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Commentaires GHI - Page 5

  • Ultra-libéraux, foutez-nous la paix !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 23.10.24

     

    Depuis exactement 35 ans (chute du Mur de Berlin, 9 novembre 1989), je dénonce la dérive libérale de notre continent européen. Sous le prétexte, totalement fallacieux, de « victoire définitive du capitalisme », on nous a poussé la chansonnette d’un nouvel ordre mondial, fondé sur le marché, la réussite individuelle, l’abolition des frontières, la disparition des nations souveraines au profit de superstructures continentales. Les plus délirants nous ont même articulé la vieille chimère d’une gouvernance mondiale. Ces décennies-là, funestes, ont été celles des libéraux, partout en Europe. Même les sociaux-démocrates, comme le Britannique Blair et l’Allemand Schröder, ont cédé aux sirènes de cette réorganisation du monde par le désordre du marché triomphant.

     

    Le résultat ? Il est sous nos yeux, ici et maintenant. Perte de l’outil de production, délocalisé en Asie, parce qu’on a méprisé l’industrie, fermé les sites sans les rénover, au profit d’un monde de « services », tous plus évanescents les uns que les autres. On a lancé le mythe de la « start-up », on a encensé les entreprises qui commençaient, ou pire : celles qui annonçaient avoir l’intention de commencer. On a laissé des apprentis-sorciers, encore jeunes, s’endetter à n’en plus finir, pour finalement fermer leur boîte, la queue entre les jambes, après deux ou trois ans. En Suisse romande, une bande de snobinards lausannois, surexcités par la proximité d’une grande école, nous ont expliqué comment on allait faire l’économie autrement. Ils se sont gargarisés du mantra « innovation ». Il fallait à tout prix lancer sa boîte, sans le moindre fonds propre, « faire autrement », parler anglais, et virevolter dans le cocktails de « réseautage ». Fadaises ! Chimères ! Lamentable culte du Veau d’or ! Leurs « boîtes », trois ans après, plus personne n’en parlait. C’était du vent.

     

    Depuis bientôt 19 ans, je suis entrepreneur. Oh, ma structure est modeste, croyez-moi, mais c’est la mienne. Jamais emprunté un seul centime. Jamais « investi » un sou qui ne soit de moi. Je ne crois qu’à deux valeurs : un travail acharné, et une confiance profonde avec les partenaires. Pour moi, c’est cela, l’économie durable. L’antithèse du blingbling et du paraître. Il faut un savoir-faire, la passion et l’énergie de tracer un sillon, et des millions de gestes recommencés, précis, métronomiques, pour que le travail soit accompli avec qualité, dans les délais. Ces préceptes-là, qui relèvent d’une conception traditionnelle et humaniste de l’économie, s’appliquent à tous les métiers, sans exception. Depuis 35 ans, dans les milieux à la mode, ils font sourire. Aujourd’hui, ce sont les moqueurs ultra-libéraux qui rient jaune. Leur monde s’écroule. L’idée de travail, de nation, de cohésion sociale, d’Etat fort là où il doit l’être, mais aussi l’idée de frontière, de souveraineté nationale, tout cela revient au grand galop. Ultra-libéraux, foutez-nous la paix ! Et journalistes économiques, intéressez-vous aux entreprises qui durent, par seulement à celles qui commencent.

     

    Pascal Décaillet

  • Parlons clair, camarades !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 16.10.24

     

    Lorsque j’ai décidé, il y a bientôt quarante ans, de consacrer ma vie au journalisme politique, j’ai pris, face à moi-même, un engagement : celui de parler clair. Mon domaine de prédilection étant la politique fédérale, j’ai eu du boulot ! Débarquer à Berne, à l’époque comme sans doute encore aujourd’hui, c’était pénétrer dans un monde crypté. En plus, nous étions logés, les journalistes radio et TV, à l’intérieur même du Palais fédéral, troisième étage, sous les toits, juste au-dessus des Chambres fédérales. Nous étions des Vestales, dans un sanctuaire

     

    Mon problème n’a jamais été l’allemand. Je parle cette langue. Non, c’était la technocratie des mots, qui venait se glisser jusque dans les sujets les plus simples. Alors, j’ai pris mon bâton de pèlerin, et je me suis juré une chose : aussi complexe soit le sujet, toi, devant un micro, dès la Revue de presse alémanique (je me levais avant cinq heures, je passais à la gare de Berne, où m’attendait un paquet de journaux ficelés dans un kiosque, je les lisais, je présentais la séquence en direct dans la Matinale), jusqu’au soir, toi, TU SERAS CLAIR !

     

    Aujourd’hui encore, pas de débat sans une exigence absolue de clarté. Parce que nous sommes au service, non des techniciens, non du monde politique, non de nos pairs (quelle horreur !), mais de la seule chose qui compte : le grand public. Alors oui, parlons clair, camarades ! Et nous serons républicains.

     

    Pascal Décaillet

  • Santé : la mascarade des mots

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 16.10.24

     

    « Obligation de contracter », « catalogue de prestations », « traitement en ambulatoire ou en stationnaire » : les mots de la LAMal (loi sur l’assurance maladie) sont, au crible de l’analyse de communication la plus élémentaire, une honte. En soi, un scandale. Qui s’ajoute à la déroute première : celle de la LAMal elle-même, depuis trente ans, son échec absolu, sa responsabilité devant l’Histoire : être la première cause de paupérisation des Suisses. Avant l’impôt. Avant même les loyers. Les Suisses deviennent plus pauvres, non de se soigner, mais de payer, payer, et payer encore, pour l’éventualité où ils iraient, peut-être, un jour, se faire soigner ! Parce qu’ils auraient eu l’incongruité de tomber malades. Ah, les rustres !

     

    Mais revenons à ces mots-barrages. J’ai assisté, à Berne, à la genèse de la LAMal. Déjà à l’époque, (début des années 1990, lors des travaux préparatoires), le débat parlementaire était pris en otage par une nomenclature incompréhensible. Plus les politiques débattaient, moins on les comprenait. À croire qu’ils faisaient exprès de noyer leur propos sous un tsunami de mots techniques. Au début, nous nous contentions, nous les citoyens, de hausser les épaules. Les primes n’avaient pas pris l’ascenseur comme aujourd’hui, alors nous laissions les jargonneurs pérorer entre eux. Mais aujourd’hui, trente ans plus tard ! Les primes nous prennent à la gorge. Elles nous étouffent. Elles sont, pour beaucoup d’entre nous, avec le loyer, l’impôt, l’une des principales angoisses de fin de mois. Alors oui, il faut le dire : les échanges de mots savants, dans les débats, nous exaspèrent. Une exigence républicaine commence à poindre : celle de la clarté la plus limpide, quand on parle des affaires de santé, en Suisse.

     

    Ce sont principalement les politiciens bourgeois, et parmi eux les libéraux, qui usent et abusent et cet empoisonnement du langage par des mots incompréhensibles. Le public, parce qu’il n’en peut plus de payer, est de moins en moins dupe, il se détourne de la classe politique pour espérer des solutions dans le domaine de l’assurance maladie. Il plébiscite la démocratie directe, pas encore pour accepter ses solutions, mais comme voie de débat : enjeux clairs, vaste débat national, engueulades dans les foyers au moment du repas familial, c’est justement ça, notre démocratie suisse ! Cette fraternelle empoignade, entre citoyennes et citoyens, avec les mots de tous les jours, les mots de la vie : « Caisse unique », « Et tu la financeras comment, pépère ? », « Caisse publique », « Mais tu vas nous filer un impôt de plus ! », c’est ça la vie, c’est ça la Suisse, et pas des « obligations de contracter », ou des « catalogues de prestations », articulés par des nez pincés, tout soucieux de confisquer la réalité des rapports de forces, économiques évidemment, au peuple, pour demeurer dans l’entre-soi des salons bernois. Où tel lobby nous a invités à tel cocktail, pour faire passer telle idée, au service des Caisses. Au service du pouvoir financier. Notre démocratie suisse mérite tellement mieux que cette mascarade des mots.

     

    Pascal Décaillet