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Commentaires GHI - Page 2

  • Le retour de deux fantômes

     

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 05.11.25

     

    La libre-circulation, la souveraineté. 33 ans après le débat épique de 1992, les deux pommes de discorde majeures sont encore là. Et ce sont exactement les mêmes ! Cette fois, il ne s’agit plus d’Espace économique européen, mais d’un paquet d’Accords qu’on appelle, pour faire court, les Bilatérales III. Le projet était en consultation jusqu’au 31 octobre, il sera au menu des Chambres fédérales en 2026, et au final, le peuple se prononcera.

     

    Depuis le « dimanche noir » du 6 décembre 1992, l’eau a coulé sous les ponts. Il y a eu la grande aventure des bilatérales, des Accords économiques dont l’aspect pragmatique a convenu au peuple suisse. Ce dernier dit OUI à la collaboration économique sectorielle, et clairement NON à tout ce qui peut ressembler à l’incorporation de la Suisse dans un ensemble supranational.

     

    Dans cet immense débat national qui s’ouvre, ce qui fâche n’a pas changé. La libre-circulation : la directive de l’UE sur les citoyens pourrait amener des centaines de milliers de résidents européens en Suisse. La souveraineté : l’instance d’arbitrage, en cas de litiges, entre la Suisse et l’UE est accusée par les opposants d’être, au final, à la solde de Bruxelles. Libre-circulation, souveraineté : ces deux thèmes, vitaux pour l’avenir de notre pays, porteront toute la bataille.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Delamuraz-Blocher : souvenirs émus

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 05.11.25

     

    Correspondant parlementaire à Berne pour la RSR en 1992, j’avais couvert à fond, dans toute la Suisse, la « campagne du siècle », autour de la votation historique du 6 décembre sur l’Espace économique européen. Une campagne titanesque, inoubliable. Deux Suisses, l’une face à l’autre : celle des partisans, valorisant l’Europe de Bruxelles, plutôt représentés en Suisse romande (disons en Suisse de l’Ouest), dans les villes, dans la plaine. Face à elle, les opposants, plutôt en Suisse alémanique et au Tessin, plutôt dans les campagnes, plutôt en montagne. J’accumule les « plutôt », parce qu’une lecture fine de la carte exige patience et nuances : il nous a bien fallu un an, à la RSR et dans les autres médias, pour affiner notre analyse, découvrir des lignes de fracture plus subtiles, en fonction de l’Histoire de chaque canton.

     

    Mais enfin, le dimanche 6 décembre 1922, sur le coup de 15.22h, ce fut NON. Peuple et cantons. Mon premier commentaire à chaud, à la RSR, fut empreint de tristesse. J’étais triste. La Suisse romande était triste. Il fallait s’incliner, mais c’était dur. Il faut le reconnaître : dans l’équipe des journalistes parlementaires romands, au Palais fédéral, tous médias confondus, nous étions très majoritairement favorables à l’EEE. Nous avions suivi toute l’Histoire en amont de la votation, les longues et difficiles négociations, puis la signature de l’Accord à Porto en mai 1992, puis la campagne, homérique, passionnante. Pour ma part, je confesse, 33 ans après, avoir été un peu sous l’emprise de Jean-Pascal Delamuraz, son intelligence si vive et percutante, son charme, son humour, et surtout son incomparable courage dans le combat. Delamuraz, face à Blocher : deux géants, deux tempéraments, deux guerriers de premier ordre. C’est un honneur que d’avoir couvert une telle campagne. Elle était vraiment celle du siècle.

     

    Lorsque nous sommes allés à Porto, en mai 1992, dans le printemps ensoleillé du Portugal, pour couvrir la signature de l’Accord, nous étions persuadés que la ratification populaire, déjà entrevue à l’horizon de décembre, ne serait qu’une formalité. Nous avions tort, immensément. Nous avions juste sous-estimé le retour tellurique de la Vieille Suisse. Celle de Blocher. Celle de l’attachement viscéral à la souveraineté. Celle du refus des juges étrangers. Celle des dialectes, des traditions, des coutumes locales, tellement puissantes et attachantes dans notre pays. Dès septembre, et de façon incroyablement ascendante les dernières semaines de campagne, la Vieille Suisse nous a signifié son réveil. En Suisse romande, nous étions incapables de voir que Blocher était, chaque jour un peu plus, en train de marquer des points. Nous n’avions rien compris, rien voulu comprendre. Nous nous étions cramponnés aux forces de la Raison, le Freisinn, la Vernunft, toutes ces belles valeurs de l’Aufklärung, les Lumières de la philosophie allemande. Nous avions juste sous-estimé le terrain. Les passions. Le patriotisme, Nous nous étions trompés, c’est tout.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Lisez Marx

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 29.10.25

     

    Ce qui frappe le plus, face aux tournicotés du Nasdaq et de l’ultra-libéralisme, c’est leur carence de discours, et donc de références solides, en matière de culture. Non qu’ils soient incultes. Mais le champ du savoir, l’univers du monde sensible, le rôle de la langue et du langage dans les sociétés humaines, ne paraissent pas prioritaires chez eux, et je suis poli.

     

    Prenez la DDR, le nom porté, entre 1949 et 1989 par la Prusse historique, la Saxe historique et la Thuringe. C’était un régime communiste, imposé par l’occupant soviétique. Il y avait une police politique, avec tous ses méfaits, il n’est pas question de le nier.

     

    Mais la DDR, dont je suis depuis ma jeunesse (du temps même de son existence, donc) un grand défenseur, c’était aussi la culture. Brecht, Heiner Müller, Christa Wolf, ces noms immenses, et tant d’autres avec eux, ont porté très haut, dans ce pays à régime autoritaire, une ambition culturelle. Dans l’Histoire de la langue allemande, si fondamentale (on l’a vu avec Fichte, puis les Frères Grimm) dans l’Histoire allemande tout court, ces grands noms ont ouvert des horizons.

     

    Et les autres ? Ceux qui ne cessent, depuis la chute du Mur, par obédience atlantiste, de nous annoncer « la victoire définitive du capitalisme », que nous ont-ils apporté, culturellement ? La réponse tient en un mot : la misère. Alors, par pitié, que vous soyez de droite ou de gauche, lisez Marx, Ca nous éclaire. Et ça nous éveille.

     

    Pascal Décaillet