’émissions politiques à la radio, dont bien sûr Forum, dont j’ai été le producteur il y a 25 ans. Puis, depuis 19 ans, Genève à Chaud. Il y a là une continuité : celle d’organiser, infatigablement, contre vents et marées, contre la mode du « sociétal », contre le consumérisme, des émissions consacrées à la politique. En Suisse, du dehors, c’est souvent perçu comme austère. Les sujets de votations, sur la brochure, sont illisibles, truffés de mots complexes, on édifie mille barrages pour que le peuple n’y comprenne rien ! Le journaliste politique, lui, prend exactement la même substance, et tâche de la présenter au plus grand nombre, en termes clairs, pour que tout le monde saisisse les enjeux. Se sente concerné. Et finalement, aille voter. Il est au service de la Cité. Au service de la clarté. De la transparence. De l’implication citoyenne.

     

    Surtout, j’ai choisi, il y a très longtemps, avant même le lancement de Forum, de donner la parole aux politiques. Ça n’allait pas de soi ! « Tu vas ennuyer tout le monde, avec tes débats parlementaires au Palais fédéral, la Suisse est austère, oublie-la, monte à Paris ! ». Nous n’étions que quelques-uns, une poignée, il y a 35 ans, à nous battre pour mettre dans l’arène la politique suisse. Les sujets « société » commençaient à faire fureur, à quoi bon infliger aux gens la vie de la Cité ! Eh bien non, non, et non : nous nous sommes battus, comme des lions, dans la Berne fédérale et dans les Cantons, pour que les enjeux citoyens concernant les Suisses eux-mêmes soient traités en priorité ! Au fond, nous reprenions, à l’oral, le si beau combat d’un Jacques Pilet, quand il a lancé l’Hebdo, en 1981. Il me semble tout de même que la mission première d’un journaliste est d’agir sur le terrain où il habite, où vivent sa famille, ses amis, de façon à démêler des enjeux de proximité, faire tomber des masques familiers, éclairer des enjeux cachés, bien souvent économiques. Après cela, si on veut aller au Congo, au Laos ou au Nicaragua, chacun vit sa vie, chacun est libre.

     

    Je vais vous dire une chose. Persister, comme je le fais, à mener des émissions politiques, en invitant des hommes et femmes politiques, ne va pas de soi, aujourd’hui. Regardez les chaînes privées parisiennes : un chef de meute (rôle qu’au demeurant, je sais parfaitement tenir), au milieu d’un cénacle de « chroniqueurs », toujours les mêmes. On ne s’embarrasse pas d’inviter des politiques. On cause entre soi, on pérore, on s’engueule pour faire monter l’audience. On ne prend jamais de thèmes de fond, austères, économiques. On fait juste défiler les deux ou trois sujets polémiques du jour. Et le tour est joué ! C’est une conception du métier. Ça n’est pas la mienne. J’aspire à d’autres horizons, de citoyenneté partagée et de passion commune pour les intérêts collectifs.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Dalida au pouvoir !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 12.03.25

     

    Les dirigeants européens ne gouvernent plus, ils dansent. Leur vie, Macron en tête, n’est qu’un interminable ballet diplomatique pour « tenter de se mettre d’accord sur une solution pour l’Ukraine ». Ils n’en peuvent plus de se réunir. Projets d’accord, résolutions, communiqués, annonce de la prochaine réunion, dans quelques jours, pour « tenter de finaliser ».

     

    C’est ça, le réveil de l’Europe, entre l’Ours russe et l’Oncle Sam ? Mais c’est Dalida, « Paroles, paroles, et encore des paroles » ! En vérité, rien de concret. Les « 800 milliards pour se réarmer », pour l’heure, ce sont des mots. Que vont dire les opinions publiques, dans les différentes nations ? Comment vont réagir les plus précaires, les oubliés, ceux qui auraient tant besoin que cet argent soit investi, dans chaque pays, pour la cohésion sociale interne de la communauté nationale ?

     

    Et puis quoi, la jeunesse d’Europe, elle va se laisser embrigader dans cette Croisade ? Elle va être dupe du formidable effet de paravent : mobiliser les attentions sur un Grand Satan, si possible à l’Est, pour mieux camoufler le trou abyssal de la dette ? Car tel est bien, en France, la tactique de Macron : faire oublier une politique intérieure dont il a perdu les leviers de commande, pour s’enivrer d’ennemis, de réarmement. Repartir comme en quarante. Euh non, j’aurais dû donner une autre date : celle-là, pour la France, est trop cruelle.

     

    Pascal Décaillet

  • Le belliciste 2025 : portrait

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 12.03.25

     

    Le belliciste 2025, jusqu’à une période très récente, n’aimait pas la guerre. Il ne cessait de la condamner, sous toutes ses formes, la décrivant comme l’ultime résidu de l’archaïsme de l’humanité première, sauvage. Depuis la chute du Mur, il nous répétait que l’Histoire était finie, que le capitalisme avait gagné, le communisme perdu, que nous allions construire une humanité sans frontières, libérée des entraves. Non seulement il détestait la guerre, mais il s’abstenait scrupuleusement, au nom de ce rejet, d’étudier celles du passé, leur déroulement, leurs causes, leurs conséquences, les grands récits qu’elles avaient engendrés. Il ne voulait tout simplement pas en entendre parler. Pour lui, la guerre était une erreur de l’humanité première, il s’agissait de la corriger, pour construire un nouveau monde. Ça, c’était le belliciste d’avant 2025, à l’époque où il n’était pas encore belliciste, mais… pacifiste.

     

    Et puis voilà, par l’effet d’une transmutation qui passionnera les alchimistes du futur et les lecteurs d’Ovide, le pacifiste est devenu le belliciste 2025. Le même, oui le même, n’a désormais plus qu’un mot à la bouche : la guerre. Cette immonde sauvagerie qu’il n’avait cessé de condamner, voilà soudain qu’il l’encense. Cette brutalité mortifère, il la porte aux nues. Le continent européen n’aurait désormais qu’une priorité absolue : se réarmer. Porter à des pourcentages du PIB jamais atteints les budgets militaires. Ouvrir, partout, des usines d’armement. Augmenter les temps de conscription. Offrir à chaque citoyen européen une tenue de combat complète, pour s’en aller guerroyer sur les Marches de l’Est.

     

    Toute personne osant un discours sceptique face à ces urgences martiales sera considérée comme traître à la patrie, agent du Kremlin, défaitiste, collabo, et tant d’autres mots d’oiseaux empruntés directement à la lexicologie de la Seconde Guerre mondiale. Non seulement le pacifiste d’avant 2025 est devenu un belliciste enragé, mais aussi un pourchasseur de planqués, un délateur, un sergent recruteur. Oui, nous sommes entrés dans l’ère de la Métamorphose. J’ai cité Ovide, J’aurais pu évoquer Kafka. Le gentil pacifiste en sandales s’est transformé un Rambo surarmé, il le fait au nom de la morale, au nom de la justice, au nom du Bien.

     

    Le belliciste 2025, ex-pacifiste, perpétue tout de même une continuité : tout comme avant, il persiste dans son refus d’ouvrir le moindre livre d’Histoire. L’idée même, par exemple, que le conflit d’aujourd’hui en Ukraine, ou celui des années 1990 dans les Balkans, exigent l’ascèse de se plonger dans des siècles d’antécédents complexes, le rebute. Surtout pas l’Histoire ! A une exception près : Munich, 1938. Au nom de cette défaite de Chamberlain et Daladier face à Hitler, le belliciste 2025 détient la clef suprême pour son Jugement dernier : d’un côté, les Munichois, de l’autre les héros. Il se range, tout naturellement, et avec la translucidité des Métamorphosés, dans la catégorie no 2. Ah, les braves gens !

     

    Pascal Décaillet